Une rencontre exceptionnelle à Fécamp pour ce mois d’octobre 2012 : Le Marité et La Boudeuse sont tous deux dans notre port cauchois !...
Le Marité.
Le Marité est un trois mâts goélette en bois construit à Fécamp en 1923 pour la pêche à la morue sur les bancs de Terre-Neuve.
Le navire a pu faire cinq campagnes de pêche sur les « bancs », jusqu’en 1929, avant de laisser la place aux gros chalutiers à vapeur.
Il tient son nom de Marie-Thérèse Le Borgne, la fille de l’armateur fécampois et marraine du navire.
Le Marité a une longueur hors tout de 47 mètres, porte 650 m² de voiles et déplace 450 tonnes pour un tirant d’eau de 4,20 mètres.
Ce navire est un « revenant » car il a bel et bien failli terminer ses jours à l’abandon dans un port du Nord de l’Europe. Dans un premier temps, il a été sauvé par un groupe de jeunes Suédois qui l’ont acheté en 1978.
Auparavant, de 1930 à 1935, le voilier avait été utilisé au Danemark pour la grande pêche en Islande et au Groenland et ensuite pour le fret de charbon et de toison de mouton entre les îles Féroé et le Danemark.
Pendant la seconde guerre mondiale, en Grande Bretagne, il est de nouveau à la grande pêche qu’il continuera jusqu’en 1953.
A partir de 1954, il perd sa voilure pour se consacrer à la pêche à la crevette et au hareng jusqu’à son désarmement en 1969.
Après 46 ans d’utilisation intensive, le navire avait son « compte » et c’est à Stockholm qu’une première rénovation est entreprise, de 1978 à 1987, et qu’il commence une nouvelle carrière à la voile et au charter.
En 1992, il prend le nom de Bla Marité af Pripps et se distingue à la Cutty Sark.
Au début 1999, Jacques Chauveau, président de l'association Amerami, apprend que le Marité est à vendre.
Avec Gérard d'Aboville, président de la Fondation pour le patrimoine maritime et fluvial, ils entament de longues négociations pour le retour du navire au pays.
Ce n’est que quatre ans plus tard, en 2003, qu’est créé le « groupement d'intérêt public Marité », constitué de plusieurs collectivités locales, dont la ville de Rouen, le conseil général de la Manche le conseil régional de Haute-Normandie, la ville de Fécamp, et le conseil général de l'Eure.
La structure juridique de Groupement d’intérêt public (GIP) est bien adaptée à l’armement de grands voiliers-écoles dans un but social, éducatif, ou d’intérêt général.
C’est celle qui a été retenue par le laboratoire d’idées, « Les Clippers de Normandie », que j’ai créé en 1993, et qui avait pour objet :
1/ De participer, à partir de stages embarqués sur des grands voiliers assurant une pratique de la voile et la découverte de la mer, à l’éducation, la formation et la réinsertion d’adolescents et d’adultes.
2/ De rechercher au préalable des partenaires publics ou privés pour le financement et l’exploitation de ses bateaux à voile.
Le « GIP Marité » est présidé par Gérard d'Aboville qui achète le Marité pour 2,4 millions d'euros.
Le navire est révélé au public par l'émission Thalassa sur France 3 et, en 2004 et 2005, il fait le tour des ports de France.
Puis la situation se complique sérieusement car les évaluations sur l’état de la coque du voilier sont franchement catastrophiques.
C’est une longue restauration qui commence alors, pour se terminer en juin 2012 !...
Vous pouvez trouver le descriptif de cette restauration dans le « Chasse-Marée » du mois d’octobre 2012.
Un utile rappel pour réaliser combien il est difficile dans notre pays de rénover des navires anciens ou encore de créer des écoles de voile de haute mer…
J’ajoute que cette restauration me touche particulièrement car l’un de mes arrières grands pères, Jules-Maximilien Duboc, a disparu sur un voilier de ce type, le Notre Dame de Lourdes , en 1907, vraisemblablement sur les côtes d’Islande.
Il était parti pour une campagne de pêche à la morue et le navire a sombré, corps et biens, lors d’une tempête.
Il a laissé, à 33 ans, une femme et quatre petits.
« La Boudeuse »
Si le Marité est une magnifique restauration qui a demandé de nombreuses années d’efforts, notamment des collectivités publiques qui y ont investis près de 4 millions d’euros, il n’en demeure pas moins que je me pose cette question : « C’est pourquoi faire ?...».
Car un navire, c’est fait pour naviguer, transporter des passagers ou du fret, pêcher ou encore assurer la formation de cadets comme le font nombre de grands voiliers-écoles des marines militaires ou civiles.
C’est en sens que j’ai d’ailleurs proposé à François Hollande de lancer un « Erasmus Maritime » qui consisterait à construire un grand voilier-école pour chacune des 160 Régions maritimes de l’Union européenne.
Un projet extrêmement ambitieux, de la taille du programme « Airbus ».
Le monde change et il faut trouver de nouveaux paradigmes pour arriver à vivre TOUS en paix sur notre planète ; le développement de la navigation hauturière, à grande échelle, pour les citoyens du monde, sera, je l’espère, l’un de ces nouveaux paradigmes.
Car, si l’époque des grands voiliers du commerce est terminée depuis longtemps, les grands voiliers-écoles constituent une remarquable école de vie et de découverte du monde.
Et il y a peu d’exemple à suivre dans notre pays.
Parmi ceux-ci, il faut retenir La Boudeuse et son programme de navigation la « Mission Terre-Océan ».
"La Nouvelle Odyssée", 32 communes pour la... par mission_terre-ocean
La Boudeuse a été construite en 1916 sur le chantier Figge à Vlaardingen au Pays-Bas.
C’est un trois mâts goélette en acier de 34 mètres de longueur au pont, d’un déplacement de 250 tonnes, et capable d’embarquer une trentaine de membres d’équipage et de cadets.
La Boudeuse a tout d’abord été armée pour le commerce en Baltique et Mer du Nord avant de devenir un voilier-école suédois à la fin des années 1930.
En 2003, c’est Patrice Franceschi qui rachète le navire et le rénove sur le chantier de Camaret pour effectuer des navigations hauturières, côtières et fluviales, avec son association « l’école de l’Aventure ».
Sous pavillon français, et après avoir été rebaptisé La Boudeuse en hommage à l’explorateur français Louis Antoine de Bougainville, il part pour un tour du monde consacré à la découverte des « peuples de l'eau ».
La Boudeuse a commencée à être mieux connue du public lors de
son escale à Paris en octobre 2007.
En octobre 2009, La Boudeuse est repartie pour une nouvelle mission « Terre-Océan », dans le cadre du Grenelle de la mer.
Deux années de missions scientifiques étaient prévues autour de trois grands thèmes : le développement durable, le dialogue des cultures et la biodiversité.
Des scientifiques attachés au CNRS, au CNES et au Muséum d'histoire naturelle se sont relayés à bord pour étudier la biodiversité, les modifications climatiques, la montée des eaux, la surpêche, en participation avec des scientifiques locaux.
Mais l’absence de financement promis par le ministère de l’Écologie, près de 500.000 euros, entraine un arrêt de l’aventure le 1er juin 2010.
Le navire doit être mis en vente à la Martinique.
Après un retour en métropole, La Boudeuse reste à l’Île de Nantes pendant plusieurs mois à partir de septembre 2010.
Mais la « galère » ne s’arrête pas là !...
La Boudeuse est saisie par le fisc le 13 décembre 2010 en raison d'un impayé de TVA !...
Il faut avouer que Patrice Franceschi a accumulé « coup de chien » sur « coup de chien » !...
C’est l'association de solidarité internationale (ACTED) qui relance un projet
avec Patrice Franceschi en créant le « Fonds de dotation Mission Terre-Océan » ; celui-ci permettra de continuer les campagnes d’exploration de La Boudeuse à partir de 2012.
Le Fonds de dotation est une structure juridique parfaitement adaptée à l’action sociale et éducative à partir du moment où les objectifs sont d’intérêt général.
J’ai même créé le « Fonds de dotation Euroclippers » pour le financement de grands voiliers-écoles !...
Celui-ci a été à la fois un échec et une réussite.
Un échec, car nous n’avons jamais eu le rescrit fiscal, et une réussite car nous savons maintenant que si une entreprise fait construire un grand voiler-école, qui naviguerait dans un but éducatif et social, et bien elle ne bénéficiera d’aucun abattement fiscal au titre de la construction !...
Toujours est-il que le « Fonds de dotation Mission Terre-Océan » devrait permettre à de nombreux jeunes d’embarquer à bord de La Boudeuse et de naviguer sur les océans !...
Prochainement, une nouvelle aventure commence pour La Boudeuse avec un programme éducatif intitulé « La Nouvelle Odyssée » !...
Ce sera une navigation de huit mois, d’octobre 2012 à mai 2013, rendue possible grâce à un partenariat entre le « Fonds de dotation Mission Terre-Océan », regroupant ACTED et « l’Ecole de l’Aventure », propriétaire de La
Boudeuse, et l’Associationdes maires de France (AMF).
C’est l’Association des maires de France, dont le Président est Jacques Pélissard, maire de Lons-le-Saunier, qui, à travers son « programme jeunesse international » finance une partie des charges liées à l’embarquement pour cette « Nouvelle Odyssée » de 128 jeunes, de 18 à 25 ans, provenant de 32 communes.
Au début novembre 2012, La Boudeuse quittera Fécamp pour une navigation de 8 mois, en huit étapes :
Etape 1 : De Fécamp à Dakar, avec pour escales Lisbonne, Madère, les Canaries, la Mauritanie ;
Etape 2 : De Dakar à Cayenne avec escale aux Îles du Cap-Vert ;
Etape 3 : De Cayenne à Buenos Aires en passant par l’Amazone et Rio de Janeiro ;
Etape 4 : De Buenos Aires à Ushuaia avec au programme les îles Malouines et les canaux de Patagonie ;
Etape 5 : D’Ushuaia à l’Ile de Pâques, avec pour route le Cap Horn, Valparaiso et l’Ile de Robinson Crusoé ;
Etape 6 : De l’Ile de Pâques à Panama en passant par les Galápagos ;
Etape 7 : Du Panama aux Bermudes par les Antilles ;
Etape 8 : Des Bermudes à Fécamp
Chaque mois, 4 communes différentes enverront chacune quatre jeunes à bord du navire, soit 16 personnes en même temps.
Un véritable « relais » qui apportera aux stagiaires une expérience humaine d’une rare intensité mêlant le goût de l’aventure au sens des responsabilités, la découverte du monde à l’esprit civique ; de quoi développer leur esprit d'entreprise et de leur créativité !...
Un véritable « modèle à suivre » !...
Une belle aventure, et je ne peux que leur souhaiter à tous : « Bonne route et bon vent !... »
Jean-Charles Duboc
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