Pour le tirage au sort des sénateurs (I)
10 octobre 2014
Le détournement des 3,5 milliards de dollars des indemnités de la guerre du Golfe par François Mitterrand en 1991 révèle que notre pays est devenu un authentique « totalitarisme mafieux » où un chef de l’État peut détourner des milliards en toute impunité.
Ce crime contre les institutions, contre la démocratie, contre la défense, contre nos militaires, n’a été rendu possible que parce qu’une grande partie de la classe politique est arriviste, corrompue, craintive, lâche, ou sans valeurs.
En détournant ces fonds, « l’Arsouille », comme l’appelait le général de Gaulle, savait que tous se tairaient, par crainte pour leur carrière mais aussi par peur d’être ῝suicidé῝ comme Robert Boulin, Pierre Bérégovoy, François de Grossouvre, ou encore Jean-Edern Hallier.
Je rends hommage à ces hommes qui ont payé de leur vie leur opposition à la corruption comme a pu le faire Pierre Bérégovoy le 8 avril 1992 lors du discours qu'il a prononcé devant l'Assemblée nationale :
« Mais je voudrais être plus clair encore. J'entends vider l'abcès de la corruption. J'ai demandé au garde des sceaux de pousser les feux de la justice et du châtiment pour les coupables.
Toutes les procédures seront conduites à leur terme, dès lors qu'elles révéleront des actes frauduleux commis à des fins d'enrichissement personnel.
Je souhaite que cet assainissement soit conduit par la justice avec célérité et sévérité. Pour la part qui revient au parquet, le garde des sceaux y veillera. Toutes dispositions seront prises par la Chancellerie afin de faciliter l'aboutissement rapide des procédures, dans le respect, bien entendu, des décisions des juges.
S'il est des dossiers qui traînent, croyez-moi, ils ne traîneront plus. Il faut guérir la corruption, il faut aussi la prévenir (…) J'ai ici une liste de personnalités dont je pourrais éventuellement vous parler. ».
Pierre Bérégovoy a été retrouvé suicidé le 1er mai 1993.
Il aura tenu un an face à la corruption.
La situation ne s’est pas améliorée en vingt ans comme le révèlent en continu les scandales politico-financiers qui se succèdent les uns aux autres.
L’opinion publique n’a plus aucune confiance dans ses dirigeants et dans le fonctionnement de notre démocratie.
Les citoyens sont même prêts à se jeter dans les bras nationalistes de « Marina la Peine » comme si c’était le manque d’esprit nationaliste qui avait causé cet effondrement du sens civique de nos élus !...
SI LA FRANCE VA MAL, CE N’EST PAS PAR MANQUE DE NATIONALISME MAIS PARCE QUE LES BASES DE NOS INSTITUTIONS SONT MAL CONÇUES !... ELLES DOIVENT ÊTRE AMÉLIORÉES !...
Les bases du fonctionnement de notre démocratie sont mauvaises et doivent être changées.
Nous devons innover, refonder le système.
Pourquoi ne pas instituer le tirage au sort ?...
Dans nos démocraties, très peu de personnes réclament un tirage au sort d’une partie des représentants du peuple.
Pour beaucoup, cela semble même franchement révolutionnaire !...
Nous tellement habitués à aller désigner par le vote nos représentants dans les différentes institutions de la République que le tirage au sort semble une idée totalement saugrenue !...
Pourtant le tirage au sort des citoyens a été institué dans les jurys populaires, ceux-là même qui avaient la possibilité de « raccourcir » une personne lorsque la guillotine était l’instrument de justice le plus radicale, et le plus définitif.
Là, il ne s’agissait pas de diriger une commune, une région ou l’Etat mais, carrément, de tuer un individu jugé coupable au risque, d’ailleurs, de commettre l’irréparable : condamner un innocent !...
Mais, lorsque des personnes tirées au sort votent des lois, au moins le processus est réversible en cas d’appréciation erronée – c’est la grande différence avec la condamnation à « l’échafaud » !...
Le tirage au sort des représentants du peuple peut conduire à des excès démagogiques, mais il faut bien réaliser qu’une démocratie représentative a déjà réussi à se transformer en état totalitaire, comme on a pu le voir lors de l’arrivé au pouvoir de Adolf Hitler en mars 1933.
Nous y sommes, d’une façon différente et bien moins flagrante.
Comme je l’ai déjà expliqué, nous vivons dans un « totalitarisme mafieux », une forme de totalitarisme plus sophistiqué et bien moins visible que le communisme ou le nazisme, mais tout aussi destructeur des libertés sur le long terme.
En fait, la meilleure solution pour garantir les citoyens de toute dérive totalitaire est qu’il y ait deux systèmes, le tirage au sort et l’élection, qui cohabitent simultanément, les deux s’autocontrôlant l’un l’autre.
Ainsi, on peut très bien imaginer que les membres de l’Assemblée Nationale continueraient à être élus tandis que ceux du Sénat seraient tirés au sort.
De la même façon, le développement de la régionalisation devrait aboutir, un jour ou l’autre, à la création de grandes régions pouvant rassembler jusqu’à 10 millions d’habitants, celles-ci étant dotées d’un parlement où il serait souhaitable que la moitié des membres soient tirés au sort.
Chacune de ces régions pèserait aussi lourd qu’un Etat comme la Finlande, la Suède, le Norvège, l’Irlande, la Suisse, le Portugal ou la Grèce.
Aussi, afin de corriger l’évolution dramatique de notre démocratie, et pas seulement la nôtre puisque le problème du rejet de la classe politique n’est pas spécifique à la France, il me semble souhaitable d’instituer une part de tirage au sort parmi les représentants du peuple avec, bien sûr, un système de contrôle par l’institution de façon à se garantir de toute dérive.
Aucun parti politique n’a jamais étudié une telle proposition !...
Ce serait couper la branche sur laquelle les élus sont assis et où ils peuvent se gaver de bonnes « rémunérations » et de divers avantages avec, dans les pires cas, des commissions sur les appels d’offre ou les contrats d’armement !...
Compte-tenu des résistances du système, celui-ci ne pourrait changer que lors d’un effondrement économique et financier pour que les analystes politiques, des politiciens, la presse et les médias, étudient et reprennent cette proposition.
Nous y arrivons progressivement.
Mais il est possible qu’un scandale politique très grave, la révélation d’une gigantesque affaire de corruption, provoque un choc dans l’opinion et précipite les choses ; les citoyens se demanderont alors : « Comment a-t-on pu en arriver là ?... »
Ce sera le moment de la remise en cause du système ; il faudra trouver des explications à cette situation catastrophique puis innover afin de trouver un nouveau type de gouvernement de l’Etat.
Devant la gravité de l’effondrement de l’économie et des finances du pays, et la révélation au public du très grave niveau de ῝pourrissement῝ de la classe politique, les citoyens réaliseront alors qu’il n’y a qu’une seule solution vraiment efficace : celle de briser le pouvoir exclusif des partis politiques !...
C’est là où le tirage au sort d’une partie des représentants du peuple, et le développement de la démocratie directe, deviennent des solutions d’avenir.
Avec ces nouveaux apports dans la démocratie, les mensonges systématiques et les promesses irréalistes et démagogiques qui s’introduisent dans les discours électoraux disparaissent de fait.
De la même façon, les puissances de l’argent sont exclues et elles ne peuvent plus financer, corrompre, en espérant une faveur en retour !...
Ainsi la démocratie directe, le tirage au sort, et une courte durée des mandats, par exemple de un an, comme on l’a vu à Athènes, suppriment une grande partie de la corruption.
Je me pose cette question : « Et si on tirait au sort les sénateurs parmi des citoyens volontaires ?... ».
Cette proposition a déjà été faite par « I-Cube » et est étudiée, par exemple, pour le Sénat du Canada.
Le Sénat est composé de 348 sénateurs élus pour six ans par les « grands électeurs » que sont les députés, conseillers régionaux, conseillers généraux et conseillers municipaux. Leur mandat est de six ans et le renouvellement s'effectue par moitié, tous les trois ans depuis 2011.
En 2014, leurs indemnités totales sont de 13.340 euros bruts par mois (indemnité mensuelle, indemnité représentative de frais de mandat et avantages mensuels).
De plus, un sénateur peut cumuler son indemnité parlementaire avec les indemnités d'autres mandats électifs dans la limite d'une fois et demie le montant brut de l'indemnité parlementaire de base, soit un total de 8 272 euros.
La caisse de retraite du Sénat se porte bien : en 2008, elle disposait de 575 millions d’euros... Ce qui fait qu’un ex-sénateur qui a seulement été élu six ans perçoit 1.932 euros de retraite !...
On comprend pourquoi beaucoup s’accrochent !...
Mais si seulement ils étaient réellement performants et soucieux de l’intérêt de la collectivité !...
J’ai des doutes…
Lorsque j’étais membre de l’UMP, j’ai alerté les politiciens de la Seine-Maritime au sujet du détournement des indemnités de la guerre du Golfe, mais j’ai toujours perçu un manque d’intérêt manifeste pour cette affaire.
J’ai exposé la situation à Antoine Rufenacht, maire du Havre, qui n’était manifestement pas du tout intéressé, puis j’ai rencontré Patrice Gélard, sénateur, à qui j’ai aussi présenté le dossier.
Bien que j’aie été reçu au Sénat par l’assistante parlementaire de Patrice Gélard, il n’y a jamais eu de suite à ma requête.
Patrice Gélard est membre de la Haute Cour de justice, l’institution qui permet de prononcer la destitution du président de la République « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ».
Ainsi, un membre de la Haute Cour de justice, qu’un citoyen alerte sur un détournement de fonds publics considérable, ne va même pas essayer de s’enquérir de la véracité de cette information !...
Cela veut dire qu’il n’hésite pas à couvrir délibérément un détournement de fonds publics effectué par le Premier des élus !...
Peut-on faire confiance à de tels « Guignols » ?...
La réponse est NON !...
Aussi, il me semble souhaitable de dissoudre le Sénat et de tirer au sort des citoyens volontaires de façon à briser une fois pour toutes un fonctionnement qui a montré son incapacité à être à l’écoute des citoyens et à respecter un minimum d’éthique et de probité.
Un mandat de trois ans est intéressant : un an pour se former à la fonction, un autre pour siéger en toute connaissance des procédures, un troisième pour instruire le successeur qui vient d’arriver.
Et puis, il faut deux ans pour que les collègues que l’on rencontre peu commencent à vous connaître.
Les influences des uns et des autres sont ainsi diluées ce qui permet à chacun de garder plus facilement son libre arbitre.
Les corrupteurs que sont les grandes puissances financières, les grandes fortunes, les partis politiques, n’ont plus le temps de mettre en place leurs réseaux d’influence, comme on l’a vu à Athènes du Vème au IIIème siècle avant J.C. pendant la première démocratie.
D’autant plus qu’il y avait, à l’époque, un contrôle permanent des magistrats désignés (nos ministres et présidents d’exécutifs locaux) pour être certain qu’il n’y avait pas d’enrichissement illégal ou de collusion d’intérêts.
Je souligne que c’est ce qu’a proposé en novembre2012 Lionel Jospin dans la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique. La 35ème proposition consiste en effet à « Mettre en place un dispositif ouvert "d’alerte éthique" » !...
Mais je dois avouer qu’avec la création du site « Alerte éthique », j’ai dix ans d’avance sur cette proposition !...
Et puis, on attend toujours une suite à la « réforme Jospin » qui est devenue une proposition déjà oubliée…
Ensuite, le tirage au sort est fortement égalitaire, ce qui permet une réelle représentation du peuple à travers des citoyens volontaires de toutes origines qui n’ont rien à voir avec « l’élite-élue » que nous connaissons.
C’est ainsi que nous verrons au Sénat des infirmières, aides-soignantes, médecins, agriculteurs, institutrices, militaires, policiers, chômeurs, retraités, commerçants, chauffeurs de taxis et de poids lourds, professeurs, étudiants, jeunes en galère, etc…
Il n’y a alors plus de « discrimination » de certains groupes politiques, de non-représentation de telle minorité, d’exclusion des femmes, des jeunes ou des anciens, d’absence de représentation d’un groupe social récent ou qui présente des problèmes nouveaux.
Le tirage au sort permet que tout le monde, toutes les tendances soient représentées, et il est, de plus, fortement mobilisateur car il incite chaque citoyen à réfléchir aux défis de société, à participer aux affaires de la cité et de l’état, à débattre des questions politiques, à s’informer et à s’instruire, en bref à accroître sa liberté.
Cette implication est constante et permet aux citoyens d’être continuellement « aux commandes », contrairement à la démocratie représentative où les électeurs ne peuvent s’exprimer que pendant les élections.
En conclusion, dans la démocratie directe et le tirage au sort, le peuple est réellement au pouvoir !...
Pourtant, alors que le tirage au sort présente de nombreux avantages, pour quelles raisons son instauration n’a-t-elle été jamais débattue ?...
Mais, tout simplement, parce que les hommes et les femmes de pouvoir n’en veulent surtout pas !...
D’ailleurs, ils présentent aux citoyens toutes sortes d’arguments fallacieux pour ne jamais proposer cette possibilité au peuple !...
Billet suivant :
Pour le tirage au sort des sénateurs (II)
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