Ci-dessous une étude anthropologique très intéressante.
Jcd
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Étant étudiant en anthropologie, je remarque une tendance constante dans le domaine de l'Ufologie : c'est le manque de réflexion et de concepts concernant les sociétés et les cultures.
Il y a cependant de bonnes réflexions sur ces sujets au sein de la communauté ufologique mais qui ne s'appuyent pas sur les concepts fondamentaux de la science de la culture et de l'être ensemble.
Ceci a pour conséquence de générer des discours intéressants (pas tout le temps) mais qui ne se dégagent pas du langage commun, et manquent de précision.
Par exemple lorsque l'on parle de « civilisation », ceci renvoie vaguement à l'idée d'une culture, d'un type de société, d'une continuité de savoir-faire, mais ce n'est pas rigoureux car pas correctement défini, voire pas défini du tout.
En effet, les concepts-clefs d'un énoncé doivent être définis avec précision si l'on veut obtenir une pensée pertinente.
On voit donc dans l'ensemble des productions ufologiques que les aspects physique, biologique, ou astrophysique sont beaucoup plus poussés et rigoureux que tout ce qui ressort des sciences humaines et sociales, à l'exception de la psychologie.
Ce manque de rigueur dans les sciences humaines et sociales peut avoir plusieurs causes. L'une d'elles est que, parmi les Ufologues, certainement une infime minorité a reçut un enseignement universitaire dans ce domaine ; la plupart sont plutôt des chercheurs dans les sciences dites dures.
Il y a aussi le fait que peu de sociologues et anthropologues se sont intéressés à l'ufologie ; on peut tout de même noter Pierre Lagrange, sociologue travaillant sur l'ufologie. Mais son attitude est moins l'apport de concepts sociologiques à l'ufologie que l'étude de l'ufologie comme fait social, et surtout les rapport que celle-ci entretien avec le discours scientifique officiel.
Ainsi est-il nécessaire à présent d'apporter les connaissances issues de la sociologie (étudiant les dynamiques et mécanismes d'une société, particulièrement d'une société occidentale) et de l'anthropologie (étudiant les fonctionnements, dysfonctionnements, plutôt de cultures non-occidentales, mais surtout les contacts inter-culturels) dans la recherche ufologique.
Car lorsque des ufologues produisent un discours sur l'Homme, mais qu'en fait ils ne parlent que de l'homme occidental, et quand on entend parler de « choc des civilisations », et qu'on entend pas une seule fois le mot « acculturation », et que l'on associe l'évolution technologique et l'évolution culturelle, cela nous montre un besoin immédiat de concepts anthropologiques.
Ces trois exemples cités sont proches de certaines erreurs conceptuelles qui ont été produites lorsque l'anthropologie était naissante à la fin du XIXè siècle, par un courant nommé évolutionnisme.
Ces erreurs se retrouvent à notre époque dans les médias et le langage courant.
Les principales erreurs de l'évolutionnisme étaient de penser l'autre (notamment les indigènes des colonies) en comparaison avec soi: le comparateur de l'humanité était l'anglo-saxon mâle, cultivé, urbain, protestant ou athée, et il représentait le point culminant de l'évolution culturelle, les autres lui étant d'autant plus inférieurs qu'ils étaient éloignés de son mode de vie.
Faire une stratification des cultures en considérant leur éloignement à soi, et se penser comme détenteur de la civilisation, cela s'appelle l'ethnocentrisme et c'est absolument non-scientifique.
Une autre erreur était de penser que le développement technologique est lié au développement culturel ; c'est à dire qu'un groupe humain utilisant un outillage en pierre dénote une culture rudimentaire.
Ceci est complètement faux.
En effet, les groupes ayant une technologie peu sophistiquée, ayant une tradition orale (non écrite), et qui sont souvent chasseur-cueilleurs (aborigènes d'Australie, indiens d'Amazonie, bushmen... et en fait tous les groupes à un moment donné de leur histoire) ont souvent des connaissances extrêmement riches, des mythologies très complexes et forment des cultures aussi complexes que n'importe quelle autre, sauf que leur mode de vie et de transmission du savoir étant différent du nôtre, cette complexité ne nous est pas apparente au premier coup d'oeil.
Enfin, une chose méconnue des évolutionnistes est l'acculturation.
Ce terme désigne le processus par lequel un groupe, soumis au contact d'un autre se transforme.
Le 'a' n'est pas privatif, au contraire c'est le 'ad' latin qui signifie 'et', ceci renvoie au fait que lorsqu'il y a contact, le groupe numériquement ou structurellement plus faible adopte la culture de l'autre groupe tout en conservant certains aspects de son ancienne culture.
Si les deux (ou plus) groupes sont à peu près égaux, et qu'il n'y a aucune volonté de destruction ou de domination, c'est plutôt le métissage (au sens culturel) ; c'est à dire la création d'un troisième groupe à partir des deux précédents.
L'image couramment utilisée en ufologie pour parler du contact entre Terriens et ET, celle de la destruction de la culture Maya et Aztèque par les Espagnols, n'est pas correctement employée, car les Espagnols avaient une volonté de destruction de ces cultures et de domination ; or ceci est loin d'être la majorité des cas de contacts inter-culturels terriens.
Bien sûr cela arrive parfois, mais ce qui en est la cause principale n'est pas un déterminisme social, c'est avant tout les valeurs présentes dans les groupes en question et qui orientent ses pensées et ses actions, et surtout dans ce cas, la représentation et l'imaginaire sur l'Autre, l'Etranger.
On pourrait dire qu'en anthropologie, l'unité de base de la culture est la « valeur » ; les valeurs d'une culture sont les idées fondamentales qui sous-tendent d'autres idées, une sorte de cadre conceptuel inconscient, toujours présent en arrière-fond dans toutes les productions d'une culture.
Un exemple simple, mais pas très rigoureux : une des valeurs de la culture nord-américaine est la croissance, le surplus, la sur-opulence, en gros le "toujours plus" ; ceci a différentes conséquences : la surproduction en économie, la domination en politique, mais aussi les recherches de pointe en sciences, etc.
Un autre point important concerne les cultures occidentales.
On parle d'Occident comme on parle de Nord économique, de premier Monde ou d'Europe, mais ces termes sont des lieux communs à présent, surtout s'ils sont décontextualisés.
Le fait est qu'on peut voir des similitudes de valeurs entre les pays européens, entre l'Europe et les États-Unis, et entre Europe, États-Unis et d'autres pays.
Cependant cela ne signifie pas qu'il y a là une seule et même culture.
De plus, il est très important de savoir qu'aucun ensemble n'est homogène ; on ne peut pas réellement dire "telle culture, c'est cela" car dans un groupe partageant les mêmes valeurs il y a une infinité de variations, et affirmer qu'une culture est par nature, et restera indéfiniment telle chose, c'est l'essentialiser.
L'essentialisation repose sur une pensée fixiste des sociétés, et résume une culture à certains aspects très restreints et pas forcément pertinents ; seulement les cultures sont dynamiques et leurs composantes sont nombreuses.
Pour revenir à notre propos, on peut tout de même dire que l'Occident est un ensemble de cultures ayant une origine commune en Europe ou s'y étant acculturé. Cette culture peut être nommé moderne.
La modernité n'est pas employée ici dans le sens de "récent, sophistiqué, contemporain", mais dans le sens d'un ensemble culturel fondé sur des valeurs communes.
Les valeurs modernes créées au 17è siècle ont donné l'époque moderne, dans laquelle nous sommes encore actuellement car nous partageons la plupart des valeurs de cette époque : les séparations nature/culture, humain/animal, occidental/non-occidental, science/religion/politique, civilisé/sauvage ou primitif, raison/émotion, objectivité/subjectivité ; il y a aussi l'institution du savoir scientifique comme cadre de référence principal, les Droits de l'homme, le capitalisme, la volonté de domination de l'Autre, l'Etat-nation, Descartes, Platon, Kant (plus que Spinoza, Epicure), etc.
Toutes ces valeurs ne sont pas forcément présentes dans ce que l'on appelle l'Occident mais elles en sont à l'origine.
Aussi, suivant sa volonté de domination insatiable, la modernité est partout présente sur Terre à notre époque et donc toutes les cultures sont plus ou moins acculturées à l'Occident ; c'est un des aspects de la mondialisation.
L'Occident est un peu partout, mais ce que l'on appelle couramment l'Occident, c'est là où la modernité est la plus présente : Europe, Etats-Unis ; et c'est de là qu'on dirige le monde.
On a donc vu plusieurs concepts de base qui, s'ils étaient utilisés en ufologie, permettraient de rendre mieux compte des dynamiques socio-culturelles en jeu dans la construction conceptuelle de cette réflexion.
Ces concepts sont l'évolutionnisme, l'acculturation, le métissage culturel, l'ethnocentrisme, la distinction entre complexité de production matérielle et complexité culturelle, les valeurs et la modernité.
Tous ces concepts sont des outils indispensables pour produire une réflexion pertinente sur le social et le culturel, et pour affiner ses idées en évitant de reproduire systématiquement les valeurs de sa propre culture.
Car un dernier concept essentiel à ce type de réflexion est la distanciation.
Ceci est le fait de prendre de la distance avec les valeurs de sa culture et de pouvoir mieux analyser la culture d'autres groupes sans préjugés stéréotypés ; c'est une forme de déconditionnement culturel, de remise en question permanente de nos cadres culturels qui, sans toutefois nous détacher de notre culture, nous permet de nous rapprocher d'une autre.
AJOUT AUX CONCEPTS
L'usage qui est fait du terme "ethnies extra-terrestres" est impropre.
En effet, étant donné que ces différents groupes sont censés venir de différentes planètes, ils constituent en fait des espèces différentes ; ils ont évolué de manière distincte et n'ont pas de parenté biologique.
Car une ethnie n'est pas une espèce : c'est une subdivision de celle-ci selon des critères socio-culturels ; L'ethnie n'est pas définie par des caractères physiques mais par l'appartenance à un même système symbolique.
Or il apparaît dans la littérature ufologique que les différents groupes extra-terrestres n'ont ni de parenté biologique ni d'appartenance à un même ensemble culturel ; donc le terme le plus juste pour les qualifier est celui d'espèce.
De même, l'usage fait du terme "races extra-terrestres" est impropre, et pour deux raisons.
La première est que ce terme a une connotation trop importante qui pose en principe des séparations qui n'ont pas lieu d'être entre les groupes humains. Et aussi le fait qu'une race est une subdivision par la morphologie d'une même espèce.
On voit la même erreur qu'avec le concept d'ethnie mais pour l'apparence physique.
Donc, soit on utilise le terme espèce pour parler de ces différents groupes extra-terrestres, soit on crée un terme/concept traduisant "espèces n'ayant pas de parenté biologique entre elles ni avec les humains, et venant de planètes différentes".
NOO ZE GAA / étudiant en anthropologie
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