Wikileaks Flux

Pourquoi les médias ne font pas leur travail ?

 

Interview de Snowden…

 

Un film sort pour vous conter les aventures de l’auteur des « WikiLeaks » qui ont secoué la sphère politico-journalistique il y a quelques années.

Rappelons en ce jour de « tous les saints » (du calendrier et de quelques autres) qu’Edward Snowden est un ancien officier de renseignement qui a servi à la CIA, NSA et DIA (Defense Intelligence Agency) pendant une décennie en tant qu'expert sur la technologie et la cyber-sécurité.

En 2013 il révéla l'ampleur de la surveillance globale exercée par la NSA en fournissant des documents confidentiels de la NSA aux journalistes Glenn Greenwald, Laura Poitras, Barton Gellman et Ewen MacAskill.

Et qu’il est exilé en Russie depuis juillet 2013.

Un espion qui a trahi, quoi…

Emily Bell, l’intervieweuse est directrice au Tow Center for Digital Journalism à l'école de journalisme de Columbia et professeur invitée au Centre de Recherche sur les Arts, Sciences Sociales et Humanités à l'Université de Cambridge.

La journaliste a parlé à Edward Snowden sur une ligne sécurisée au sujet de ses expériences de travail avec des journalistes et son opinion sur le changement du monde des médias. Il s'agit d'un extrait de cette conversation, qui s'est tenue en décembre 2015.

Elle paraîtra dans un livre à venir « Le Journalisme après Snowden » : Le Futur de la Presse Libre sous l'État de Surveillance, qui sera publié par Columbia University Press en 2016.

J’ai cru intéressant de vous occuper le neurone autour de ces extraits que je vous relaie parce que vous ne les trouverez pas dans votre presse habituelle, afin que vous compreniez diverses choses relatives au travail de « communication/information » dévolu aux organes de presse.

Rassurez-vous, rien de « révolutionnaire », juste quelques confirmations mais aussi un éclairage qui pourrait vous en apprendre un peu plus et mieux sur ce business de l’information…

Un seul regret, c’est un peu long.

Emily Bell : Pouvez-vous nous parler de vos interactions avec des journalistes et avec la presse ?

 

Edward Snowden : L'un des plus grands défis concernant le changement de nature des relations du public avec les médias et de celles du gouvernement avec les médias est que les médias n'ont jamais été aussi forts qu'aujourd'hui. Et en même temps, la presse est moins encline à utiliser ce genre de pouvoir à cause de sa commercialisation croissante. Il y avait cette tradition que la culture médiatique dont nous avions hérité depuis les premières diffusions visait à être un service public. Nous avons peu à peu perdu cela, pas simplement dans les faits mais dans l'idéal même, et ce particulièrement à cause des infos 24h sur 24h.

Nous voyons cela de façon constante, même dans des organes comme The New York Times. The Intercept a récemment publié « The Drone Papers » (les articles du drone), ce qui était un acte extraordinaire de service public de la part d'un lanceur d'alerte de l'intérieur du gouvernement pour porter l'information au public de quelque chose d'absolument vital sur ce que nous aurions dû savoir depuis plus de dix ans. Ce sont ces choses que nous avons vraiment besoin de connaître pour être en mesure d'analyser et d'évaluer les politiques. Mais cela nous a été rendu impossible, donc on se retrouve avec un organe journalistique qui casse le morceau, ils s'arrangent pour obtenir l'information. Mais les grands de la presse, notamment le New York Times, ne relaient pas l'histoire, ils l'ignorent complètement. C'était tellement extraordinaire que la responsable éditoriale public, Margaret Sullivan, a dû s'impliquer pour enquêter sur les raisons pour lesquelles ils avaient supprimé une histoire tellement riche en information. Il faut reconnaître au bénéfice du Times qu'ils ont un responsable éditorial public (responsable de la relation avec le public et de l'éthique journalistique, NdT), mais c'est inquiétant qu'il y ait un tel besoin de cette fonction.

Au Royaume-Uni, lorsque The Guardian mettait à jour l'histoire de la NSA, nous avons vu que s'il y a un climat de concurrence dans le milieu des media, s'il y a de l'argent en jeu, de la réputation, de la reconnaissance possible, quoi que ce soit qui a une valeur tangible qui pourrait profiter à la concurrence, même si cela devait en même temps bénéficier au public, les organes de presse sont de moins en moins désireux d'assurer le service pour le public à leur propre détriment. C'est typiquement ce qui se passe pour les rédactions. Il se peut que cela ait toujours existé, mais on ne s'en souvient pas. Culturellement nous n'aimons pas penser que cela a toujours existé. Il y a des choses que nous devrions savoir, des choses qui ont de l'importance pour nous, mais nous ne sommes pas autorisés à les connaître parce que The Telegraph ou le Times ou n'importe quel autre journal à Londres décide que, comme il s'agit d'une exclusivité de quelqu'un d'autre, on ne va pas en faire mention. Au lieu de cela nous allons tenter une "contre histoire" sur le sujet. Nous allons tout simplement rencontrer des officiels du gouvernement et leur demander de faire une déclaration, et nous en rendrons compte sans nous poser de question d'aucune manière parce que c'est cela qui est notre exclusivité. Indépendamment du fait que c'est beaucoup moins intéressant, beaucoup moins substantiel que les faits réels sur lesquels on peut développer des discussions politiques. Nous sommes, semble-t-il, entrés dans un monde où les rédactions prennent les décisions sur les histoires qui doivent être développées sur la base de l'avantage que cela présente pour le concurrent, plutôt que sur l'intérêt de l'information comme telle.

J'aimerais vraiment avoir vos réflexions là-dessus, parce que bien que j'interagisse avec les media, je leur suis extérieur. Vous connaissez les media. En tant que vous avez travaillé dans ce milieu, percevez-vous la même chose ? Une espèce d'effet Fox News où les faits ont moins d'importance ?

Bell : C'est une question fascinante. Si vous regardez Donald Trump, il y a un problème lorsque vous avez une presse qui trouve qu'il est important de rendre compte de ce qui s'est passé sans le prisme d'une mise en perspective. C'est le problème de Trump, n'est-ce pas ? Il dit que des milliers de musulmans faisaient la fête dans les rues du New Jersey après les attaques du 11-Septembre et ce n'est clairement pas vrai. Ce n'est même pas une question de nombre, c'est juste inexact. Cependant, cela domine le manège des nouvelles, et il prend toute la place à la télé, et vous ne voyez rien changer dans les enquêtes d'opinion – ou, plutôt, vous le voyez devenir plus populaire.

Il y a là deux choses, je crois, dont l'une n'est pas nouvelle. Je suis complètement d'accord avec vous à propos de la manière dont les forces économiques ont effectivement produit un mauvais journalisme. Une des choses intéressantes, et qui à mon avis est positive à propos du journalisme américain, est que au cours des dix dernières années il y a eu une rupture dans cette relation de libre marché qui dit que vous ne pouvez pas faire du bon journalisme sans faire de profits, et dans la compréhension que le vraiment bon journalisme non seulement n'apporte pas forcément de profits, mais ne va même plutôt jamais produire que des résultats non profitables.

Je pense que vos actes et vos révélations sont réellement intéressants en ce sens que c'est une aventure très coûteuse, et ce n'est pas le genre d'histoire que les publicitaires souhaitent voir à côté de leurs messages. En fait, les gens ne voulaient pas payer pour les lire. Après quoi ils diront, nous aimons bien The Guardian ; nous soutenons leur travail. Donc je suis d'accord avec vous qu'il y a eu une coupure entre les faits et comment ils sont présentés. J'aimerais pouvoir penser que ça s'améliore.

Vous êtes sur Twitter maintenant. Vous devenez un personnage public beaucoup plus consulté et beaucoup de gens ont vu « Citizenfour » (le film qui raconte l'histoire de Snowden). Vous avez changé entre le moment où vous étiez cette « personne source » et maintenant que vous êtes activement engagé dans la Freedom of the Press Foundation (fondation pour la liberté de la presse), et aussi en ayant votre flux de publication à travers une société de media sociaux. Vous n'avez plus besoin de l'ouverture d'un accès à la presse.

Comment voyez-vous cela ?

Snowden : Aujourd'hui vous avez des gens qui touchent directement leur public avec des outils comme Twitter, et j'ai environ 1,7 million de suiveurs actuellement (ce nombre indique les suiveurs de Snowden en décembre 2015). Ce sont des gens que théoriquement vous pouvez toucher, à qui vous pouvez envoyer un message. Que ce soit une centaine ou un million de personnes, ces individus constituent un public avec lequel vous pouvez parler directement. C'est en réalité un des moyens que vous voyez utiliser par les acteurs des nouveaux média, et aussi par des acteurs malveillants, et exploiter ce qui est perçu comme de nouvelles vulnérabilités dans le contrôle par les média de l'histoire qu'ils veulent présenter, par exemple dans le cas de Donald Trump.

En même temps ces stratégies ne marchent toujours pas (…) pour modifier le regard et persuader les gens sur une plus large échelle. C'est aussi ce qui m'arrive. Le directeur du FBI peut faire une fausse déclaration, ou une sorte de déclaration trompeuse en tant que témoin devant le Congrès. Je peux confronter aux faits et dire que c'est inexact. À moins qu'un organe doté d'un large public ne le répercute, par exemple, un organe de presse reconnu, l'impact de ce genre de déclaration que je peux faire reste plutôt minime. Ils suivent leurs flux d'information et puis rapportent sur ces flux. C'est pourquoi je pense que nous voyons une forte relation et une intéressante interaction émerger entre ces nouveau media d'auto-publication genre Twitter et la fabrication d'histoires et l'utilisation de Twitter comme base par des journalistes.

Si vous regardez qui sont les membres de Twitter en termes d'influence et d'impact qu'ils ont, il y a des célébrités sur Twitter, mais en fait ils sont seulement en train d'essayer d'entretenir leur image, de promouvoir un groupe, d'être mode, de rappeler aux gens qu'ils existent. Ils ne réalisent réellement aucun changement, et n'ont aucune sorte d'influence autre que directement commerciale.

Bell : Abordons la question sous l'angle de votre contribution aux changements du monde, c'est à dire en présentant ces nouveaux faits. Il y a une partie de la presse technologique et de la presse de renseignement qui, au moment des fuites, a dit que nous savions déjà cela, sauf que c'est caché bien en vue. Pourtant, un an après vos révélations, il y eut un important changement dans la perception du public à propos des technologies de surveillance. Cela peut se réduire, et probablement après les attentats de Paris, cela se réduit un peu. Êtes-vous déçu qu'il n'y ait pas davantage d'effet de long terme? Avez-vous l'impression que le monde n'a pas changé assez vite ?

Snowden : En fait je ne pense pas cela. Je suis vraiment optimiste à propos de la façon dont les choses ont évolué, et je suis très surpris de l'importance de l'effet produit par ces révélations, bien au-delà de ce que j'avais imaginé. Je suis célèbre pour avoir dit à Alan Rubridger [rédacteur en chef du Guardian, NdT] que ce serait une histoire à trois épisodes. Vous êtes en train de faire allusion à cette idée que les gens s'en fichent, ou que rien n'a réellement changé. Nous avons entendu cela de différentes façons, mais je pense que cela a réellement changé de manière très profonde.

Maintenant quand on parle au sujet de la presse technique, ou dans le registre de la sécurité nationale, et que vous dites qu'il n'y a rien de neuf dans ces domaines, nous le savions déjà, ce discours est tenu pour des raisons de prestige, de la même manière qu'ils sont obligés de signaler que nous sommes des experts, puisque nous savions que cela se passait. Dans de nombreux cas en fait ils ne savaient pas. La différence c'est qu'ils savaient que le potentiel technique existait.

Je pense que c'est ce qui souligne pourquoi les fuites ont eu un tel impact. Il y a des gens qui disent que les premières publications au sujet de la récupération de masse des enregistrements d'internet et des métadonnées remontent à 2006. Il y avait également une histoire sans garantie d'écoutes électroniques au New York Times. Pourquoi n'ont-elles pas eu le même effet de transformation ? C'est parce qu'il y a une différence fondamentale lorsqu'il s'agit de la mise en œuvre de l'information, différence entre savoir et pouvoir, la déclaration que la possibilité pourrait être utilisée, et le fait qu'elle a été utilisée. La distance entre allégation et fait, parfois, génère toute la différence.

C'est, pour moi, ce qui définit la meilleure forme de journalisme. C'est l'une des choses réellement sous-évaluée à propos de ce qui s'est produit en 2013. De nombreuses personnes me félicitent en tant qu'acteur seul, du genre je suis le personnage incroyable qui a fait cela. Personnellement je me vois comme ayant eu un rôle plus modeste. J'ai été le mécanisme de mise à jour sur un sujet très réduit pour les gouvernements. Ce n'est pas vraiment à propos de la surveillance, c'est à propos de ce que le public comprend - quel contrôle a le public sur les programmes et politiques de leurs gouvernements. Si nous ne savons pas ce que notre gouvernement fait réellement, si nous ne savons pas quels pouvoirs les autorités revendiquent pour elles-mêmes, ou s'arrogent, en secret, on ne peut pas dire que nous tenons le gouvernement en laisse d'aucune manière.

Une des choses qui est réellement oubliée c'est le fait que, aussi valable et important que les informations qui sortirent des premières archives, ce fut l'énorme nombre des très intéressantes révélations que le gouvernement fut obligé de faire, parce qu'ils étaient pris à contre-pied par la nature agressive des faits révélés par les archives. Il y avait des histoires dans le lot qui montraient comment ils avaient abusé de ces possibilités, combien ils étaient intrusifs, le fait qu'ils avaient enfreint la loi dans de nombreux cas ou avaient violé la constitution.

L'un des points les plus importants est que nous avons davantage de publications en concurrence pour un nombre fini et même en diminution de sujets d'intérêt disponibles.

Quand le gouvernement est présenté de manière tout à fait publique, particulièrement pour un président qui a fait campagne sur l'idée de couper court à ce genre d'activités, comme ayant continué de telles pratiques, et dans de nombreux cas de les avoir amplifiées selon des façons contraires à ce que le public attend, ils doivent tenter de se défendre. Alors dans les premières semaines, on a eu droit à la rhétorique genre personne n'écoute vos conversations téléphoniques. Cela n'a pas été très concluant. Alors ils y sont allés de "ce ne sont que des métadonnées". De fait cela a marché un moment, même si ce n'est pas vrai. En ajoutant de la complexité ils ont réduit la participation. Il est encore difficile pour l'homme de la rue de comprendre que les métadonnées, dans bien des cas, sont en fait plus révélatrices et plus dangereuses que le contenu des conversations téléphoniques. Mais des révélations continuaient. Alors ils ont cédé, oui en effet, même s'il s'agit "seulement de métadonnées" c'est quand même une pratique anticonstitutionnelle, alors comment la justifier? Ils ont fini par dire, dans ce contexte elles sont légales, ou bien dans cet autre contexte aussi.

Tout d'un coup ils ont eu besoin de traiter de la légalité, et cela voulait dire que le gouvernement devait faire état d'ordonnances judiciaires auxquelles les journalistes n'avaient pas accès, auxquelles je n'avais pas accès, et auxquelles personne à la NSA n'avait accès, parce qu'elles étaient attachées à une administration tout à fait différente, le Ministère de la Justice (Department of Justice).

Ici, à nouveau, on passe du soupçon, du déclaratif à des faits avérés. Maintenant, bien sûr, comme il s'agit de réponses politiques, chacune d'elles était intentionnellement trompeuse. Le gouvernement veut se montrer sous son meilleur jour. Mais même des révélations orientées peuvent être intéressantes, à condition qu'elles soient basées sur des faits. Elles constituent une pièce du puzzle qui peut fournir le petit détail dont un autre journaliste travaillant ailleurs indépendamment a besoin. Cela débloque un élément, comble le vide qui restait, et rend l'histoire cohérente. Je pense que cela n'a pas été compris clairement et ça a été produit entièrement par des journalistes qui ne faisaient que du suivi.

Il y a une autre idée que vous avez évoquée : que je suis plus engagé vis-à-vis de la presse que je ne l'étais auparavant. C'est tout à fait vrai. En 2013 j'ai clairement pris la position qu'il ne s'agissait pas tellement de moi, je ne désire pas être l'objet du débat. J'ai dit que je ne veux pas être le correcteur des enregistrements des officiels du gouvernement, même si je pourrais l'être, même si je savais qu'ils faisaient des déclarations trompeuses. Nous voyons dans l'actuel cirque électoral que quoique dise quiconque cela peut devenir l'histoire, devenir la déclaration, devenir l'allégation. Ça devient de la crédibilité politique orientée, oh vous savez Donald Trump l'a dit, donc ça ne peut pas être vrai. Mettez de côté toutes les terribles choses qu'il dit, il y a toujours la possibilité qu'il dise quelque chose de vrai. Mais comme ça vient de lui, ce sera analysé et apprécié sous un jour différent. Pourtant ce n'est pas pour dire que ça ne devrait pas l'être, mais c'était mon avis que sans aucun doute je serai soumis à une campagne de diabolisation. En fait ils m'ont photographié durant mes déclarations avant de révéler mon identité. J'avais prévu qu'ils allaient m'accuser dans le contexte de l'Espionnage Act, j'avais prévu qu'ils diraient que j'avais aidé des terroristes, du sang sur mes mains, et tous ces trucs. Et je suis passé au travers. Cela n'a pas été un incroyable exploit de génie de ma part, c'est juste du bon sens, et c'est toujours comme ça que ça fonctionne dans le cas d'importants lanceurs d'alerte. C'est pour cette raison que nous avions besoin d'autres voix, besoin de média pour porter le débat.

En raison de la nature de l'abus de confidentialité par les autorités des États-Unis, il n'y a personne qui n'ait jamais eu une habilitation en matière de sécurité qui soit vraiment capable de mener ce débat. Les organes des média modernes préfèrent ne jamais avoir recours à leur statut institutionnel pour réclamer des faits au sujet d'une histoire établie, ils préfèrent s'abriter derrière quelqu'un d'autre. Ils veulent pouvoir dire : selon cet expert, ou selon cet officiel, et eux ne pas engager leur responsabilité. Mais, à mon sens, le journalisme doit admettre que parfois il faut le poids institutionnel pour appuyer les demandes qui sont accessibles publiquement, et pour prendre position sur cette base, puis mettre en avant les arguments vis-à-vis de qui que ce soit qui est soupçonné, par exemple le gouvernement dans ce cas, et aller chercher toutes les preuves dans ce sens. Vous dites que ce n'est pas le cas, mais pourquoi devrions nous vous croire ? Y a-t-il une raison pour laquelle nous ne devrions pas dire ceci ?

C'est quelque chose que les institutions répugnent à faire de nos jours parce que c'est considéré comme un plaidoyer. Ils ne veulent pas se trouver en situation de devoir démêler ce qui est factuel de ce qui ne l'est pas. Au lieu de cela ils veulent jouer le jeu de l'"impartialité" et plutôt diffuser des interprétations, des revendications des deux parties, leurs présentations de preuves, mais nous n'allons pas prendre parti.

C'est pour cette raison que pendant les six premiers mois je n'ai pas donné d'interview. Ce n'est pas avant décembre 2013 que j'ai donné ma première interview à Barton Gellman du Washington Post. Durant cette période j'espérais que quelqu'un d'autre se manifesterait du côté politique et deviendrait le visage de ce mouvement. Mais je pensais surtout que cela inspirerait une réflexion dans les organes médiatiques sur ce qu'était leur rôle. Je pense qu'ils ont fait un assez bon travail, notamment parce que c'était une première, notamment parce que c'est un domaine dans lequel la presse a été, au moins au cours des quinze dernières années, extrêmement réticente à présenter un esprit critique vis-à-vis des affirmations du gouvernement. Si le mot terrorisme apparaissait il n'était pas question d'interroger les faits. Si le gouvernement disait, regardez c'est secret pour telle raison, c'est confidentiel pour telle raison, les journalistes en restaient là. A nouveau, et ce n'est pas pour taper sur le New York Times, mais lorsqu'on regarde les rumeurs d'écoutes électroniques qui allaient être publiées en octobre d'une année électorale [les élections ont lieu en novembre, NdT], alors que l'issue de cette élection dépendrait d'une très faible proportion des voix, la plus faible dans une élection présidentielle, au moins dans l'histoire récente. C'est difficile de croire que si cette histoire avait été publiée elle n'aurait pas modifié le déroulement de l'élection.

Bell : L'ancienne rédactrice en chef du Times, Jill Abramson, a déclaré que son article comportait des erreurs avérées, « J'aurais aimé ne pas cacher une partie de l'histoire. » Ce que vous dites fait certainement écho à ce que je connais et comprends de l'histoire récente de la presse US, c'est à dire que les préoccupations de sécurité après le 11-Septembre ont réellement modifié en profondeur la manière de rendre compte de de ce que disent l'administration et l'autorité dans ce pays. Ce que nous savons au sujet des programmes de drones provient de déclarations, ou de ce que « The Intercept » a découvert, et de compte-rendu qu'en a fait Jeremy Scahill, ce qui a été incroyablement important. Mais une grande partie des informations est venue du terrain. Le fait que nous étions conscients que les drones bombardaient des villages, tuant des civils, ignorant les frontières là où ils n'étaient pas supposés se trouver, cela vient des gens qui le faisaient savoir depuis le terrain.

Quelque chose d'intéressant s'est réellement produit au cours des trois dernières années, qui me fait penser à ce que vous dites de la manière dont la NSA opère. Nous voyons une relation beaucoup plus étroite maintenant entre journalisme de technologie et la technologie de communication de masse plus que jamais auparavant. Les gens maintenant font complètement confiance à Facebook. Pour partie c'est lié à un changement commercial aux US, mais vous avez aussi des activistes et des journalistes qui sont régulièrement torturés ou tués, comme par exemple au Bangladesh, où il est impossible d'opérer comme presse libre, mais ils réussissent à utiliser ces instruments. C'est pratiquement comme le média public américain qu'est maintenant Facebook. Je me demande ce que vous en pensez ?

C'est un développement tellement récent.

Snowden : L'une des questions les plus importantes est que nous avons beaucoup de publications en concurrence pour un montant fini et en diminution d'attention disponible. C'est pourquoi on constate l'augmentation de ce genre de publications hybrides comme BuzzFeed, qui produisent une énorme quantité de cochonneries. Ils font du test et utilisent les principes scientifiques. Leur contenu est fabriqué spécialement pour attirer l'attention alors qu'il n'a aucune valeur pour le public. Il n'incorpore aucune valeur informative. Du genre voici 10 images de chatons tellement adorables. Mais ensuite ils développent une ligne éditoriale très conformiste, et l'idée est que s'ils entrainent la consultation dans cette direction, théoriquement alors les gens qui consultent les suivront sur les autres sujets.

Il y a des gens qui vont se servir de cela ; si ce n'est pas BuzzFeed, ce sera quelqu'un d'autre. Ce n'est pas une critique d'un modèle en particulier, mais l'idée ici est que le premier clic, la première mise en relation concentre toute l'attention. Plus nous lisons à propos d'une certaine chose, cela en fait réoriente notre cerveau. Tout ce avec quoi nous interagissons a un effet sur nous, une influence, laisse des souvenirs, des idées, instille des expressions mimétiques qu'ensuite nous conservons en nous et qui formatent ce que nous regarderons ensuite, et qui orientent notre regard.

Bell : Oui, c'est la différence entre le journalisme de création et les plateformes technologiques de grande taille, qui ne sont pas foncièrement journalistiques. En d'autres termes, elles n'ont pas d'objectif fondamental.

Snowden : Elles n'ont pas de rôle journalistique, c'est un rôle de simple transmission.

Bell : D'accord, c'est un rôle commercial, et alors ? Quand vous êtes allé voir Glenn et The Guardian, ils n'ont pas hésité une seconde pour savoir que le rôle principal d'un organe de presse est de diffuser cette histoire à l'extérieur aussi vite et de manière aussi sécurisée que possible en s'imposant de protéger une source.

Est-il encore possible de protéger ses sources actuellement ? Vous avez eu une intuition de devin en pensant qu'il était inutile de vous protéger vous-même.

Snowden : J'ai un avantage incomparable.

Bell : Oui, c'est sûr, cependant cela fait une énorme différence par rapport à il y a vingt ans.

Snowden : C'est quelque chose dont nous avons vu d'autres exemples dans l'enregistrement public en 2013. C'était l'affaire James Rosen où on a vu que le Ministère de la Justice (Department of Justice), et plus largement le gouvernement, excédait ses pouvoirs en exigeant les copies des mails et des appels téléphoniques, et dans l'affaire AP où des enregistrements d'appels téléphoniques ont été saisis alors qu'ils étaient effectués depuis le bureau de journalistes.

En soi cela est glaçant, parce que le travail traditionnel de journaliste, la culture traditionnelle, où le journaliste appelle son contact et dit bon maintenant causons, devient soudain quelque chose qui peut conduire à les incriminer. Mais plus sérieusement, si l'individu en question, l'employé du gouvernement qui travaille avec le journaliste pour faire connaître une affaire d'intérêt public, si cette personne est allée si loin qu'elle a effectué un acte journalistique, tout d'un coup ils peuvent être découverts facilement s'ils ne sont pas conscients de la situation.

On voit l'écart entre les périodes pendant lesquelles les gouvernements successifs peuvent garder un secret sont en train de rétrécir. Les secrets deviennent connus du public à un rythme qui s'accélère.

Je n'avais pas cette compréhension au moment où j'essayais de me montrer parce que je n'avais pas de relation avec les journalistes. Je n'avais jamais parlé à un journaliste de manière un tant soit peu consistante. Alors, au lieu de cela, j'ai tout simplement pensé à la relation de confrontation dont j'avais hérité par mon travail en tant qu'officier de renseignement en travaillant pour la CIA et la NSA. Tout est secret et vous avez deux sortes de couverture. Vous avez la couverture du statut qui est la suivante : à l'extérieur vous vivez comme un diplomate pour justifier votre présence. Vous ne pouvez pas dire tout simplement je travaille pour la CIA. Mais vous avez aussi une autre couverture qu'on appelle la couverture "action". Dans ce cas vous n'allez pas rester longtemps sur place, vous pouvez juste être présent dans un immeuble et vous devez pouvoir justifier votre présence, il vous faut un prétexte. Ce genre de déguisement est malheureusement de plus en plus souvent nécessaire dans le cas de reportage. Les journalistes devraient le savoir, les sources devraient le savoir. N'importe quand, si vous êtes arrêté par un officier de police et qu'il veuille récupérer votre téléphone ou autre chose du même genre, vous pouvez vous retrouver obligé d'expliquer votre présence. C'est particulièrement vrai dans un pays comme le Bangladesh. J'ai entendu dire qu'ils recherchent la présence de VPN (logiciel de réseau virtuel privé) qui évite le barrage de la censure et permet d'accéder à des réseaux d'information non surveillés, ce dont ils se servent comme preuve de comportement d'opposition, une qualification qui peut vous causer de sérieux ennuis dans cette région du monde.

Au moment des fuites je pensais simplement, d'accord le gouvernement — et il ne s'agit plus d'un seul gouvernement maintenant — on parle en réalité de l'alliance de renseignement des « Five Eyes » (les cinq yeux : Les États-Unis, le Royaume Uni, la Nouvelle Zélande, l'Australie et le Canada) qui forment un super État pluri-continental dans ce contexte de partage, ils vont devenir chèvres avec ces révélations. Il y a des institutions, par exemple, au Royaume-Uni, qui peuvent imposer des remarques D, ils peuvent dire vous ne devez pas publier cela, ou vous ne devriez pas publier cela. Aux États-Unis il n'est pas certain que le gouvernement n'essaierait pas d'exercer une influence à priori de manières légèrement différentes, ou qu'ils n'attaqueraient pas les journalistes comme complices de quelque délit pour intervenir sur le reportage sans aller jusqu'à attaquer l'institution elle-même, seulement les personnes. On a déjà vu cela dans des documents de justice. Ce fut le cas pour James Rosen où le Ministère de la Justice l'avait désigné comme un accessoire – et ils ont dit qu'il était un conspirateur. Donc l'idée qui me venait était que j'avais besoin d'institutions travaillant au-delà des frontières dans de nombreuses juridictions simplement pour compliquer la situation légalement au point que les journalistes pourraient jouer leur partie, légalement et de façon réellement journalistique plus efficacement et plus rapidement que le gouvernement ne pourrait jouer la partition légale pour intervenir vis-à-vis d'eux.

Bell : C'est vrai, mais c'est le genre de choses qui se sont passées lors du reportage de l'affaire.

Snowden : Et c'est d'une manière que je n'avais même pas anticipée, parce que, qui pouvait imaginer qu'une affaire comme celle-là pourrait réellement échapper au contrôle et aller même encore plus loin : Glenn Greenwald qui vivait au Brésil, et faisait des papiers pour l'agence là-bas d'un organe de presse US, mais domicilié au Royaume-Uni, le Washington Post qui fournissait la carte de visite institutionnelle et disait, voyons, ceci est une histoire vraie, il ne s'agit pas d'un simple débat sur le sujet entre gauchistes allumés, et aussi Der Spiegel en Allemagne avec Laura (Poitras). Tous ces éléments représentaient un système dont je ne pensais pas qu'il pourrait être surmonté avant que l'affaire puisse être rendue publique. Le temps que le gouvernement rassemble tous les éléments du dossier et tente d'intervenir dessus, l'histoire se résumerait à ça.

Bell : Vous donnez en fait une analyse sophistiquée aussi bien de ce qui s'est produit dans les pratiques de reportage que des évolutions des structures des média. Comme vous dites, vous n'aviez eu aucune interaction avec des journalistes. Je pense que l'une des raisons pour lesquelles la presse vous a fait bon accueil était que vous-même faisiez confiance aux journalistes, bizarrement. Et puis vous avez continué à penser que vous pouviez faire confiance à ces gens, pas seulement pour votre vie, mais avec une énorme responsabilité. Alors vous avez passé un temps considérable, particulièrement avec Glenn, Laura et Zwen (MacAskill) dans des chambres d'hôtel. Quel a été ce processus d'approfondissement, de rencontre avec eux ? Mon expérience me dit que plus les gens s'approchent de la presse et bien souvent moins ils l'apprécient. Pourquoi est-ce que vous faites confiance aux journalistes ?

Snowden : Ça renvoie à une question plus large – quelle impression j'avais des journalistes, selon quel processus je devenais familier avec eux ? Il y a deux réponses, l'une politique et l'autre pratique. En particulier pour Glenn, je crois très fort qu'il n'y a pas de qualité plus importante pour un journaliste que l'indépendance. C'est à dire une indépendance de perspective, et particulièrement un esprit critique. Plus l'organe de presse est puissant, plus il devrait cultiver l'esprit critique. Il y a un principe qui a été mis en avant par un ancien journaliste, I.F. Stone : "Tous les gouvernements sont pilotés par des menteurs et il ne faut rien croire de ce qu'ils disent." Selon mon expérience c'est exactement la vérité. J'ai rencontré Daniel Ellsberg et discuté de cela avec lui, et c'est conforme à son expérience également. Il mettrait au courant le Secrétaire de la Défense (équivalent du Ministre de la Défense) dans l'avion, et lorsque ce Secrétaire de la Défense débarquerait au pied de la passerelle en serrant les mains de journalistes, il dirait quelque chose qu'il savait être absolument faux et contraire à ce qui avait été dit lors de la réunion (précédente) parce que c'était sa fonction. C'était son travail, sa responsabilité en tant que membre de cette institution.

Il y a un principe qui a été mis en avant par un ancien journaliste, I.F. Stone : « Tous les gouvernements sont pilotés par des menteurs et il ne faut rien croire de ce qu'ils disent. » Selon mon expérience c'est exactement la vérité.

Passons à Glenn Greenwald, si on l'envisage comme archétype, vraiment il en représente la forme la plus pure. Je dirais qu'en dépit des faiblesses de n'importe quel journaliste, d'une manière ou d'une autre, s'ils ont cette indépendance de perspective, ils ont la plus grande capacité de rendre compte qu'un journaliste puisse atteindre. Finalement, peu importe si vous êtres brillant, peu importe votre charisme, peu importe la perfection de vos sources ou la qualité de votre entregent, si vous vous contentez de reprendre les déclarations des institutions qui disposent du maximum de privilèges à défendre, et que vous vous contentez de les prendre pour argent comptant, toutes les autres qualités qui jouent en votre faveur ne valent finalement rien parce que vous ratez l'essentiel.

Il y avait la question plus large de ce que représente de travailler avec ces journalistes et de parcourir tout ce processus. Il a été avancé que j'étais naïf, en fait c'est l'une des critiques les plus communes sur moi actuellement — que je suis trop naïf, que j'ai trop confiance dans le gouvernement, que j'ai trop confiance dans la presse. Je ne considère pas cela comme une faiblesse. Je suis naïf mais je pense que l'idéalisme est nécessaire pour réaliser le changement, non pas de la politique mais de la culture, correct ? Parce qu'on peut changer une loi ou une autre, on peut changer un programme politique ou un autre, mais en fin de compte ce sont les valeurs partagées par les gens dans ces institutions qui produisent ces politiques ou ces programmes. Ce sont les valeurs des gens qui sont assis à leur bureau devant la page blanche de leur ordinateur, que ce soit avec Microsoft Office ou n'importe quel autre outil.

Bell : J'espère qu'ils n'utilisent pas Microsoft Office, mais on ne sait jamais.

Snowden : Ils ont une page blanche…

Bell : Ils ont une page blanche, exactement.

Snowden : Dans leur système de gestion de contenu, quel qu'il soit. Comment les individus vont-ils approcher cet ensemble de faits la semaine prochaine, le mois prochain, l'année prochaine ou dans la décennie à venir ? Qu'est-ce que le professeur de l'école de journalisme dira dans ses cours pour imprimer de nouveau ces valeurs dans les esprits, pour les mettre en avant pour la prochaine génération de reporters ? Si on ne gagne pas là-dessus, on a perdu globalement. Plus fondamentalement, les gens disent, pourquoi avez-vous fait confiance à la presse étant donné ses échecs ? En partant du fait que j'étais plutôt connu pour critiquer la presse.

Bell : S'ils avaient fait leur travail, vous seriez chez vous actuellement.

Snowden : Oui, je vivrais bien tranquillement à Hawaï.

Bell : Ce ne serait déjà pas si mal.

Snowden : Les gens demandent comment avez-vous pu faire ça, pourquoi avez-vous voulu le faire ? Comment pouviez-vous faire confiance à un journaliste qui n'avait absolument aucune formation en opération de sécurité pour la protection de votre identité, parce que s'ils foirent, vous allez en prison. La raison était que justement c'est ce à quoi je m'attendais. Je n'ai jamais pensé pouvoir sortir d'Hawaï. Je voulais faire de mon mieux, mais mon but ultime était simplement de remettre cette information dans les mains du public. J'ai considéré que le seul moyen de le faire avec un résultat significatif était de le faire avec la presse. Si on ne peut pas avoir confiance dans la presse, si on ne peut pas faire le pari de la confiance, soit être bien servi par eux, soit mal servi et être déçu par la presse, alors on a perdu d'avance. Vous ne pouvez pas avoir une société ouverte sans communication ouverte. En fin de compte, le test d'une communication ouverte est une presse libre. Si les journalistes ne peuvent pas chercher l'information, s'ils ne peuvent pas contester le contrôle du gouvernement sur l'information, et en bout de course diffuser l'information – pas seulement des informations sur le gouvernement, mais aussi sur les intérêts des grandes entreprises qui ont un effet délétère sur les choix faits par le pouvoir, sur les prérogatives du pouvoir – je me trompe peut-être, mais je dirais que ce n'est pas la démocratie américaine traditionnelle dans laquelle je croyais.

Donc l'idée était que je pouvais prendre ces risques parce que je m'attendais à en supporter les coûts. Je m'attendais à une falaise au bout du chemin. C'est assez bien illustré dans Citizenfour parce que le film montre qu'il n'y avait absolument aucun plan pour le lendemain.

Le plan pour arriver à travailler avec les journalistes, pour transmettre cette information, l'expliquer, la contextualiser, ce plan-là était extrêmement détaillé, parce qu'il fallait qu'il le soit. Au-delà, les risques étaient ma partie. Ils ne concernaient pas les journalistes. Ils pourraient faire tout le reste. C'était aussi intentionnel, parce que si les journalistes avaient fait quoi que ce soit de suspect — par exemple, si j'étais resté à la NSA en tant que source, et qu'ils m'avaient demandé tel ou tel document, cela aurait pu affecter l'indépendance à la base, la crédibilité de l'action, et en fait cela leur aurait fait prendre des risques tels que la profession aurait pu se voir imposer de nouvelles contraintes.

Bell : Donc, rien de ce que vous avez expérimenté dans cette pièce avec cette équipe, ou qui s'est passé après, ne vous a fait vous questionner ou réévaluer le journalisme ?

Snowden : Je n'ai pas dit ça. Travailler réellement plus étroitement avec les journalistes a radicalement refondé ma compréhension du journalisme, et cela continue aujourd'hui. Je pense que vous serez d'accord pour dire que n'importe qui qui a travaillé dans le domaine de l'information, soit directement ou même à sa périphérie, a vu des journalistes, ou plus directement, des éditeurs — qui sont terrifiés, qui détiennent une histoire, qui ne veulent pas publier un détail, qui veulent attendre l'avis des avocats, qui sont inquiets de leurs responsabilités.

Vous avez aussi des journalistes qui se lancent tout seuls et publient des détails qui mettent en péril directement la sécurité de certaines personnes. Il y avait des détails publiés par au moins un des journalistes qui débattaient des méthodes de communication que j'utilisais encore activement et qui avaient été secrètes auparavant. Mais le journaliste ne m'a jamais averti, donc tout à coup j'ai dû changer ma méthode. Ce qui a marché parce que j'avais la possibilité de le faire, mais c'était dangereux.

Bell : Quand est-ce que cela est arrivé ?

Snowden : Cela s'est passé lors du maximum de l'intérêt du public. L'idée ici est que le journaliste, au fond, et particulièrement une certaine catégorie de journalistes, ne doit aucune allégeance à sa source. Ils n'écrivent pas l'histoire selon l'orientation que désire la source, ils ne s'occupent pas du calendrier de publication, en théorie, pour favoriser ou défavoriser la source. Il y a de solides arguments pour qu'il en soit ainsi : la connaissance par le public de la vérité est plus importante que les risques que cette connaissance engendre pour quelques-uns. Mais en même temps, lorsqu'un journaliste rend compte de quelque chose comme un programme classé confidentiel et qui implique des sources gouvernementales, il faut un niveau de prudence incroyablement élevé pour s'assurer que ces sources ne seront pas sanctionnées si quelque chose déraille après la publication. Il faut que le journaliste fasse en sorte de conserver ce détail de l'histoire dans des documents confidentiels, parce que s'il nomme l'officiel du gouvernement cela peut les exposer à de gros ennuis, ou cela peut faire fermer le programme en cause, ou même cela peut entraîner la modification des intervenants des opérations dans quelque pays lointain.

Il s'agit d'être juste prudent, n'est-ce pas ? Mais demandez-vous – faut-il que les journalistes soient juste aussi prudents lorsque celui qui aura le choc en retour d'un détail particulier est leur propre source ?

De mon expérience la réponse ne paraît pas aussi évidente que l'on pourrait s'y attendre.

Bell : Est-ce que vous entrevoyez un monde où il n'y aura pas besoin de lanceur d'alerte pour faire sortir le genre de documents que vous avez révélés ? Quel genre de mécanisme interne serait nécessaire de la part du gouvernement ? À quoi cela pourrait-il ressembler à l'avenir ?

Snowden : C'est vraiment une question philosophique intéressante. Cela ne relève pas de mécanismes techniques, cela relève de la culture. On a vu dans l'Union européenne un grand nombre de rapports faits par des commissions parlementaires, par le Conseil de l'Europe, qui disaient il faut protéger les lanceurs d'alerte, en particulier les lanceurs d'alerte dans le domaine de la sécurité nationale. Dans le contexte national aucun pays ne veut vraiment légiférer pour autoriser des individus, à tort ou à raison, à mettre en cause le gouvernement. Mais peut-on fournir un cadre international pour cela ? On pourrait dire, particulièrement quand des lois sur l'espionnage sont utilisées dans les poursuites, que cela existe déjà. C'est pourquoi l'espionnage, par exemple, est considéré comme une infraction politique, parce que c'est un délit politique, comme on dit. C'est un argument assez faible, ou une justification assez faible, pour ne pas réformer les lois sur les lanceurs d'alerte. Particulièrement quand, à travers l'Europe de l'Ouest, il ne s'agit que de dire, oui nous aimons ce gars, il a fait de bonnes choses. Mais s'il frappe à la porte on le renverra chez lui immédiatement, sans se soucier de savoir si c'est illégal, simplement parce que les US vont exercer des représailles contre nous. C'est extraordinaire que les membres les plus importants du gouvernement allemand aient dit à propos de cette affaire - ça c'est de la realpolitik ; c'est une question de rapport de force plutôt que de principe.

Maintenant comment pouvons-nous arranger ça ? Je pense qu'en grande partie cela dépend de la culture, et nous avons besoin d'une presse plus volontaire et réellement désireuse de critiquer le gouvernement plus qu'aujourd'hui. Bien que nous ayons nombre de bonnes institutions pour cela, ou que nous voulions le faire, on a besoin d'une culture commune. Le seul contre-argument que le gouvernement développe en opposition au lancement d'alerte sur la sécurité nationale, et sur bien d'autres choses qui les ont embarrassées par le passé, est que cela comporte des risques, cela pourrait mal se passer, et ils pourraient avoir du sang sur les mains.

Pourquoi ont-ils des règles de base différentes dans le cas du journalisme sur les questions de sécurité nationale ?

On voit cela non seulement aux États-Unis mais en France, en Allemagne, au Royaume-Uni, dans tous les pays Occidentaux, et bien sûr dans tous les pays plus autoritaires ils mettent en avant les idées de secret d'État, de confidentialité, et disent vous ne devez pas savoir ceci ou cela.

Nous nous désignons comme des citoyens privés, et nous désignons les représentants élus comme des officiels publics parce que nous devrions savoir tout sur eux et leurs activités. Dans le même temps, ils sont supposés ne rien savoir sur nous car ils exercent le pouvoir et nous présentons toutes les vulnérabilités. Toutefois, de plus en plus le schéma s'inverse où ils sont les officiels privés et nous sommes les citoyens publics. Nous sommes de plus en plus surveillés, suivis, et l'objet de rapports, quantifiés et repérés et influencés, et eux dans le même temps sont davantage protégés, deviennent moins faciles à atteindre et aussi moins sujets à rendre des comptes.

Bell : Mais Edward, quand vous parlez de cette manière, vous laissez entendre que vous considérez que c'est en développement. Certainement il y a un fort accroissement, comme vous le montrez dans la surveillance et les écoutes depuis le 11-Septembre. Est-ce une évolution progressive ?

De l'extérieur il a semblé que l'Amérique post 11-Septembre, pour des raisons compréhensibles, est entrée dans un climat de psychose nationale. Si vous avez grandi en Europe, il y avait régulièrement des actes terroristes dans pratiquement tous les pays après la Seconde Guerre mondiale, toutefois pas sur la même échelle, jusqu'à une brève période de cinq ans de répit jusqu'en 2001. Ensuite la nature du terrorisme a changé. Dans une certaine mesure c'était prévisible. Vous en parlez comme d'un problème en augmentation constante. Avec le « Freedom Act » en 2015, la presse a repéré cela comme un moment significatif où la température était montée d'un cran. Il ne semble pas que vous pensez réellement cela. Il semble que vous laissez entendre que ce rapport public/privé autour de la confidentialité et de l'espionnage évolue comme un continuum. Si c'est le cas, comment cela est-il en train de changer ?

Particulièrement dans le climat politique actuel, après les attaques terroristes de Paris et d'autres nous avons vu apparaitre des arguments pour casser l'encodage.

Snowden : Je ne pense pas que cela soit en contradiction. Je pense que ce dont nous parlons sont les tendances naturelles du pouvoir et des mœurs, que pouvons-nous faire pour les endiguer, pour maintenir une société libre. Donc, quand on pense à ce que les choses sont devenues dans les USA du « Freedom Act », et quand nous regardons en arrière les années 1970, c'était même pire alors du point de vue de la facilité que le gouvernement avait de commettre des abus et de ne pas en rendre compte. Un des héritages les plus importants de 2013 n'est pas nécessairement quelque chose qui a été publié, mais c'est l'impact de publications sur la culture du gouvernement. Ça a été la confirmation vite venue dans le sillage des révélations de WikiLeaks qui furent aussi très importantes de ce point de vue, que le secret ne dure pas pour toujours, Si vous autorisez une politique qui est clairement contraire à la loi, il vous faudra un jour vous en expliquer.

La question est la suivante, pouvez-vous garder les choses cachées assez longtemps pour ne plus être aux affaires, et de préférence assez longtemps pour ne plus risquer le genre de choses comme une sanction électorale. On voit l'écart diminuer entre les périodes de temps pendant lesquelles les administrations successives pouvaient conserver un secret. Les secrets deviennent publics à un rythme de plus en plus rapide. C'est une bonne chose. C'est pareil dans le contexte du terrorisme.

Il y a une idée intéressante lorsque vous disiez cet effet bizarre sur les US que vous décriviez comme une psychose collective à la suite du 11-Septembre, alors que les pays européens avaient fait face à des attaques terroristes de façon plus habituelle. Les US avaient en fait été soumis au même phénomène, et en réalité on pourrait même dire soumis à des attaques à fort impact comme par exemple l'attaque d'Oklahoma City où un bâtiment fédéral avait été détruit par un individu isolé, un seul acteur.

Bell : Que pensez-vous des relations entre les gouvernements qui demandent à Facebook et les autres plateformes de communication d'aider à combattre Daesh ?

Snowden : Devons-nous à la base sous-traiter à des entreprises la fonction de réglementer le monde ? Si vous regardez dans ce contexte, il devient soudainement très clair que ce n'est vraiment pas une bonne idée, particulièrement parce que le terrorisme n'a pas de définition précise et internationalement reconnue. Si Facebook dit, nous ne prendrons aucun message de quiconque dont le gouvernement dit qu'il est un terroriste, tant que c'est ce gouvernement... et puis tout d'un coup il faut qu'ils le fassent pour un autre gouvernement. Les définitions chinoises à propos de qui est et qui n'est pas un terroriste seront radicalement différentes de celles du FBI. Mais si les entreprises essaient d'être sélectives et disent, bon, on ne va le faire que pour un seul gouvernement, ils perdent immédiatement l'accès aux autres marchés. Donc ça ne marche pas, et c'est une situation dans laquelle les sociétés privées ne désirent pas se retrouver.

Toutefois, même si elles pouvaient le faire, il y a déjà des politiques en vigueur pour qu'elles le puissent. Si Facebook reçoit un avis disant que ceci est un message terroriste, ils peuvent le faire disparaître. Ce n'est pas comme si c'était difficile ou fastidieux lorsqu'il s'agit de violence.

La distinction est que le gouvernement essaie de dire, maintenant nous voulons qu'ils fassent disparaître tout discours radical. Est-ce qu'une compagnie privée serait fiable pour définir, à la place de la société, les limites des conversations publiques ? Et cela va bien au-delà des frontières maintenant. Je pense que ce serait un précédent extrêmement dangereux de prendre ce chemin, et aussi irresponsable de le défendre de la part des responsables Américains.

Les véritables solutions sont sans doute bien plus en termes de nouvelles institutions qui encadreraient la manière de réguler la mise en œuvre des lois, nous éloignant des points de conflits militaires, de conflits sur le secret, et tout simplement en direction de politiques publiques.

Il n'y a aucune raison que nous ne puissions pas avoir une force internationale d'anti-terrorisme qui ait réellement une juridiction universelle. Par universelle j'entends en termes de faits, contrairement au droit actuel.

Source : http://flibustier20260.blogspot.fr/2016/11/pourquoi-les-medias-ne-font-pas-leur.html

 

 


Wikileaks : demande d’asile de Julian Assange à la France

 

Une lettre adressée au président de la République, mais aussi à tous les Français.

 

Monsieur le président de la République, j’ai l’honneur de vous écrire et, à travers vous, de m’adresser au peuple français.

Mon nom est Julian Paul Assange. Je suis né le 3 juillet 1971 à Townsville, en Australie. Je suis un journaliste poursuivi et menacé de mort par les autorités états-uniennes du fait de mes activités professionnelles. Je n’ai jamais été formellement accusé d’un délit ou d’un crime de droit commun, nulle part dans le monde, y compris en Suède ou au Royaume-Uni.

Je suis le fondateur de WikiLeaks.

En avril 2010, je décide de publier une vidéo intitulée « Collateral murder ». Celle-ci montre le massacre de plusieurs civils, dont deux employés de Reuters, et les graves blessures de plusieurs enfants par des soldats états-uniens en Irak. Les images, filmées depuis un hélicoptère, sont difficilement soutenables. Elles s’accompagnent des rires et des commentaires sarcastiques de ceux qui sont en train de commettre ces crimes. Elles font le tour du monde et révèlent brutalement l’inhumanité d’une guerre qui a déjà fait plusieurs centaines de milliers de victimes.


Dès le lendemain, à travers des menaces de mort précises et ciblées, une persécution politique d’une ampleur inédite est lancée contre moi et les principaux employés de WikiLeaks. Elle n’a, depuis, jamais cessé. L’énumération des actions menées contre mon organisation, mes proches et moi-même ne permet pas d’en saisir toute la violence, mais peut-être en donne-t-elle une idée : appels à mon exécution, à mon kidnapping, et à mon emprisonnement pour espionnage par de hauts responsables politiques et administratifs états-uniens, vols d’informations, de documents et de biens, attaques informatiques répétées, infiltrations successives, interdiction illégale à l’ensemble des plateformes de paiement de procéder à des dons envers mon organisation, surveillance permanente de mes moindres faits et gestes et de mes communications électroniques, poursuites judiciaires inconsidérées se prolongeant depuis plus de cinq ans sans possibilité de me défendre, campagnes de diffamation, menaces physiques répétées, fouilles et harcèlement de mes avocats, etc.

 

Deux autres cas : Jérémie Zimmermann et Jacob Appelbaum

WikiLeaks, que j’ai fondé en 2006, avait déjà auparavant révélé de nombreux scandales majeurs de corruption, de violations des droits fondamentaux, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Nous avions pour cela reçu notamment un prix d’Amnesty international et des dizaines d’autres prix journalistiques d’autres organisations prestigieuses, dont cinq nominations successives au prix Nobel de la paix et, plus récemment, cinq nominations au prix Mandela des Nations unies (ONU), créé cette année.

Pourtant, cette vidéo a marqué un avant et un après dans ma vie, mais aussi dans celle de tous ceux qui s’y sont impliqués. Un citoyen français notamment, Jérémie Zimmermann, remercié dans le générique de la vidéo, a fait l’objet de menaces de la part de deux agents du FBI dans le but d’en faire un infiltré, et n’a jamais pu revenir sur le territoire américain malgré ses besoins professionnels. Il en est allé de même pour d’autres journalistes qui, malgré leur nationalité états-unienne, n’ont plus jamais pu revenir sur leur propre territoire pour retrouver leurs proches, et font l’objet depuis de poursuites judiciaires pour espionnage. Jacob Appelbaum, pour s’être présenté comme un défenseur de Wikileaks, a fait l’objet de toute une série de violences et d’intimidations, notamment à son domicile, où sont entrés un jour en pleine nuit des hommes masqués et menaçants, laissant sa compagne durablement marquée.

Au pic de cette campagne, plus de 120 employés étaient chargés, au sein de la dite « WikiLeaks War Room » du Pentagone américain, de coordonner cette offensive contre moi et mon organisation. Les preuves ont été depuis apportées qu’un grand jury secret, portant notamment des accusations d’espionnage à mon encontre, a été formé en 2010, et n’a jamais cessé d’agir depuis.


L’ampleur de ce dispositif n’aurait guère pu être imaginée par un esprit paranoïaque. Une douzaine d’agences états-uniennes y participent officiellement, incluant le Pentagone, la Defence Intelligence Agency, la CIA, le FBI, l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA), le ministère de la justice et le département d’État. D’autres le font de façon plus secrète, comme cela a été révélé récemment suite à une enquête parlementaire en Islande.

Ces persécutions sont pourtant bien réelles. Elles ont été documentées par une infinité d’organisations, fait l’objet de rapports internationaux et de décisions judiciaires, ont été substantiellement admises par les autorités concernées, et souvent même revendiquées. Érigées en véritable politique par le gouvernement états-unien, elles se sont depuis étendues au-delà de mon cas et de WikiLeaks : l’administration Obama a ainsi poursuivi plus de journalistes et de sources lors de ses deux mandats successifs que tous les gouvernements états-uniens précédents réunis.

 

Les poursuites ne m’ont pas fait taire

Pour le simple fait d’avoir publié des informations d’intérêt public que des sources anonymes avaient transmises à WikiLeaks, je suis personnellement poursuivi pour espionnage, conspiration visant à espionner, vol ou compromission de propriété du gouvernement états-unien, violation de la loi sur la fraude informatique, et conspiration générale, risquant pour cela l’emprisonnement à vie ou pire. Les Etats-Unis ont depuis étendu leur enquête pour y inclure l’assistance que j’aurai offerte à M. Snowden pour préserver sa vie et lui faire obtenir l’asile ; et il en est, selon plusieurs sources journalistiques, déjà de même en ce qui concerne les publications des FranceLeaks concernant les écoutes qui vous ont touché, Monsieur le président.

Ces poursuites ont été et continuent d’être menées contre moi parce que j’ai, un jour, décidé de ne pas garder le silence, et de révéler les preuves de commissions de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Elles ne m’ont pas fait taire, et j’ai depuis, entre de nombreuses autres publications, documenté précisément la mort de centaine de milliers de civils à travers les Iraq War Logs.

Par ces révélations, je montrais notamment, à travers un télégramme diplomatique états-unien, comment une famille irakienne avait été exécutée à bout portant par une patrouille américaine lors d’un contrôle de routine, avant que ce crime contre l’humanité ne soit volontairement « effacé » par une frappe aérienne. Selon le premier ministre irakien Nouri Al-Maliki, ce fut cette affaire qui l’amena à exiger la levée de l’immunité des troupes états-uniennes et, après leur refus, à provoquer in fine le départ de ces soldats.

L’ensemble des publications de WikiLeaks depuis 2006 ont fait l’objet d’une infinité de rapports et de décisions provenant d’organisations internationales et non gouvernementales, de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) aux rapporteurs spéciaux des Nations unies en passant par de nombreux groupes de travail indépendants. Elles ont permis de lever le voile sur des milliers de crimes et sur des pratiques qui auraient autrement été couvertes. Qui seraient autrement restées impunies.

 

Cinq mètres carrés et demi

Les persécutions qui s’en sont suivies m’ont forcé à demander l’asile au sein de l’ambassade d’Equateur à Londres, en juin 2012, pour éviter une extradition vers les Etats-Unis qui devenait à chaque heure plus probable. Après deux mois d’étude approfondie, le ministère des affaires étrangères de l’Équateur a considéré que la persécution qui était menée à mon encontre du fait de mes croyances et de mes activités politiques était réelle, et que les risques d’extradition vers les Etats-Unis ainsi que les mauvais traitements qui s’en suivraient étaient majeurs. J’ai depuis reçu la confirmation informelle que les poursuites menées aux Etats-Unis étaient réelles et avaient débouché sur un acte d’accusation formel maintenu pour l’instant sous scellés.

Dénué de l’assistance consulaire et de la protection que me devait mon pays d’origine, l’Australie – où le gouvernement a été sujet à des critiques d’une ampleur inédite suite à sa tentative de me retirer mon passeport en 2010, jusqu’à devoir faire marche arrière et se justifier –, je demeure depuis maintenant trois ans et dix jours au sein de cette ambassade.

J’y dispose de cinq mètres carrés et demi pour mes usages privatifs. L’accès à l’air libre, au soleil, m’a été interdit par les autorités du Royaume-Uni ; ainsi que toute possibilité de me rendre à un hôpital ; je n’ai pu utiliser le balcon du rez-de-chaussée de l’appartement que trois fois depuis mon refuge, à mes risques et périls, et n’ai jamais été autorisé à sortir pour faire de l’exercice.

L’Equateur, dont la générosité et le courage m’honorent et m’ont probablement sauvé la vie, n’a pour ambassade qu’un appartement utilisé par une dizaine de diplomates et fonctionnaires de support qui ne peuvent renoncer à leur mission. Loin de l’image de luxe généralement associée aux enceintes diplomatiques, il s’agit d’un espace modeste qui n’a pas été pensé pour devenir un lieu de vie. Il m’y a été impossible, depuis trois ans, de maintenir la moindre vie familiale ou intime.

Cet espace est en permanence surveillé par plusieurs douzaines de policiers britanniques en uniforme qui vérifient régulièrement les identités de mes visiteurs, ainsi que par un nombre indéterminé d’agents en civil et d’agents de renseignement au sein des bâtiments adjacents. Les dépenses concernant la surveillance civile dont je fais l’objet ont dépassé, officiellement, les quinze millions d’euros. Elles n’incluent pas celles des services secrets.

Mes proches, y compris mes enfants, n’ont pas pu me rendre visite depuis, du fait de cette situation.

Le Royaume-Uni refuse de reconnaître mon asile et de garantir ma non-extradition aux Etats-Unis, violant la convention de 1951, et se refuse par ailleurs à confirmer ou à infirmer la réception d’une demande d’extradition de la part des Etats-Unis d’Amérique. Il en va de même pour le gouvernement suédois qui, à l’ONU, a refusé de garantir ma non-extradition dans le cas où je m’y rendrais. La Suède comme le Royaume-Uni ont annoncé à plusieurs reprises qu’ils demanderaient mon arrestation dès que je sortirai de l’ambassade, ces derniers le réaffirmant « quel que soit le résultat de l’enquête suédoise ».

Cela, alors que je n’ai été formellement accusé d’aucun crime ni délit dans aucun des deux pays.

Depuis quatre ans et demi, soixante organisations internationales ont appelé, depuis l’ONU, à la fin des poursuites en Suède, tandis que le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’institution s’est saisi de la question. Malgré les injonctions de la Cour suprême et du procureur général visant à l’abandon de l’enquête préliminaire – relancée en 2010 après avoir été dans un premier temps abandonnée – aucun acte d’accusation formel à mon encontre ni d’acte d’enquête n’a été mené en cinq ans. L’émission d’un mandat d’arrêt européen avait pour seul objectif de m’interroger en Suède, alors que je m’étais volontairement rendu à Stockholm à cette fin, et y étais resté cinq semaines consécutives. Je n’avais alors jamais obtenu de réponse à mes demandes répétées de rencontre avec les autorités judiciaires suédoises.

 

Ma vie est aujourd’hui en danger

WikiLeaks a été créé avec l’objectif d’enquêter sur les appareils politiques, économiques et administratifs du monde entier pour y apporter de la transparence et s’assurer qu’ils n’échappent pas à un contrôle démocratique et souverain. L’organisation a révélé des millions de documents touchant la quasi-totalité des Etats du monde, sans distinction de régime ou d’idéologie. Elle permet à tout individu qui aurait connaissance de pratiques illégales ou intéressant le bien commun de nous les transmettre en toute sécurité, et de façon parfaitement anonyme. Ces informations sont ensuite vérifiées par nos journalistes et par des spécialistes, puis organisées et triées avant d’être publiées de par le monde, éventuellement en partenariat avec d’autres organes de presse prestigieux.


Financée par des dons récurrents, mon organisation a inventé une nouvelle forme de journalisme qui lui a permis de révéler plus d’une centaine de scandales d’ampleur mondiale en seulement neuf ans d’existence. Les activités de WikiLeaks ont inspiré de nombreuses autres organisations de presse, humanitaires, environnementales, etc. qui ont imité nos structures et nos pratiques. Malgré toutes les difficultés liées à ma surveillance permanente au sein de l’ambassade, les écoutes systématiques mises en place par la NSA contre les élites politiques, économiques et administratives de la France et de l’Allemagne sont le dernier exemple de la capacité de l’organisation à publier des informations cruciales pour préserver la souveraineté la vie démocratique des Etats.

L’ampleur du scandale et les réactions qui ont suivi nos dernières révélations ont confirmé le bien-fondé de notre démarche. La condamnation unanime par la classe politique et les sociétés civiles françaises et allemandes des actions commises par le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni, ainsi que les appels qui ont suivi à une révision des politiques françaises sur la question de la défense des lanceurs d’alerte et de la presse, alors que l’attentat contre Charlie Hebdo reste présent dans les esprits, ont constitué d’importants encouragements.

Ces révélations ont été faites au péril de notre vie.

 

La France accomplirait un geste humanitaire

C’est pourquoi j’ai été particulièrement touché par l’appel inattendu du gouvernement français, par la voie de la ministre de la justice et garde des sceaux Christiane Taubira, et relayé par des dizaines d’autres personnalités, à ce que la France me donne l’asile. Gardienne d’une constitution qui oblige la France à accueillir les combattants pour la liberté menacés de leur vie, d’une constitution qui oblige le monde à ouvrir les yeux par la noblesse d’une telle exigence, elle a ouvert une voie qui, je l’espère, ne se refermera pas.

En m’accueillant, la France accomplirait un geste humanitaire mais aussi probablement symbolique, envoyant un encouragement à tous les journalistes et lanceurs d’alerte qui, de par le monde, risquent leur vie au quotidien pour permettre à leurs concitoyens de faire un pas de plus vers la vérité.

Elle enverrait aussi un signal à tous ceux qui, de par le monde, saisis par l’hubris, trahissent leurs valeurs en s’attaquant incessamment aux citoyens qui s’y refusent.

La France a longtemps été porteuse d’espérance et de singularité pour de nombreux peuples et individus de par le monde. Ses mythes nourrissent encore aujourd’hui bien des enfances. Mes liens avec ce pays ne sont pas seulement idéels. De 2007 jusqu’à la perte de ma liberté en 2010, j’y ai résidé. Nos structures techniques y sont encore installées.

Mon plus jeune enfant et sa mère sont français. Je n’ai pas pu les voir depuis maintenant cinq ans, depuis que la persécution politique à mon égard a commencé. La situation présente leur cause d’immenses difficultés. J’ai dû garder leur existence secrète jusqu’à aujourd’hui dans le but de les protéger. J’ai aujourd’hui l’espoir que la situation et l’appui dont je bénéficie permettront de le protéger. Mon fils aîné, aujourd’hui adulte, et à ma mère, en Australie, subissent en effet encore aujourd’hui les conséquences de ma situation. Les menaces de mort, le harcèlement, y compris venant de personnes ayant des liens avec l’appareil militaire états-unien, ont commencé au même moment qu’émergeaient les appels à mon assassinat. Ils ont dû changer d’identité et réduire leurs échanges avec moi.

Je ne souhaite plus subir cette situation. Je souhaite les retrouver.

 

Persécutions politiques

Ma vie est aujourd’hui en danger, Monsieur le président, et mon intégrité, physique comme psychologique, est, chaque jour qui passe, un peu plus menacée.

Tandis que je faisais tout pour préserver la vie d’Edward Snowden, plusieurs employés britanniques de WikiLeaks devaient s’exiler à Berlin, en Allemagne. Tandis que nous révélions le scandale des écoutes de la NSA en France, des responsables politiques du Royaume-Uni admettaient que le siège autour de l’ambassade équatorienne était dû à la pression états-unienne. Tandis que nous créions une fondation d’appui aux lanceurs d’alerte, Courage Foundation, l’administration états-unienne multipliait les poursuites contre les journalistes et leurs sources, poursuites atteignant une intensité inédite dans l’histoire de ce pays.

Tandis que Chelsea Manning était condamnée à 35 ans de prison pour avoir été supposément ma source et révélé un nombre incalculable de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, après avoir été soumise à des traitements inhumains selon le rapporteur spécial de l’ONU, je continuais mon travail avec l’organisation de WikiLeaks pour m’assurer qu’aucune source ne pourrait jamais être identifiée du fait de ses liens avec mon travail, ce qui a jusqu’ici été fait avec succès.

Seule la France se trouve aujourd’hui en mesure de m’offrir la protection nécessaire contre, et exclusivement contre, les persécutions politiques dont je fais aujourd’hui l’objet. En tant qu’Etat membre de l’Union européenne, en tant que pays engagé par toute son histoire dans la lutte pour les valeurs que j’ai faites miennes, en tant que cinquième puissance mondiale, en tant que pays qui a marqué ma vie et qui en accueille une partie, la France peut, si elle le souhaite, agir.

Respectueusement,

Julian Assange

 

A 6 minutes et 05 secondes, interview sur Julian Assange :


 

 

La réponse de la Présidence de la République a été donnée en moins d’une heure :

« La France a bien reçu la lettre de M. Assange. Un examen approfondi fait apparaître que compte-tenu des éléments juridiques et de la situation matérielle de M. Assange, la France ne peut pas donner suite à sa demande.

La situation de M. Assange ne présenter pas de danger immédiat. Il fait en outre l'objet d'un mandat d'arrêt européen ».

 

En fait, il ne faut quand même pas fâcher les z’Américains sur cette affaire !...

Parce qu’ils savent beaucoup de choses nos cousins d’Outre-Atlantique, les descendant de ceux qu’on a libéré du joug britannique en leur envoyant en 1777 le marquis de La Fayette et ses officiers embarqués à bord de l’Hermione !...

Les services américains connaissent même très bien les dessous de la politique française et en particulier les affaires gravissimes de corruption où nos principaux dirigeants politiques sont mouillés, principalement depuis l’époque de la guerre du Golfe de 1991.

Des faits qui sont largement disponibles sur le web et qui pourraient être étayés par des révélations de Wikileaks sur des courriers confidentiels de l’Ambassade des Etats-Unis à Paris ainsi que par la divulgation des transferts de fonds énormes au détriment de la Défense de mon pays.

 

Parce qu’il ne faut pas compter sur notre « presse-aux-ordres » pour informer le public sur le véritable  effondrement du sens de l’intérêt général de nos « chers » élus.

Parce qu’on peut ne être que stupéfait du manque de réaction des autorités, des journalistes, des institutions, à des révélations déjà disponibles sur Internet et qui mettent en cause gravement le pouvoir politique.

 Car sur des affaires de détournement de fonds qui se montent à des dizaines de milliards d’euros, comme la disparition des « MILLIARDS DE LA DIVISION DAGUET » en 1991/91 et l’escroquerie à 23 milliards de dollars sur l’extinction des puits de pétrole en feu au Koweït, on constate un mutisme total en Gauloisie, dans les pays du Golfe et aux USA.

 

Je ne peux que rappeler le courrier explosif à « Titi-Breu-Tonton », ministre des Finances du « Chi », qui explique au gouvernement que la corruption des dirigeants politiques peut développer le terrorisme :

http://euroclippers.typepad.fr/alerte_ethique/2008/06/lettre-thierry.html

 Il est aussi possible de citer le courrier à Christine Lagarde, ministre des finances de « Bling-bling », qui alerte le gouvernement sur le détournement des 3,5 milliards de dollars des frais de guerre virés à la France par le Koweït, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes-Unis en 1991 :

http://euroclippers.typepad.fr/alerte_ethique/2008/06/mitterrandisme.html

 Et pour finir, on ne peut être que consterné par l’incroyable courrier envoyé récemment à notre « Capitaine de pédalo » au sujet de la disparition de ces fonds :

http://euroclippers.typepad.fr/alerte_ethique/2015/01/guerre-du-golfe-1991-lettre-au-pr%C3%A9sident-de-la-r%C3%A9publique-vi.html

 

Si on ajoute, de plus, le roman de l’été 2010 de « I-Cube » qui relate, d’une façon romancée, la façon dont les « milliards de la guerre du Golfe » ont été récupérés par le capitaine de corvette Paul de Bréveuil, sur demande de « Bling-bling », puis comment ces fonds ont été placés dans le « Grand Emprunt 2010 », qui n’est rien d’autre qu’un astucieux montage financier, on peut se dire que la presse et les médias font tout pour que le scandale éclate et prenne la forme d’une « explosion nucléaire politique » où nos mafieux seront vitrifiés, transformés en cendre :

http://flibustier20260.blogspot.fr/2010/07/operation-juliette-siera-00.html

Pour terminer, il faut aussi signaler le roman, paru en 2014, intitulé « Mains invisibles », de « I-Cube », qui explique comment les « queues » des fonds placés lors de ces détournements ont été récupérés ; y compris les deux milliards déposés sur un compte à Hong-Kong du « Chimpanzé-en-rut-du-Sofitel-de-New York » :

http://flibustier20260.blogspot.fr/2014/11/mains-invisibles.html

 

Eh bien, malgré ces courriers mis en ligne sur plusieurs blogs, ainsi que les romans de « I-Cube », rien n’est divulgué dans la presse et les médias !...

La justice reste désespérément aux « abonnés absent », les dirigeants politiques sont totalement muets, sourds et aveugles, les hauts fonctionnaires tremblent pour leur poste et leur carrière, les dirigeants des organes d’information du public et les journalistes refusent de se pencher sur les dossiers…

 Incroyable !...

 

Quels sont ceux qui bougent sur ces sujets ?...

De simples citoyens, mais aussi nos services de renseignement et quelques « serviteurs de l’ombre », des « Mains invisibles », qui ne tolèrent plus une telle dérive de la démocratie.

 Car si les chefs du renseignement ont poussé à la création de la loi renseignement, qui est une authentique dérive totalitaire, bon nombre de militaires, de policiers, d’agents du renseignement, considèrent que cette loi est d’abord faite pour le pouvoir politique qui va disposer d’un moyen unique de fliquer chaque citoyen, non pas pour lutter contre le terrorisme mais pour asservir et neutraliser les opposants politiques !...

 D’ailleurs, on le voit bien sur ces affaires de la guerre du Golfe 1991 : il s’agit avant tout de protéger nos dirigeants, même s’il faut passer sous silence, et laisser dans l’oubli, nos soldats qui souffrent du syndrome du Golfe

 

Mais, pour notre « capitaine de pédalo », pour les "pourris" qui sont au pouvoir depuis plus de trente ans, si Julian Assange, à travers Wikileaks, commence à causer sur ces affaires impensables de corruption, ils fileront directement dans les « poubelles de l’Histoire » !...

Car la lettre de Julian Assange est un terrible piège… imparable…

 

En fait, c’est le sens de la tragédie grecque : dans la demande d’Assange, il n’y a que deux solutions et chacune conduit à la catastrophe !...

 La première solution était pour le « Château » d’accepter la demande d’asile du fondateur de Wikileaks, avec pour conséquence un terrible ressentiment américain pouvant entraîner l’imprévisible.

 La deuxième solution, celle qui a été prise, était le refus d’accepter la demande d’Assange, au risque de voir l’équipe Wikileaks « baver » sur les dessous financiers de nos politiciens.

 Notre « Capitaine de pédalo » a préféré que l’ouragan soit déclenché, en partie, par Julian Assange !...

 

Amusant !...

 

 Jean-Charles DUBOC

 


Wikileaks et les écoutes de la NSA

 

Révélations vraiment extraordinaires

 

« Barre-ointe » & « Moscou-vicié » sur écoute !

 

Je vous demande un peu !

Pire, d’après les documents mis à disposition par WikiLeaks, ce serait tout la vie économique de mon pays qui aurait été mise sur écoute.

Mais là, j’avoue que je suis un peu moins surpris : Le « secret des affaires », c’est un leurre protecteur bien peu fiable et de toute façon totalement provisoire.

On finit par toujours tout savoir : Il suffit de décrypter les « communications officielles » et de recouper par d’autres sources, comme je vous l’ai expliqué avant-hier.

 

Parce que Julian Assange avait promis de nouvelles révélations, c’est à nouveau à travers « Libé » (ce torchon qui faisait presque l’apologie de l’assassin de l’auteur de mes jours qui me fait encore frémir quand je l’évoque…), du temps où le fondateur de Mediapart y bossait, et justement à ce dernier média, qu’il a diffusé de nouvelles révélations concernant la NSA, l’agence de renseignement américaine.

Et Ô surprise, outre la vie diplomatique et politique gauloise, les espions américains ont mis sur écoute les activités économiques de la « Gauloisie-transparente », avancent les deux compères.

La plupart des secteurs stratégiques sont visés par la NSA : technologies de l’information, électricité, gaz, pétrole, nucléaire, transports, biotechnologies, etc.

« Jamais la preuve d’un espionnage économique massif de la France, orchestré au plus haut niveau de l’État américain, n’avait été établie aussi clairement », écrit « Libé-le-torchon ».

Ce n’est donc pas un scoop : L’information « discrète » n’est seulement que confirmée.

 

Une stratégie offensive américaine qui apparaît dans un document secret fixant les objectifs prioritaires des États-Unis dans le domaine économique.

Baptisée « France  : développements économiques » et datée de 2012, cette note constitue la doctrine de la NSA en la matière.

Elle vise à recueillir toutes informations pertinentes sur les pratiques commerciales Gauloises, les relations entre Paris et les institutions financières internationales, l’approche des questions liées au G8 et au G20 ou encore les grands contrats étrangers impliquant mon pays.

Les services de renseignement américains détaillent ensuite chaque titre de chapitre dans son exposé des besoins.

Ainsi en est-il du « H » : « Contrats étrangers/études de faisabilité/négociations ».

Son objet est très large : « Rapporter toute proposition de contrats français ou d’études de faisabilité et de négociations imminents concernant des ventes ou des investissements internationaux dans des projets d’envergure ou des systèmes d’intérêt significatif pour le pays étranger hôte, ou 200 millions de dollars ou davantage en ventes et ou en services, comprenant le financement d’informations ou de projets de haut intérêt. »

Des contrats de 200 millions de dollars dans des ventes à l’étranger, ce n’est rien ou pas grand-chose.

En d’autres termes, la NSA traque presque tous les mouvements de développement international des groupes gaulois. Elle entend avoir accès à tous les renseignements, informations, technologies d’avenir où les entreprises gauloises ont parfois de réelles avances.

Ce dernier point reste d’ailleurs un des plus sensibles.

 

Des pseudo-révélations qui risquent de jeter un froid sur les négociations autour du Tafta, le traité de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis, dont le prochain round est prévu mi-juillet, à Bruxelles.

Car toutes les informations ainsi recueillies sont ensuite partagées avec les principales administrations américaines  : Département de la Sécurité intérieure, département du Commerce, département de l’Énergie, agence de renseignement de la Défense, Réserve fédérale, Trésor et même commandement des forces américaines en Europe.

Preuve d’un espionnage économique massif, orchestré au plus haut niveau de l’État américain, qui, il est vrai, n’avait pas encore été établie aussi clairement.

 

Voilà donc à quoi faisait référence Julian Assange dans son allocution au 20 heures de TF1, après la première salve de révélations. « Le chômage est particulièrement élevé mais il y a une raison à cela, » avait lâché, cryptique, le fondateur de WikiLeaks« C’est que les États-Unis jouent un sale jeu. »

Soyons sérieux : Si l’argent public n’était pas dépensé sans compter à tort et à travers au profit de quelques « coquins-de-la-République », il en resterait de toute façon plus dans le porte-monnaie de chacun et d’un plus grand nombre qui pourraient alors soutenir l’économie du pays par leur pouvoir d’achat retrouvé et donc maintenir des emplois de consommateurs locaux…

 

Selon l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (Anssi), une centaine d’entreprises hexagonales entrent dans les critères définis par la NSA, dont la quasi-totalitéde celles cotées au CAC 40. La plupart sont classées « OIV » (opérateurs d’importance vitale), car leur activité est jugée stratégique pour la nation.

Ces entreprises, dont la liste est classifiée, relèvent du secteur public comme privé, aussi bien dans le champ des transports que dans l’énergie, la gestion des eaux, la santé, ou encore les télécoms. D’après l’Anssi, les OIV sont la cible d’au moins une attaque d’envergure par semaine.

Les Russes, les Chinois et les Israéliens étant également très agressifs sur ce secteur, l’origine de ces intrusions est souvent difficile à déterminer. Mais ces dernières années, l’empreinte américaine a plusieurs fois été formellement identifiée.

L’an dernier, les documents révélés par Edward Snowden ont ainsi apporté la preuve que plusieurs entreprises européennes, dont Airbus, avaient été espionnées par la NSA avec l’aide du BND, les services de renseignement allemands.

À l’époque, Paris était resté muet.

Airbus, en revanche, vient de déposer plainte contre X pour espionnage.

En clair, tout cela n’est pas nouveau et pas seulement le fait des américains.

Marrant d’ailleurs que le BND espionne Airbus alors qu’il s’agit d’une de ses entreprises où ils disposent d’administrateurs particulièrement actifs : Soyons un peu sérieux, SVP !

On va y revenir.

 

Et rappelons que sur les secteurs hautement stratégiques, cet espionnage peut aller du simple vol des plans d’étude au pillage des données technologiques confidentielles.

On se souvient aussi de je ne sais plus quel constructeur d’automobile qui avait viré, à tort, un de ces cadres soupçonné d’avoir pillé la technologie des batteries des futures voitures électriques…

Mais ce qui intéresserait par-dessus tout la NSA, ce sont les renseignements sur des appels d’offres impliquant des entreprises américaines.

Un avantage concurrentiel potentiellement désastreux pour les sociétés « Gauloises » nous en dit-on.

Sauf que comme ce sont les meilleures, elles ont aussi leurs propres sources de renseignements. 

 

Et de confirmer qu’une partie des informations recueillies pas les américains sont également partagées avec leurs plus proches alliés : La Grande-Bretagne, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Australie.

Depuis la guerre froide, ces « Five Eyes » s’appuient notamment sur le programme « Echelon », un réseau d’interception planétaire mis en place sous l’égide des États-Unis et dont l’existence n’a été révélée qu’en 1998.

On savait, donc officiellement, au moins depuis cette époque !

Même si la liste est particulièrement longue, qui va des relations économiques avec les États-Unis aux « activités commerciales douteuses ».

 

C’est qu’après l’effondrement du bloc soviétique, les antennes satellites qui ne servaient plus à espionner les Russes ont été mises au service des entreprises américaines.

Depuis, tous les services de l’État sont mobilisés pour remporter la guerre économique. Une structure a même été spécialement créée pour épauler les entreprises américaines dans la conquête des principaux contrats internationaux : « l’Advocacy Center », chargé de faire le lien entre le secteur privé et les services de l’État.

Cette stratégie offensive va prendre un caractère obsessionnel et industriel après les attentats du 11 Septembre.

Dès 2002, date de la première « expression de besoin », l’administration américaine réalise que les moyens colossaux d’interception et de surveillance déployés dans la lutte contre le terrorisme sont démesurés par rapport à leurs cibles. Et sous couvert d’antiterrorisme, la NSA devient alors le bras armé des États-Unis dans la guerre économique.

Une guerre dans laquelle mon pays (celui que j’aime tant…) apparaît totalement démuni. «La force des Américains est de mettre tous leurs services dans la boucle, alors qu’en France, l’espionnage économique est tabou », décrypte Alain Juillet, ex-directeur du renseignement à la DGSE.

« Aujourd’hui, nos services de renseignement se contentent de faire de la contre-ingérence. Sur l’offensif, on est à des années-lumière des Américains. »

Depuis, les nouvelles lois sur le renseignement accorde en effet de nouvelles prérogatives aux services de renseignement, les agents étant désormais autorisés à agir pour la «promotion des intérêts économiques et industriels » de la nation.

Jusqu’à espionner des entreprises américaines ?

J’en rigole, parce qu’on n’en parle pas trop, finalement.

Mais nos CCI s’appuient depuis toujours sur nos ambassades et « les services » quand elles épaulent des entreprises hexagonales à l’export.

Dès lors qu’elles payent impôts et charges sociales (le fameux « quitus ») au pays.

 

« Tout le monde espionne. Mais il y a une vraie différence entre les États-Unis et les autres : la NSA a des moyens et des objectifs dingues. Son rêve, c’est d’espionner tout le monde, tout le temps. Nous, en plus du terrorisme, on doit se contenter de diplomates de quelques pays et de quelques industriels », explique un spécialiste du renseignement.

Un haut cadre de Bercy, qui s’exprime également sous le couvert de l’anonymat, confie quant à lui à Mediapart : « Ces révélations sont déstabilisantes pour le fonctionnement de l’État. Comment va-t-on faire désormais ? Cela peut avoir des conséquences. Il n’y aura plus de débats internes à l’administration. »

Si ! Dans les couloirs et à la cafétéria, comme d’habitude.

 

En revanche, sans que ça me surprenne plus que ça, on découvre que plusieurs personnalités politiques et hauts fonctionnaires « Gaulois », de dangereuses gueules de terroriste naturellement, ont été écoutés ces dernières années par la National Security Agency (NSA) et au-delà de nos trois derniers Présidents.

Ainsi, et c’est là que c’est vraiment drôle, deux anciens ministres de l’économie « Barre-ointe » et « Moscou-vicié » (aujourd’hui commissaire européen) en ont fait les frais, ainsi qu’un sous-directeur du Trésor, un diplomate de haut rang et un parlementaire socialiste en 2004 et 2012, nous assure-t-on.

 

Attendez, attendez un peu : 2004, c’est quoi déjà ?

Le « Chi » qui pose un « fidèle » Gaulliste à Bercy, « Barre-ointe », à peu près dans le sillage du commando AZF, non ?

Une histoire que je vous remets en perspective  et encore ici.

Ah tiens donc…

 

À propos, Airbus espionnée, c’est aussi l’histoire d’un de ses directeurs informaticien, le fameux « Là-Oude » qui a trafiqué des « faux-fichiers » et a débouché ensuite sur les affaires « Cleastream I » et II reprises pour vous ici !

 

Non mais attend encore un peu, STP : On est en plein délire romanesque là !

Parce que « Moscou-vicié » au même poste de ministre de la finance, là où on voit passer le pognon qui circule, pourquoi donc sur écoute ?

Vous savez, il y a deux postes de ministre important dans ce pays, où il faut des hommes de totale confiance : L’intérieur où arrivent les « notes blanches » de tous les secrets de « tout-le-monde », et les finances, d’où l’on peut surveiller et traquer tout du pognon qui circule.

Deux postes d’ailleurs, qu’a pu et dû occuper « Bling-bling », pas par hasard, mais mandaté pour rechercher les traces du pognon pas à la nation, alors qu’il n’a jamais été en odeur de sainteté à l’Élysée à ce moment-là, ou encore sous son « pote » « Bat-la-mou », l’américain.

 

Si on comprend bien que l’allié américain cherche du renseignement utile sur des détournements historiques, quitte à espionner même « ses hommes à lui », un peu comme les Allemands de la BND espionne sa propre co-entreprise Airbus, pourquoi « Moscou-vicié » ?

 

Mais attendez, attendez : C’est l’époque où on coure après les milliards de la fraude fiscale, ne serait-ce que pour financer les OPEX et donner des gages de loyauté aux USA.

Et justement, peu après l’affaire « Caca-zut-hack », voilà t’y pas qu’on nous ressort d’abord 10 milliards de redressements fiscaux de « recettes-magiques », puis finalement 12 milliards à aller chercher dans « un grand-emprunt » bis, façon « Bling-bling ».

Sans le savoir, cette affaire-là est également évoquée ici !

Et vous savez comment ici et … pour « les queues » non encore rapatriées, même si pour tout comprendre de l'enchaînement logique, je vous propose de lire tout le « roman » !

 

Vraiment extraordinaire : Voilà que la NSA lit mes « romans », mal-écrits et en francilien-natif, pour leur donner corps !

Avouez que c’est « trop de la top » en dirait « ma nichée » !

Et comme plus rien ne vous étonne dans ce pays qui est le mien, vous n’aurez même pas tiqué aux réponses à peine lisibles, presque gênées de nos autistes gouvernementaux face à ses révélations, au pays où Dreyfus avait enflammé l'opinion publique pour moins que ça : Faut le faire, non !

À peine plus que des déclarations polies, comme s’ils étaient prévenus de « ne pas en faire trop » : Il pourrait y avoir de vraies représailles.

 

Snowden et Assange sont-ils alors de ces « idiots-utiles » (ceux de Lénine) ou de vrais « lanceurs d’alerte » dans cette affaire ?

Parce que bon, l’information des turpitudes « Mythe-errant-diennes » des années 90 qui ressortent par la bande à la lecture des « scoops » de WikiLeaks, sont accessibles à tous, y compris à eux à qui « l’Ami-râle » a fait une communication il y a plusieurs années.

Permettez-moi donc d’en rire à gorge déployée, SVP : Le vent du boulet n’est passé loin et on attend la suite !

I3

Source :

http://flibustier20260.blogspot.fr/2015/07/revelations-vraiment-extraordinaires.html

 

 

Effectivement, on peut qu’être stupéfait du manque de réaction des autorités, des journalistes, des institutions, à des révélations qui mettent en cause gravement le pouvoir politique.

 Car sur des affaires de détournement de fonds qui se montent à des dizaines de milliards d’euros, comme la disparition des « MILLIARDS DE LA DIVISION DAGUET » en 1991/91 et l’escroquerie à 23 milliards de dollars sur l’extinction des puits de pétrole en feu au Koweït, on constate un mutisme total en Gauloisie, dans les pays du Golfe et aux USA.

 Tout du moins dans la presse, car sur internet, il y a tout ce qu’il faut !...

 

 Je ne peux que rappeler le courrier explosif à « Titi-Breu-Tonton », ministre des Finances du « Chi », qui explique au gouvernement que la corruption des dirigeants politiques peut développer le terrorisme :

http://euroclippers.typepad.fr/alerte_ethique/2008/06/lettre-thierry.html

 

Il est aussi possible de citer le courrier à Christine Lagarde, ministre des finances de « Bling-bling », qui alerte le gouvernement sur le détournement des 3,5 milliards de dollars des frais de guerre virés à la France par le Koweït, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes-Unis en 1991 :

http://euroclippers.typepad.fr/alerte_ethique/2008/06/mitterrandisme.html

 

Et pour finir, on ne peut être que consterné par l’incroyable courrier envoyé récemment à notre « Capitaine de pédalo » au sujet de la disparition de ces fonds :

http://euroclippers.typepad.fr/alerte_ethique/2015/01/guerre-du-golfe-1991-lettre-au-pr%C3%A9sident-de-la-r%C3%A9publique-vi.html

 

Et bien malgré ces courriers mis en ligne sur plusieurs blogs, rien de sort dans la presse et les médias.

La justice reste désespérément aux « abonnés absent », les dirigeants politiques sont totalement muets, sourds et aveugles, les hauts fonctionnaires tremblent pour leur poste et leur carrière, les dirigeants des organes d’information du public et les journalistes refusent de se pencher sur les dossiers…

 Incroyable !...

 

Quels sont ceux qui bougent sur ces sujets ?...

De simples citoyens, mais aussi nos services de renseignement et quelques « serviteurs de l’ombre » qui ne tolèrent plus une telle dérive de la démocratie.

 Car si les chefs du renseignement ont poussé à la création de la loi renseignement, qui est une authentique dérive totalitaire, bon nombre de militaires, de policiers, d’agents du renseignement, considèrent que cette loi est d’abord faite pour le pouvoir politique qui va disposer d’un moyen unique de fliquer chaque citoyen non pas pour lutter contre le terrorisme mais pour asservir et neutraliser les opposants politiques !...

 D’ailleurs, on le voit bien sur ces affaires de la guerre du Golfe 1991 : il s’agit avant tout de protéger nos dirigeants, même s’il faut passer sous silence, et laisser dans l’oubli, nos soldats qui souffrent du syndrome du Golfe…

 Horrible…

L’addition risque d’être très lourde un jour ou l’autre…

 

 Jean-Charles DUBOC