Lettre à DSK du 8 juin 1998 (grève des pilotes)
13 août 2008
L’intérêt manifesté par plusieurs associations d’anciens militaires au sujet du détournement des indemnités de la guerre du Golfe attribuées à la France m’incite à rendre public des courriers qui apporteront quelques précisions sur ce dossier.
Je rappelle que, le 19 janvier 1998, j’ai avisé de ce détournement la Brigade de contrôle et de recherche du Havre qui dépend de la Direction nationale des enquêtes fiscales.
Je dois avouer que j’ai effectué cette démarche par réaction à un contrôle fiscal sur mes frais réels et le rappel d’impôts qui s’en est suivi. Ainsi, cette action d’aviseur – et je ne l’ai jamais souligné - a pour origine la révolte d’un contribuable qui n’a pas admis que ses impôts soient destinés à combler le déficit public causé par une gestion franchement mafieuse et irresponsable de nos élus – surtout les socialistes.
La révélation d’un tel niveau de corruption ne pouvait pas me laisser indifférent compte tenu des dégâts provoqués dans le fonctionnement du Réseau social ; car si la tête de l’Etat est corrompue cette corruption ne peut que s’étendre progressivement à l’ensemble de la société.
C’est ce qu’explique très bien Ian Senior de l’Institut of Economic Affairs (IEA / Londres) : « Il est faux de dire que la corruption aide à lubrifier les rouages de l’économie. Au contraire, la corruption appauvrit les sociétés en détournant des ressources vers ceux qui sont déjà riches et puissants, et rend les biens et les services plus chers que ce qu’ils devraient être… La corruption est un cancer qui détruit les institutions et les sociétés, et son élimination est une étape importante pour faire un monde plus prospère et plus démocratique.».
D’ailleurs, en juin 2006, l’IEA a estimé que la France est le plus corrompu des pays industrialisés, devançant le Japon et l’Italie.
Et le sommet de cette corruption a été atteint en 1991 lors du détournement par Mitterrand des indemnités de la guerre du Golfe qui se montent à 3,5 milliards de dollars, soit près de 5 milliards d’euros en valeur actuelle !...
Ce détournement est le révélateur de la déliquescence de notre république, de la perte totale du sens de l’intérêt collectif par nos dirigeants politiques – surtout les mitterrandiens - et j’étais ainsi particulièrement déterminé à soulever ce dossier pendant la grève des pilotes de juin 1998 car nous étions devenus les boucs émissaires idéaux de ce système mafieux.
En effet, dans la mythologie socialiste de la « réduction des inégalités » nous étions ceux qui étaient tout en haut de l’échelle des salaires et dont il était absolument nécessaire de réduire les revenus afin de faire un monde meilleur, plus juste, où les citoyens seraient tous financièrement égaux (dans la misère..).
Lors de cette grève les pilotes ont joué l’avenir de leur profession mais aussi l’avenir de la compagnie Air France qui a été obligée ensuite de trouver autre chose que des « pilotes trop payés » pour expliquer ses mauvais résultats.
La grève a été lancée le 1er juin 1998, c'est-à-dire une semaine avant le Mondial de Football ; elle avait pour but de perturber au maximum le transport aérien et de retenir l’attention de centaines de millions de téléspectateurs.
Et j’y ai joué, dans l’ombre, un rôle surprenant dans le domaine de l’Alerte éthique.
Pour ceux qui ne le savent pas, je rappelle que je suis un ancien commandant de bord B747 de la compagnie Air France et que je me suis investi dans la lutte contre la corruption des élus mais aussi dans un projet de formation humaine des jeunes par la navigation océanique, en équipage, à bord de grands voiliers – c’est le projet Euroclippers.
Le public n’a aucune idée des exigences du métier de pilote de ligne, de la longueur de la formation, de la sévérité des visites médicales, de l’intensité des qualifications de type avion au simulateur, du stress quotidien de l’exploitation en ligne, des effets du décalage horaire, des risques liés à la radioactivité de la stratosphère (rayonnement cosmique), etc…
La rigueur du métier de pilote de ligne est aux antipodes de l’irresponsabilité de nombreux dirigeants politiques des trois dernières décennies – surtout ceux de gauche - et je me suis retrouvé face à un détournement de fonds que je ne pouvais pas admettre, tant par ma formation que par mes certitudes politiques ; et aussi par le fait qu’il entraînait à terme mon pays vers un effondrement moral, économique et financier.
Aussi, après avoir déposé les informations sur ce détournement de fonds au ministère des Finances j’ai informé de mon action les dirigeants du Syndicat National des Pilotes de Ligne (SNPL) dont certains étaient de ma promotion A 14 de l’ENAC.
Le président du SNPL, Jean-Charles Corbet, était ainsi parfaitement au courant du détournement des indemnités de la guerre du Golfe lors de la préparation de la grève de juin 1998.
Cette grève a débuté d’une façon très conflictuelle et j’ai ouvert les hostilités le 2 juin en envoyant un courrier à Jean-Pascal Beauffret, directeur général des impôts :
Lorsque j’ai transmis cette lettre à Jean-Charles Corbet il m’a déclaré qu’il ALLAIT RÉVÉLER AU PUBLIC, PENDANT LA DEUXIÈME SEMAINE DE GRÈVE, LE DÉTOURNEMENT DES INDEMNITÉS DE LA GUERRE DU GOLFE PAR MITTERRAND si la direction d’Air France lançait « ses chevaux de guerre » dans les médias !...
En effet, la situation devenait inquiétante.
La première semaine de grève avait été très bien suivie par les pilotes et la tension était devenue extrêmement élevée entre les syndicats de pilotes et Air France.
Compte tenu de la détermination du président du SNPL, et de la probabilité d’une semaine très dure, j’ai envoyé, le 8 juin 1998, un courrier à Dominique Strauss-Kahn, ministre des Finances :
J’ai aussi faxé cette lettre aux syndicats de pilotes, au syndicat des mécaniciens navigants (SNOMAC) dont le président, Michel Drouard, était un ami, à la présidence d’Air France, au cabinet de DSK, à l’AFP et à l’ensemble de la presse.
Et le résultat a été immédiat, impensable…
En effet, lorsque j’ai écouté la radio le matin du 9 juin, j’ai eu l’incroyable surprise d’entendre qu’un accord avait été conclu pendant la nuit entre le SNPL et la direction d’Air France et que la grève s’arrêtait !...
Mon Conseil, Maître Jean-Paul Baduel, que j’avais mis en copie de ce courrier, a été, lui aussi, absolument stupéfait de la façon dont s’était terminée cette grève prévue pour durer deux semaines.
Nous avons alors compris que le dossier du détournement des indemnités de la guerre du Golfe était réellement explosif et avait fait capituler en rase campagne la direction d’Air France et le gouvernement.
Cet événement, de plus, m’a fait réaliser que les médias et la presse n’étaient pas libres car ils ont tous ignoré l’information que je leur avais transmise et dont la révélation au public aurait détruit définitivement l’aura mitterrandienne et discrédité le gouvernement de Lionel Jospin… Ce qui était absolument impensable pour des journalistes majoritairement à gauche.
C’est à dire que le système était bien plus corrompu que je ne pouvais l’imaginer.
Puis, à la suite de la lettre envoyée à DSK, j’ai reçu, le 6 juillet 1998, un courrier du ministère des Finances :
J’en reprends la partie la plus stupéfiante : « Ces renseignements ont retenu toute notre attention mais vous comprendrez que la règle légale du secret fiscal ne me permet pas de vous tenir informé de suites qui peuvent y être données. »
Cette réponse est tout à fait compréhensible, mais il faut admettre que si la règle du secret fiscal est nécessaire c’est surtout, dans ce cas, pour protéger des dirigeants politiques corrompus.
Mais il sera difficile de continuer à cacher ce détournement de fonds dans l’avenir alors que la pression d’internet sur ce dossier se fait sentir avec un peu plus d’intensité chaque mois et que des associations d’anciens militaires s’apprêtent à demander des explications au gouvernement.
De plus, la prescription des dix ans a été levée par la demande de prime d’aviseur que j’ai faite le 29 janvier 2001 ; ce qui veut dire que ceux qui ont détourné ces fonds, ou en sont les bénéficiaires, peuvent toujours être poursuivis devant les tribunaux et que les sommes dérobés sont récupérables.
Je laisse à chacun le soin de tirer les conclusions de ces révélations mais, pour ma part, j’aurais aimé que le syndicat des pilotes de ligne révèle au public en juin 1998 le détournement des indemnités de la guerre du Golfe par Mitterrand.
Pour quelles raisons mes collègues pilotes n’ont-ils rien fait ?...
La réponse appartient aux différents protagonistes concernés par cette grève, qui sont, outre Jean-Charles Corbet, Jean-Cyril Spinetta, président d’Air France, Jean-Claude Gayssot, ministre des Transports, et Dominique Strauss-Kahn, ministre des Finances.
Mais il est souhaitable de révéler ce détournement de fonds, maintenant, pendant la présidence de Nicolas Sarkozy, afin de mettre un terme définitif à la corruption de la Vèm République et de créer une structure qui empêcheraque ce type de délit puisse se reproduire.
Et, pour ma part, je propose de développer l’Alerte éthique de façon à ce que le plus humble des citoyens puisse dénoncer le plus puissant des élus si celui-ci est malhonnête.
Il est, de plus, nécessaire de le révéler afin de rendre justice à nos militaires qui peuvent légitimement estimer qu’ils ont aussi été au combat pour que Mitterrand se constitue une fortune considérable dans un paradis fiscal alors que nos combattants blessés ou tués lors des conflits sont peu indemnisés et qu’aucune prime de guerre n’a été allouée aux vétérans de l’opération Tempête du désert.
Nous sommes sur ce sujet en retard par rapport aux USA qui ont créé un ‘Research Advisory Committee on Gulf War Veteran’s Illnesses’ destiné à conseiller le secrétaire d’Etat à la Défense sur les recherches liées aux conséquences sur la santé des vétérans du Golfe.
Aussi je propose que, lorsque le détournement des indemnités de la guerre du Golfe sera officialisé, nos vétérans du Golfe touchent la prime de guerre qui devait leur revenir et qu’un fond important soit créé pour venir en aide aux victimes du syndrome du Golfe qui sont réunis dans l’association Avigolfe.
Ce sera au gouvernement de François Fillon, et en particulier à Christine Lagarde, ministre des Finances, de révéler le scandale du détournement des indemnités de la guerre du Golfe attribuées à la France, de définir les primes dues à nos militaires et de créer un fonds de recherche et de soutien pour nos combattants victimes des armes NBC.
Jean-Charles Duboc
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