Califat de l’EI Flux

Wahhabisme et califat

 

L’amalgame et stigmatisation faciles et dangereux.

 

Je ne suis pas musulman, loin de là : Pour moi, Jésus n’est pas qu’un prophète, mais carrément le fils de Dieu, incarné en Homme pour porter un message universel d’amour et de paix.

Aussi, je ne suis pas vraiment qualifié pour causer d’Islam.

Sauf à travers son histoire, des origines à nos jours, quitte à être incomplet.

 

En revanche j’entends depuis quelques temps déjà d’immondes propos sur la religion de mes « potes-musulmans » provenant d’encore plus incompétents pour en savoir, tout comme j’en ai déjà entendu sur ceux qui sont bouddhistes, juifs, taoïstes, huguenots-hérétiques et autres.

De quoi s’indigner, parce qu’autant insultant à l’Intelligence que ceux-là qui portent le fer et le feu dans le sang au nom de leurs principes religieux hérétiques !

 

Salafisme, sunna, hadiths, wahhabisme, vrai islam, faux islam, sunnisme, chiisme, que des mots souvent prononcés à tort et à travers.

Aucun journaliste, « expert » ou homme politique n’a su définir pédagogiquement ce que représentent concrètement ces concepts.

Même les « meilleurs esprits », dont celui de cet « étoilé » pourtant « philosophe », amalgament pour mieux se tromper.

Et en se trompant d’ennemi, d’adversaire, ils trompent tout le monde, en chrétienté, et mettront en place des solutions de défense contre les agressions dont nous sommes victimes en chrétienté qui passeront à côté des objectifs affichés… alors qu’ils sont nécessaires pour la sécurité de tous !

Si mes sources ne se trompent pas elles-mêmes, il faut distinguer deux grandes branches de l’Islam : Le chiisme et le sunnisme.

Au commencement de l’islam était la loi. Plus précisément la loi d’Allah, c’est-à-dire celle de Dieu. Le Coran, livre-saint des musulmans, représente le verbe incréé d’Allah transmis au monde sous forme de révélations faites au prophète Mahomet par l’archange Gabriel.

(Les abus de substances psychotropes plus l’action du soleil ardent, ça a même permis à Moïse de nous sortir le décalogue, alors bon…)

Ce verbe incréé se traduit en règles, en interdits, et pour faire court en une pratique religieuse.

Tous les musulmans partagent le Coran, mais nombreuses sont les divisions quant à la « bonne » pratique, à l’interprétation des hadiths (témoignages oraux de Mahomet) ou à l’authenticité de ces hadiths.

 

Et la scission entre ces deux courants remonte à la mort de Mahomet soi-même, c’est dire s’ils ont tout pigé à l’époque, en 632, lorsque les partisans du Prophète se déchirent sur sa succession et cherchent à savoir qui sera le plus légitime pour diriger la communauté des croyants.

À ce moment, les futurs chiites désignent Ali, gendre et fils spirituel de Mahomet, au nom des liens du sang.

Ceux qui deviendront les sunnites (les adeptes de la sunna, les règles de Dieu) désignent Abou Bakr, compagnon fidèle de Mahomet. 

 

Concernant la pratique religieuse, les sunnites considèrent qu'il n'y a pas d'intermédiaire entre le croyant et Allah, l'iman ayant seulement un rôle de prédicateur qui commente le Coran.

Les chiites en revanche ont un clergé très organisé et l'iman est un guide indispensable.

Une division qu’on retrouve chez les chrétiens entre Papistes & Orthodoxes et Protestants réformés.

 

Les sunnites ont toujours été majoritaires. Ils représentent aujourd'hui environ 85 % des musulmans du monde, les chiites n'en représentant que 15 %.

Ces derniers sont majoritairement présents en Iran, à Bahreïn, en Irak et au Liban. D'importantes minorités existent au Pakistan, en Inde, au Yémen, en Afghanistan, en Arabie saoudite et au Liban.

L’islam sunnite nous intéresse au premier chef pour plusieurs raisons : Il est le courant musulman majoritaire en « Gauloisie-laïque » et dans le monde, et les terroristes islamistes se revendiquent du sunnisme.

Tous les sunnites partagent les mêmes croyances (Coran et Sunna), mais ils se divisent en quatre « madhabs » (écoles juridiques) ayant des interprétations juridiques (« fiqh ») différentes de ces sources communes.

Le malikisme (majoritaire en Gauloisie et dans le Maghreb), l’hanbalisme (Arabie saoudite), l’hannafisme (Turquie et Asie) et le chaféisme (Afrique de l’Est).

Toutes ces écoles prononcent des fatwas qui désignent, en francilien-natif, des « avis religieux » ayant force de loi pour les musulmans.

Des avis religieux qui dépassent le droit international et peuvent s’appliquer à tous les musulmans, où qu’ils se trouvent dans le monde.

Auquel de ces « madhabs » appartiennent les salafistes ?

 

À aucun : Ils sont millénaristes et promettent l'apocalypse, la révélation, le règne d'Allah pour très bientôt, comme tous les millénaristes de toutes les sectes passées, religieuses et sanguinaires !

Comme tous les autres, il y a tellement de signes qui l'annoncent à l'unisson…

 

Et en effet, ces derniers sont des « réformistes ».

Ils entendent reconstruire l’islam des origines, à la manière des protestants pour le christianisme, et prétendent pouvoir dépasser les fatwas des quatre écoles juridiques susmentionnées.

Bien que ne respectant pas les avis d’une école juridique, ils sont pourtant sunnites.

Et au sein du monde sunnite, leur présence suscite de vives oppositions. Par beaucoup d’aspects, ils sont les héritiers du wahhabisme du XVIIIème siècle qui est une construction théocratique, donc politique, contre le califat des Ottomans. 

Au sein du salafisme, il faut opérer un distinguo entre les « quiétistes », les Frères musulmans et les djihadistes.

Les premiers refusent la politique active, les seconds n’y rechignent pas, les troisièmes s’engagent dans le combat armé sans attendre.

Tous ont pour point commun de s’affranchir des règles des « madhabs », mais tous ne sont heureusement pas terroristes, loin de là : D'où l'absurdité des amalgames et stigmatisations.

En revanche, tous ont le même projet : Restaurer l’islam des origines et convertir le monde entier à leur foi. Ils sont expansionnistes.

En ce sens, les djihadistes ne sont que des quiétistes impatients qui respectent la pensée politique de Sayyid Qutb (Frère musulman égyptien et penseur théologico-politique) : Internationalisme avec Allah en réponse au socialisme nassériste, révolution, hégémonie culturelle.

Notons, d’ailleurs, que la plupart des djihadistes se sont formés chez les salafistes « pacifistes ». La « Gauloisie chrétienne » doit donc refuser de céder du terrain tant à l’islam de combat qu’à l’islam politique.

Peu importe les bonnes intentions de façade.

D’ailleurs, certains salafistes quiétistes prétendent que l’État islamique est « kharidjiste ». Ce qui est faux.

Si la pratique rigoriste (est mécréant celui qui accomplit un acte de mécréance) les rapproche, le « kharidjisme » est une vieille école sectaire islamique principalement présente au sultanat d’Oman.

Et des sectes « chrétiennes », nous en avons aussi, comme les Mormons, les scientologues, autant que chez les juifs comme les Hassidiques et autres…

 

Au sein du sunnisme, le wahhabisme est plus un mouvement politico-religieux saoudien comme esquissé ci-dessus, fondé au XVIIIème siècle par Mohammed ben Abdelwahhab.

Selon cette vision puritaine et rigoriste du Coran, il se veut issu de l'islam sunnite hanbalite et considère que l'islam devrait être « réformé » pour revenir à sa « forme originelle » qu'il définit selon une interprétation littéraliste et conservatrice du Coran et des hadiths.

 

Il me semble que depuis plus d’un millénaire, l’islam sunnite s’accorde pour accepter quatre grands courants, unanimement reconnus comme garants de l’orthodoxie religieuse. Il s’agit des quatre écoles de droit sunnites, dans leur ordre d’apparition ; le hanafisme, le malikisme, le chafiisme et le hanbalisme, leurs noms étant tirés de leurs fondateurs.

Au XVIIIème siècle, le théologien alors controversé, Mohammed ben Abdelwahhab, s’oppose aux quatre grands courants sunnites en proposant sa propre interprétation de l’islam.

Cette nouvelle doctrine est rejetée par son frère Souleyman, de rite hanbalite comme son père, et qualifiée de sectaire par des théologiens des principaux courants sunnites et chiites, au motif qu’elle contredirait les principes fondamentaux de l’islam traditionnel orthodoxe en termes de dogme, de droit et d’interprétation des textes sacrés.

Réciproquement, la mouvance d’Abdelwahhab rejette toutes les autres écoles, qualifiées de « déviantes ».

Et, pour des raisons liées à l’Histoire de la péninsule arabique, au XXème siècle, elle devient la religion officielle du Royaume saoudien, lui conférant ainsi le monopole idéologique.

 

Bien que fortement médiatisée, surtout en ce moment, la pensée wahhabite reste très minoritaire et diffère, voire s'oppose à la plupart des autres doctrines de l'islam : Elle prône notamment une pratique religieuse purement ritualiste, fondée sur un « taqlid » et un « ijtihad » orienté et laissant au second plan certains aspects du « fiqh » actuel.

Les wahhabites rejettent tous les autres courants de l'islam qui ne suivent pas scrupuleusement leurs dogmes, puisqu’à leur tour ils les considèrent comme hérétiques.

D’après eux, les chiites et les soufis ne sont tout simplement pas « croyants » pour les wahhabites.

D’ailleurs, ces derniers détestent les iraniens, situés au nord du Golfe Persique…

 

Et le corpus idéologique avec le salafisme est le même, les deux courants se référant essentiellement à deux figures que sont Ibn Taymiyya et Mouhammad Ibn Abdel Wahhab, mais le wahhabisme diffère du salafisme sur la notion de chef politique.

Leur doctrine rejette toute interprétation du Coran et de la sunna qui diffère de celle du sens orthodoxe conservateur. Les wahhabites rejettent également toute innovation (bid'ah) comme l'invocation d'Allah à travers des saints ou du prophète Mahomet au travers d'une intercession (tawassoul).

Les adeptes disent suivre la doctrine des « gens de la tradition et du consensus » (ahl as-sunna wal-jama`a).

 

Dès lors, le wahhabisme donne beaucoup d'importance à ce qu'il nomme « Thaqafah Islamiyyah ». Et la promotion de la culture islamique est à comprendre avant tout comme le rejet de tout ce qui ne vient pas de l'islam.

La justification théologique viendrait du fait que selon la Sunna, il ne faudrait pas imiter les non-musulmans.

Il est d’ailleurs dans le cas assez facile de faire un parallèle avec le comportement sectaire des Amish.

Mais on peut tout autant retrouver ce type de scissions chez les chrétiens, les « réformés » revendiquant ce même lien direct entre le croyant et Dieu, sans intermédiaire, le pasteur n’étant qu’un guide, alors que le « papiste » se soumet à une hiérarchie ecclésiastique porteuse des principes évangéliques (« soumission » pour le moins légère et « en pointillé », je peux en témoigner personnellement) et diverses branches.

Et tout autant chez les juifs : De toute façon, eux ont l’avantage conceptuel d’être le seul « peuple élu »…

Du coup, le wahhabisme s'est forgé sur une vision très conservatrice de la société, imposant notamment une stricte séparation des sexes.

Mais tout autant justifiant les châtiments corporels, crucifixion, amputation, lapidation, etc. qui nous font tant horreur…

 

Cela a notamment engendré une forte limitation du droit des femmes en vertu du « blocage des moyens » (sadd al dhara'i), principe-clé du droit wahhabite.

Concrètement, dès leur naissance, les femmes sont placées sous l'autorité légale d'un homme, le « gardien » (mahram), qui peut être leur père, leur mari, leur frère, leur oncle ou même leur fils.

Elles ne peuvent rien entreprendre sans son autorisation, que ce soit travailler, voyager, se marier ou même se faire ausculter par un médecin (femme bien sûr).

Elles sont privées du droit de conduire. La plupart des maisons, banques ou universités ont une entrée pour les hommes et une entrée pour les femmes.

À cet égard, l'une des plus grandes références du salafisme, le cheikh Ibn Uthaymin, une figure du wahhabisme saoudien, estime, dans ses consultations juridiques (fatwas), que les femmes de bonnes mœurs ne doivent quitter leur domicile qu'avec l'autorisation du mari ou du « gardien ».

Il précise même, très sérieusement, que « La femme est libre chez elle, elle se rend dans toutes les pièces de la maison et travaille en accomplissant les tâches ménagères ». 

 

En réalité, selon la hedjazie Suhayla Zayn al-Abidin, le wahhabisme a servi à légitimer ce qui n’est rien d’autre que des coutumes locales « najdies » : « Alors que l’islam a permis l’ijtihad (l’interprétation des textes) dans le but de s’adapter aux circonstances correspondant aux différents lieux et aux différentes époques, un groupe d’oulémas, qui n’est pas peu nombreux, s’est contenté de proclamer des interdictions au nom de sadd al-dharaʿi (« blocage des moyens », principe-clé du droit wahhabite). Ceux d’entre eux qui ont appliqué ce principe à la femme l’ont fait parce qu’ils la regardent avec des yeux païens(jahiliyya), et la traitent selon des coutumes et des traditions païennes, qui ne sont en rien une application de ce qu’a apporté l’islam » (Al-Sharq al-Awsat, 30 mai 2004).

 

D’ailleurs, il faut à noter, même si c’est très accessoire, qu'il existe une controverse sur la nature du wahhabisme saoudien.

Pour Yuriy Matashev, « De façon erronée, le wahhabisme est souvent perçu comme une école ou une secte de l'islam. En fait, il s'agit d'un mouvement au sein de l'école du hanbalisme de la branche sunnite de l'islam ».

Alors que pour M. Jarman, la doctrine wahhabite ne cadre pas avec les enseignements traditionnels de l'école hanbalite : « Afin de légitimer leur dynastie et leur doctrine, ils s’appuient sur les travaux de nombreux savants réputés, en particulier ceux d’Ibn Taymiyya. La notoriété du maître, mais surtout sa singularité, servira de lettre de noblesse à Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhâb’ lors de l’instauration de sa doctrine ; un peu comme si Ibn Taymiyya était le père spirituel du wahhabisme ! Il est très fréquent que des leaders ou des mouvements pernicieux se réclament d’un idéal religieux ou nationaliste pour anoblir leurs ambitions. Pour se faire, le charisme d’un Ibn Taymiyya ne sera pas de trop (…) il n’y a pas plus d’affinité entre Ibn Taymiyya et Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahhâb qu’il n’y en a entre un Hashémite et un Saoud ».

 

Depuis son émergence au début du XVIIIème siècle, Hafawa Rebhi constate une évolution : « Après avoir démoli les vestiges de la civilisation islamique à La Mecque et détruit les tombes des amis du Prophète Mahomet, les Wahhabites ont fait de « l’excommunication » (Takfir), l’idée névralgique de leur doctrine : « Est mécréant, celui qui invoque à haute voix le Prophète après l’appel à la prière, celui qui visite les tombes et qui y bâtit des Zaouïas. Est mécréant celui qui bâtit des mausolées ». »

Ce qui justifie d’ailleurs la destruction des « lieux de mémoire » de l’Islam, tel les cimetières et maison du prophète ou de sa famille, que ce soit en Arabie saoudite, ou plus violemment les Bouddhas d’orient, les ruines de Palmyre et tant d’autres choses…

Allah est en lien direct avec le croyant, qui n’a besoin ni de figure païenne ni de mausolée pour pratiquer sa religion…

 

Et le salafisme n’est rien d’autre que du wahhabisme, mais poussé à l’extrême.

Le second est « quiétiste » alors que le premier est djihadiste (effort sur soi), guerrier comme d’un devoir, expansionniste comme d’une réalité.

Désormais réalité « politique » avec la proclamation du Califat qui devient sa justification.

Après tout, souvenez-vous, vous chrétiens, de la dernière phrase du « Notre Père » : « Que ton règne vienne sur la Terre comme au ciel, pour des siècles et des siècles ! »

Que croyez-vous que les musulmans attendent tout autant avec ferveur ?

Que pensez-vous d’un imam qui annonce les signes avant-coureurs, tels qu'on peut les constater actuellement quand ils sont dits « mineurs » et annonciateurs de cette imminence-là, alors même que quelques signes majeurs (tremblements de Terre, atmosphère irrespirable) n'attendent que la détestation de l'islam par la Terre entière pour générer la guerre finale débouchant sur le règne d'Allah ?

Le salafisme est certes « millénariste » et apocalyptique, mais s’appuyant sur les textes sacrés, il peut créer l’engouement, tel qu’il devient « attractif », peu importe le prix à en payer pour soi (l'effort sur soi) et pour autrui, de l’avènement annoncé depuis des siècles (des millénaires quand on est juif) du règne du Divin, de son retour sur la Terre des hommes !

Formidablement mobilisateur, faut-il reconnaître pour un croyant, alors qu'il suffirait d'abattre le calife à l'occasion d'un raid aérien pour que l'édifice politico-religieux s'effondre de lui-même…

Alors quand j’entends et lis des propos assimilateurs « wahhabisme/salafisme », même combat, je ne peux que me dire qu’il y a erreur de cible : L’un est « attentiste », l’autre « activiste » et il y a comme un grand écart entre les deux !

 

« On se fourvoie en pensant qu'ils (les saoudiens) soutiennent officiellement Daech », tonne une source gouvernementale.

C'est une absurdité sans nom.

« On n'a jamais eu le moindre renseignement sérieux en la matière. Qu'il y ait des radicaux dans ces pays qui envoient de l'argent, c'est un fait. Mais les autorités renforcent la lutte contre ces financements. Et puis, il faut arrêter de les mettre tous dans le même panier. »

 

Pourtant, bien qu'elle fasse partie de la coalition anti-EI et largue des bombes, l'Arabie saoudite est régulièrement accusée de soutenir les groupes djihadistes.

C’est bien parce que les islamistes ultra-radicaux de Daech sont inspirés par la même idéologie wahhabite que celle du royaume. « Le royaume défend cet islamisme ultra-puritain dont se nourrit Daech. L'Arabie saoudite est un Daech qui a réussi », assène ainsi l'écrivain algérien Kamel Daoud dans les colonnes du quotidien américain « New York Times ».

 

Néanmoins, ce n'est pas la seule raison qui explique les accusations de liens sulfureux entre les Saoudiens et l'EI. Aux débuts du soulèvement populaire contre Bachar al-Assad, le pays du roi Salmane a soutenu l'opposition dite modérée.

Objectif : Aider ces rebelles sunnites à bouter hors du pouvoir le président syrien, alaouite (issu d'une branche minoritaire du chiisme dont je vous rappelle qu’il y a détestation réciproque).

Alors que le conflit s'enlisait, une partie de ces groupes aidés financièrement par le royaume se sont radicalisés.

Certains font même partie des cibles visées aujourd'hui par la lutte anti-Daech. L'Arabie saoudite, prise à son propre piège, a commencé à être menacée par l'EI sur son sol, dès 2014. Depuis, Riyad s'est mis à combattre cet adversaire qu'il a, d'une certaine manière, contribué à faire naître.

 

Le Qatar, petite presqu'île posée sur l'Arabie saoudite, est lui aussi accusé d'entretenir des liaisons dangereuses avec les terroristes de l'EI.

C'est pourtant dans cet émirat grand comme l'Île-de-France que se trouve la base aérienne américaine d'Al-Udeid, où est établie une partie de l'état-major de la coalition anti-EI.

Les soupçons sur une bienveillance des 300.000 Qatariens à l'égard des djihadistes trouvent leurs origines dans l'existence de certaines fondations qui effectuent effectivement des dons pour financer des groupes terroristes.

Une pratique que les autorités de Doha ne cessent de combattre depuis 2013.

Le gouvernement de l'émir Al-Thani a ainsi renforcé son arsenal législatif en 2013 pour endiguer le flux de fonds en provenance du Qatar à destination de divers groupes et individus extrémistes.

 

Dans le viseur, le secteur des œuvres de bienfaisance (et des activités sociales, une autre obligation impérieuse des musulmans).

Une campagne en ligne connue pour financer des djihadistes en Syrie a ainsi été stoppée par les autorités.

Un Jordanien qui travaillait dans une organisation caritative, soupçonné de financer des terroristes a été expulsé.

Des interdictions d'entrer au Qatar ont aussi été émises pour plusieurs personnes soupçonnées d'activités illicites afin de les empêcher de lever des fonds pour financer des groupes terroristes depuis Doha.

Etc.

 

Alors arrêtons de faire l’âne pour avoir du son, puisque le son, en l’occurrence, ce sont des « coups de bâtons ».

Qui plus est, atrocement et aveuglément sanglants.

Si nous étions moins kons et mieux instruits de l’islam, il me semble qu’on mettrait un terme à ces mécénats salafistes en gelant les transferts de fonds, qu’on réglementerait l’activité des mosquées, qu’on expulserait les imams radicaux (ou non) dont les prêches se feraient en arabe (ou en anglais ou en n’importe quoi d’autre) : Il suffirait d’étendre, éventuellement par décret, la portée de la loi n° 75-1349 du 31 décembre 1975 que personne n’est censé ignorer dans ce foutu pays qui est le mien (et que j’aime pourtant tant…).

 

Au lieu de ça, on va chercher des poux dans la tonsure de nos « sachants » à propos de supposés liens entre « radicaux » et quelques entreprises qui donnent encore à becqueter à nos prolos locaux (ou impatriés).

C’est dire si les amalgames sont si faciles qu’ils ne siéent qu’aux imbéciles !

C’est dire si parfois, que je regrette d’avoir des yeux et des oreilles…

Moi « l’immortel-provisoire », parfois, j’ai l’impression de m’être trompé d’époque en naissant ici et pas ailleurs…

Que ça m’en donne des boutons de fièvre, comme ma grand-mère !

 

I3

Source : http://flibustier20260.blogspot.fr/2015/11/wahhabisme-et-califat.html

 


Le Califat de l’EI (3/3).

 

Un projet politique basé exclusivement sur le Coran

 

Les États-Unis et leurs alliés ont réagi contre l’EI et le Califat tardivement et avec stupéfaction.

Les ambitions de l’organisation et les grandes lignes de sa stratégie étaient manifestes dans ses déclarations et sur les réseaux sociaux dès 2011, quand l’EI n’était qu’un mouvement parmi les nombreux groupes terroristes présents en Syrie et en Irak. 

 

En 2011, Abou Bakr Al-Baghdadi s’était déjà qualifié de « commandeur des croyants », un titre habituellement réservé aux califes.

Si nous avions identifié les intentions de l’EI plus tôt et compris que le vide politique en Syrie et en Irak lui donnerait tout l’espace nécessaire pour les mettre en œuvre, nous aurions au minimum poussé l’Irak à renforcer sa frontière avec la Syrie et à négocier des accords avec sa population sunnite. Et pourtant, début 2014, « Baraque Au-Bas-Mât » a déclaré au New-Yorker qu’il voyait l’EI comme un partenaire plus faible d’Al-Qaïda. « Si une équipe de basketteurs junior enfile des maillots de la NBA, ça ne fait pas d’eux Kobe Bryant », a-t-il ironisé.

Une erreur stratégique qu’on paye désormais cash en Europe et en Afrique.

 

Punis de notre indifférence initiale, nous attaquons maintenant l’EI sur le champ de bataille en soutenant Kurdes et Irakiens, ainsi qu’au moyen de frappes aériennes régulières, y compris en Syrie. Certains observateurs ont appelé à une intensification de la riposte, parmi lesquels plusieurs porte-la-parole de la droite interventionniste américaine et bientôt européenne qui se sont exprimés en faveur du déploiement de dizaines de milliers de soldats américains, anglais, français, allemands et autres.

 

Ces appels ne doivent pas être rejetés précipitamment : Une organisation qui ne cache pas ses intentions génocidaires se trouve à deux pas de ses victimes potentielles et commet quotidiennement des atrocités sur le territoire qui est déjà sous son contrôle, jusqu’à pousser à l’exil des centaines de milliers de ressortissants, déjà au Liban, en Turquie et dans le reste de l’Europe.

En outre, si l’EI perd son emprise sur les territoires syrien et irakien, il cessera d’être un califat.

Celui-ci ne pourra plus être au cœur de sa propagande, ce qui fera disparaître le supposé devoir religieux d’émigrer pour le servir. 

 

Et pourtant, les risques d’une escalade de la violence sont considérables. Une invasion représenterait une grande victoire pour la propagande des djihadistes du monde entier, qui pensent tous que les États-Unis veulent s’embarquer dans une croisade des temps modernes pour tuer les musulmans.

À quoi s’ajoute notre maladresse lors de nos précédentes tentatives d’occupation.

La montée de l’EI, après tout, n’a été possible que parce que notre occupation de l’Irak a ouvert un espace pour Zarqaoui et ses successeurs.

 

Étant donné tout ce que nous savons sur l’EI, continuer de le saigner peu à peu au moyen de frappes aériennes et de batailles par alliés interposés semble la moins mauvaise solution.

Le coût humanitaire de l’EI est élevé, mais la menace qu’il représente pour les États-Unis et l’occident est ainsi limitée, hors les attentats commis par quelques-uns.

Le noyau d’Al-Qaida fait figure d’exception parmi les organisations djihadistes en raison de son intérêt pour « l’ennemi lointain » (l’Occident).

Les principales préoccupations de la majorité des organisations djihadistes concernent des questions plus proches de chez eux. C’est particulièrement vrai pour l’EI. Abou Bakr Al-Baghdadi a demandé à ses agents saoudiens de « régler la question des rafida (chiites) d’abord, puis des Al-Sulul (sympathisants sunnites de la monarchie saoudienne), avant de s’attaquer aux croisés et à leurs bases ».

 

Les combattants étrangers (ainsi que leurs femmes et leurs enfants) se rendent dans le califat avec un aller simple : Ils veulent vivre selon la véritable charia et nombre d’entre eux cherchent à devenir des martyrs.

Quelques « loups solitaires » soutenant l’EI ont attaqué des cibles occidentales et d’autres attentats se produiront.

Toutefois, malgré le climat de terreur indéniablement instillé par ceux-là, la plupart des agresseurs se sont avérés être des amateurs frustrés, incapables d’émigrer vers le califat.

Même si l’EI se réjouit de ces attentats, notamment dans sa propagande, il n’a planifié ni financé aucun d’entre eux.

On rappelle que l’attaque contre Charlie Hebdo à Paris était principalement une opération d’Al-Qaïda.

 

S’il est contenu, il est probable que l’EI causera lui-même sa propre chute. Il n’est allié à aucun autre pays et son idéologie garantit que cela ne changera pas.

Les terres qu’il contrôle, certes vastes, sont pour l’essentiel inhabitées et arides.

À mesure qu’il stagnera ou que son territoire rétrécira lentement, sa prétention d’être le moteur de la volonté de Dieu et l’agent de l’apocalypse perdra de sa valeur.

À mesure qu’augmenteront les informations sur la misère qui y règne, les autres mouvements islamistes radicaux seront discrédités : Personne n’a jamais cherché à ce point à appliquer strictement la charia en faisant appel à la violence. 

 

Il serait facile d’évoquer, concernant l’EI, un « problème avec l’islam ».

La religion autorise de nombreuses interprétations et les sympathisants de l’EI sont moralement responsables de celle qu’ils ont choisie. Et pourtant, en faire une institution contraire à l’islam peut être contreproductif, notamment si ceux qui entendent ce message ont lu les textes sacrés et vu que de nombreuses pratiques du califat y sont clairement décrites.

 

Les musulmans peuvent affirmer que l’esclavage n’est plus légitime aujourd’hui, et que la crucifixion est condamnable à ce stade de l’Histoire.

Et nombre d’entre eux tiennent précisément ce discours. En revanche, ils ne peuvent condamner l’esclavage et la crucifixion dans l’absolu sans contredire le Coran et l’exemple donné par le Prophète.

 

L’idéologie de l’EI exerce un attrait puissant sur une certaine population. Les hypocrisies et les incohérences de la vie s’évanouissent face à elle. Les « salafistes » sont incollables sur les textes sacrés. Volubiles, ils exposent leurs idées – et même de manière convaincante si l’on accepte leurs postulats.

Juger celles-ci contraires à l’islam revient à les inviter à un débat qu’ils gagneraient.

Les non-musulmans ne peuvent pas plus dicter aux musulmans la manière correcte de pratiquer leur religion.

Et les musulmans ont lancé ce débat depuis longtemps dans leurs rangs. Il existe une autre branche de l’islam qui offre une solution radicale à l’EI. Elle est tout aussi intransigeante, mais aboutit à des conclusions opposées.

 

Abou Bakr Al-Baghdadi est « salafiste ». Le terme « salafiste » est devenu péjoratif, notamment parce que de véritables criminels ont lancé des batailles au nom de cette école de pensée.

Mais la plupart de ses partisans ne sont pas djihadistes et ils adhèrent généralement à des mouvances religieuses qui rejettent l’EI.

Ils sont déterminés à agrandir le « Dar Al-Islam », la terre de l’Islam, y compris au moyen de pratiques monstrueuses comme l’esclavage et l’amputation – mais pas tout de suite.

Leur priorité est la purification personnelle et l’observance religieuse. Pour eux, tout ce qui menace ces objectifs est interdit, comme provoquer une guerre ou des troubles risquant de perturber les vies, la prière et les études.

 

Lorsque Abou Bakr Al-Baghdadi a fait son apparition, certains imam ont adopté le slogan « Ce n’est pas mon califat ».

« L’époque du Prophète était baignée de sang et chacun sait que les pires conditions de vie pour n’importe quel peuple étaient le chaos, notamment pour l’umma (communauté musulmane). »

Pour cette raison le bon choix pour les « salafistes » n’est pas de semer la discorde en créant des factions et en réduisant les autres musulmans à des apostats.

Au contraire, une majorité de « salafistes » pense que les musulmans devraient se retirer de la vie politique.

Ces « salafistes-quiétistes », comme ils sont qualifiés, sont d’accord avec l’EI pour affirmer que la loi de Dieu est la seule valable.

Ils rejettent aussi les pratiques comme les élections et la création de partis politiques.

Toutefois, la haine du Coran pour la discorde et le chaos signifie pour eux qu’ils doivent se soumettre à quasiment n’importe quel dirigeant, même si certains sont manifestement pécheurs.

« Le Prophète a dit : Tant que le dirigeant ne s’abandonne pas clairement au kufr (mécréance), obéissez-lui ».

« Rendez à César ce qui appartient à César » en a dit le Christ.

 

Et tous les « livres de principes » classiques mettent en garde contre les troubles sociaux.

Vivre sans prêter serment rend effectivement ignorant ou ignare.

Mais la « bay’a » n’implique pourtant pas de faire allégeance à un calife, et certainement pas à Abou Bakr Al-Baghdadi.

Cela signifie, dans une perspective plus large, adhérer à un contrat social religieux et s’engager pour une société de musulmans, qu’elle soit dirigée ou non par un calife.

Pourtant le « salafisme-quiétiste » est un antidote islamique au djihadisme selon la méthode d’Abou Bakr Al-Baghdadi.

 

Les dirigeants occidentaux devraient sans doute s’abstenir de donner leur avis sur les débats théologiques islamiques. Le président US lui-même a presque tenu les propos d’un mécréant lorsqu’il a affirmé l’an dernier que l’EI n’(était) « pas islamique » : Il n’y connaît rien !

La plupart des musulmans ont apprécié l’intention du président américain : Il était à leurs côtés contre Abou Bakr Al-Baghdadi et les chauvins non-musulmans qui cherchent à les impliquer dans les crimes de l’EI.

La majorité des musulmans ne sont toutefois pas susceptibles de rejoindre le djihad. Ceux qui le sont auront vu leurs suspicions confirmées : Les États-Unis mentent sur la religion pour servir leurs intérêts, selon leur sentiment général.

 

Dans le cadre limité de sa théologie, l’EI bourdonne d’énergie et même de créativité. En dehors de ce cadre, il pourrait difficilement être plus austère et silencieux : Sa vision de la vie est faite d’obéissance, d’ordre et de soumission au destin.

Lorsqu’il a fait la critique de Mein Kampf, en mars 1940, George Orwell a confessé qu’il n’avait « jamais été capable de détester Hitler ». Quelque chose chez lui percevait l’image d’un outsider, même si ses objectifs étaient lâches ou détestables.

Le fascisme, poursuivait George Orwell, est « psychologiquement bien plus solide que n’importe quelle conception hédoniste de la vie. (…) Le socialisme et même le capitalisme, à contrecœur, ont affirmé au peuple : ‘‘Je peux vous offrir du bon temps.’’ De son côté, Hitler a déclaré : ‘‘Je vous propose la lutte, le danger et la mort’’, à la suite de quoi une nation toute entière s’est jetée à ses pieds. (…) Nous ne devons pas sous-estimer son attrait émotionnel. »

 

Dans le cas de l’EI, il ne faut pas non plus sous-estimer son attrait religieux ou intellectuel. Le fait que l’EI tienne pour un dogme la réalisation imminente d’une prophétie nous indique au moins la trempe de notre ennemi.

Les outils idéologiques peuvent convaincre certains candidats à la conversion que son message est erroné.

Les outils militaires peuvent limiter les horreurs que l’EI commet.

Mais sur une organisation aussi imperméable à la persuasion, il n’y a pas d’autres mesures susceptibles d’avoir un impact. Même si elle ne dure pas jusqu’à la fin des temps, la guerre risque d’être longue.

 

Conclusions personnelles :

– Ce n’est pas une guerre de civilisation, mais bien plus celle d’un dogme ultra-minoritaire d’origine religieuse.

 

– Or, non seulement on ne peut pas contrer, discuter, avec un dogmatique – même un communiste-stalinien, même après la chute du régime soviétique – mais on ne peut pas plus convertir un religieux dans sa foi…

C’est une des limites de la Raison.

 

– Dès lors, la seule réponse pragmatique me semble de rester faire face au combat qu’on nous impose, même si ce n’est pas le nôtre, et d’affaiblir l’ennemi.

La moins mauvaise démarche, même si elle a été entamée pour d’autres raisons et en vue d’autres objectifs, c’est de détruire l’intendance du Califat.

Toute l’intendance sur laquelle il se repose, ses financements, ses trafics, ses approvisionnements, ses voies de communication, ses forces et son environnement.

L’heure est aux armes sur ce terrain-là et c’est tant mieux.

 

Après que le canon se sera tu, il sera toujours temps de laisser la place à la diplomatie et « aux politiques » : À eux d’élaborer des solutions pérennes dans une région en feu depuis tant de décennies, afin que les réfugiés puissent rentrer chez eux et reprendre goût à l’avenir.

 

Peut-être qu’un jour, les menaces d’attentats pervers, terroristes et aveugles auront alors disparu.

Et dans l’idéal, les suppôts, tous les suppôts des théories millénaristes et apocalyptiques devront être jugés impitoyablement au tribunal des hommes.

Au nom de toutes leurs victimes.

Femmes, enfants et vieillards inclus…

 

Mais là, je rêve peut-être, les yeux grands-ouverts.

Car les théories apocalyptiques sont nombreuses. De mémoire on peut citer Saint-Jean l’évangéliste lui-même (qui visait Rome et dont on attend toujours le commencement), d’une autre envergure que les tenants de du calendrier maya, de Paco Rabane soi-même, de ce du temple solaire, de Jim Jones en Guyane et de son temple du peuple, de la secte Aum, de Malachie et sa liste des papes désormais achevée.

Et cætera…

Force est de reconnaître qu’aucune de leur prophétie ne s’est réalisée !

Même celle des marxistes-léninistes et son « genre humain » de demain… 

 

Après tout, nous vivons depuis près de 70 ans, deux générations complètes, sous le règne de « l’équilibre de la terreur » nucléaire où soi-disant tout pouvait (et peut encore) arriver.

La troisième génération arrive et les chercheurs découvrent que le lagon de Mururoa retrouve un foisonnement de vie extraordinaire après plusieurs saisons d’essais nucléaires qui y ont « tout cassé ».

Et pour mieux vous préparer au pire, l’ONU et son GIEC surfent sur les peurs relatives au réchauffement global : Magnifique comme ils peuvent nous tenir en haleine avec leurs prévisions tout autant apocalyptiques que les toutes « écritures saintes ».

Notamment une « montée des eaux catastrophique » de … moins d’une dizaine de centimètres à la fin du siècle !

C’est dire s’ils ont tous tout faux…

Il faudra bien, un jour ou l’autre, en tirer les conclusions qui s’imposent.

 

Merci à vous toutes et tous de m’avoir lu jusque-là !

Et bien à vous.

 

I3

Source : http://flibustier20260.blogspot.fr/2015/11/le-califat-de-lei-33.html

 


Le Califat de l’EI (2/3).

 

Un projet politique basé exclusivement sur le Coran

 

En novembre 2014, l’EI a diffusé une vidéo de promotion retraçant ses origines jusqu’à Ben Laden. Le film mentionnait Abou Moussab Al-Zarqaoui, le violent dirigeant d’Al-Qaïda en Irak de 2003 jusqu’à sa mort, en 2006, faisant de lui un mentor plus direct. Il citait également deux autres chefs de guérillas ayant précédé Abou Bakr Al-Baghdadi, le calife.

Aucune mention en revanche du successeur de Ben Laden et dirigeant actuel d’Al-Qaïda, le chirurgien ophtalmologiste égyptien Ayman Al-Zawahiri.

 

Al-Zawahiri n’a pas fait allégeance à Abou Bakr Al-Baghdadi et il est de plus en plus haï par ses confrères djihadistes. Son isolement est renforcé par son manque de charisme.

Mais la rupture entre Al-Qaïda et l’EI est amorcée depuis longtemps.

Et désormais, les deux mouvances sont en concurrence, comme on vient de le voir à travers les attentats parisiens d’une part, ceux de janvier étant revendiqués par Al-Qaïda, ceux de novembre à Paris par Daech ; et en réplique ceux du Mali, du Tchad et du Cameroun par Boko-Aram rattachés à Al-Qaïda…

Et on ne compte même pas les exactions d’Aqmi, au Yémen et ailleurs.

Une surenchère sanglante !

 

Une autre figure importante est aujourd’hui en disgrâce : Abu Muhammad Al-Maqdisi, un religieux jordanien de 55 ans qui est l’un des grands architectes intellectuels d’Al-Qaïda. Sur presque toutes les questions de doctrine, Al-Maqdisi et l’EI sont d’accord. Ils sont étroitement liés à l’aile djihadiste d’une branche du sunnisme appelée le « salafisme », d’après l’expression arabe al salaf al salih, « les pieux devanciers ».

Ces « devanciers » sont le Prophète lui-même et ses premiers disciples, que les « salafistes » honorent et imitent.

 

Al-Maqdisi a été le mentor d’Al-Zarqaoui, qui est allé en Irak avec ses conseils en tête. Avec le temps, l’élève a toutefois dépassé le maître, qui a fini par le critiquer.

Leur contentieux concernait le penchant d’Al-Zarqaoui pour les spectacles sanglants – et, d’un point de vue doctrinaire, sa haine des musulmans non salafistes, qui allait jusqu’à les excommunier et les exécuter – leurs ennemis, vous dis-je.

Dans l’islam, le « takfîr », ou excommunication, est une pratique dangereuse d’un point de vue théologique. Si l’accusateur a tort, alors il devient lui-même apostat car il s’est rendu coupable d’une fausse accusation – un acte puni de mort.

Et pourtant, Abou Moussab Al-Zarqaoui a imprudemment allongé la liste des comportements pouvant rendre les musulmans infidèles.

 

Abu Muhammad Al-Maqdisi a écrit à son ancien élève qu’il devait se montrer prudent et ne pas « émettre de larges proclamations de takfîr » ou « déclarer des personnes coupables d’apostasie en raison de leurs péché ».

La distinction entre apostat et pécheur est un des désaccords fondamentaux entre Al-Qaïda et l’EI : L’un est nettement plus radical que l’autre et c’est tout ce qui les sépare.

Le musulman, qu’il soit chiite ou sunnite, il peut avoir peur du Califat.

 

D’autant que si nier la sainteté du Coran ou des prophéties de Mahomet relève clairement de l’apostasie, Abou Moussab Al-Zarqaoui et l’organisation qu’il a créée estiment que de nombreux actes peuvent justifier d’exclure un musulman de l’islam, comme vendre de l’alcool et des drogues, porter des vêtements occidentaux, se raser la barbe ou encore voter lors d’une élection.

Et, par exemple, être chiite est aussi un motif d’exclusion, car l’EI estime que le chiisme est une innovation, or innover par rapport au Coran revient à nier sa perfection initiale !

Ainsi pas moins de 200 millions de chiites sont directement menacés de mort…

Les racines de tous les excès qui tuera le Califat.

Il en va de même pour tous les chefs d’État de tous les pays musulmans, qui ont élevé le droit des hommes au-dessus de la charia en se présentant à des élections ou en appliquant des lois qui ne viennent pas de Dieu…

 

Conformément à sa doctrine sur l’excommunication, l’EI s’engage à « purifier le monde » en exterminant de larges groupes de personnes.

Les publications sur les réseaux sociaux laissent penser que les exécutions individuelles se déroulent plus ou moins en continu et que des exécutions de masse sont organisées à quelques semaines d’intervalle.

Les « apostats » musulmans sont les victimes les plus nombreuses.

Il semble en revanche que les chrétiens qui ne résistent pas au nouveau pouvoir échappent à l’exécution automatique.

Abou Bakr Al-Baghdadi les laisse vivre tant qu’ils paient un impôt spécial, appelé « jizya », et qu’ils se soumettent.

 

Des siècles se sont écoulés depuis la fin des guerres de religion en Europe. Depuis, les hommes ont cessé de mourir en masse pour d’obscurs différends théologiques.

C’est peut-être pour cette raison que les Occidentaux ont accueilli la théologie et les pratiques de l’EI avec tant d’incrédulité et un tel déni.

 

De nombreuses organisations musulmanes traditionnelles sont même allées jusqu’à affirmer que l’EI était « contraire à l’islam ».

Elles devraient être plus virulentes à son égard, puisque l’organisation menace directement les fidèles !

Toutefois, les musulmans qui emploient cette expression sont souvent « embarrassés et politiquement corrects, avec une vision naïve de leur religion » qui néglige « ce qu’elle a impliqué, historiquement et juridiquement », suggère un chercheur de Princeton d’origine libanaise et expert de premier plan sur la théologie de l’EI.

 

Selon ce dernier, les rangs de l’EI sont profondément imprégnés d’ardeur religieuse. Les citations du Coran sont omniprésentes. Pour lui, l’argument selon lequel l’EI a déformé les textes de l’islam est grotesque et on ne peut le soutenir que par ignorance volontaire.

« Les gens veulent absoudre l’islam », explique-t-il, « d’où le mantra affirmant que ‘l’islam est une religion pacifique’. Comme s’il existait un ‘islam’ !

Ce qui compte, c’est ce que font les musulmans et comment ils interprètent leurs textes. Les membres de l’EI ont la même légitimité que n’importe qui d’autre. »

Tous les musulmans reconnaissent que les premières conquêtes de Mahomet ont été chaotiques et que les lois de la guerre transmises par le Coran et les récits sur le règne du Prophète étaient adaptées à son époque troublée et violente.

Ce chercheur estime que les combattants de l’EI représentent un authentique retour à un islam ancien et qu’ils reproduisent fidèlement ses pratiques guerrières. Cela englobe un certain nombre de pratiques que les musulmans modernes préfèrent ne pas reconnaître comme faisant partie intégrante de leurs textes sacrés.

 

« L’esclavage, la crucifixion et les décapitations ne sont pas des éléments que des(djihadistes) fous sélectionneraient dans la tradition médiévale », affirme-t-il.

Les combattants de l’EI sont « en plein dans la tradition médiévale et ils la transposent dans son intégralité à l’époque contemporaine ».

Le Coran précise que la crucifixion est l’une des seules sanctions permises contre les ennemis de l’islam.

La taxe imposée aux chrétiens est clairement légitimée par la sourate At-Tawbah, neuvième chapitre du Coran, qui intime aux musulmans de combattre les chrétiens et les juifs « jusqu’à ce qu’ils versent la capitation (la taxe) de leurs propres mains, après s’être humiliés ».

 

Lorsque l’EI a commencé à réduire des gens en esclavage, même certains de ses sympathisants ont renâclé.

Néanmoins, le califat a continué à pratiquer l’asservissement et la crucifixion.

« Nous conquerrons votre Rome, briserons vos croix et asservirons vos femmes », a promis Mohamed Al-Adnani, porte-parole de l’EI, dans l’un des messages qu’il a adressés à l’Occident.

« Si nous n’y parvenons pas, nos enfants et nos petits-enfants y parviendront. Et ils vendront vos fils sur le marché aux esclaves. »

Le dernier califat historique, c’est l’Empire Ottoman qui a connu son âge d’or au XVIèmesiècle, avant de subir un long déclin jusqu’à sa disparition en 1924.

De nombreux sympathisants de l’EI mettent en doute la légitimité de ce califat-là, car il n’appliquait pas intégralement la loi islamique, qui requiert lapidation, esclavage et amputations, et surtout parce que ses califes ne descendaient pas de la tribu du Prophète, les Quraychites.

Or, Abou Bakr Al-Baghdadi a longuement insisté sur l’importance du califat dans le sermon qu’il a prononcé à Mossoul. Il a expliqué que faire renaître l’institution du califat – qui n’a existé que de nom pendant environ mille ans – était une obligation commune.

Lui et ses fidèles se sont « empressés de déclarer le califat et de nommer un imam » à sa tête, a-t-il déclaré.

« C’est le devoir des musulmans, un devoir qui a été négligé pendant des siècles… Les musulmans commettent un péché en l’oubliant et ils doivent constamment chercher à l’établir. »

Comme Oussama Ben Laden avant lui, Abou Bakr Al-Baghdadi s’exprime avec emphase, utilisant de nombreuses allusions coraniques et en affichant une grande maîtrise de la rhétorique classique.

Mais contrairement à Ben Laden et aux faux califes de l’Empire ottoman, il est Quraychite !

 

Le califat n’est pas uniquement une entité politique mais également un véhicule du salut.

La propagande de l’EI relaie régulièrement les serments de « bay’a » (allégeance) des autres organisations djihadistes.

Et de pouvoir citer un proverbe attribué au Prophète selon lequel mourir sans avoir fait vœu d’allégeance revient à mourir « jahil » (ignorant) et donc à « mourir hors de la foi ».

 

Pour être calife, il faut en effet remplir les conditions précisées par le droit sunnite : Être un homme musulman adulte descendant de Quraych, manifester une probité morale, une intégrité physique et mentale, et faire preuve de « ’amr », c’est-à-dire d’autorité.

Ce dernier critère est le plus difficile à remplir et il exige que le calife ait un territoire sur lequel faire régner la loi islamique.

Voilà là seulement le point-clé de la guerre en Syrie et en Irak.

 

D’ailleurs, après le sermon d’Abou Bakr Al-Baghdadi, les djihadistes ont commencé à affluer quotidiennement en Syrie, plus motivés que jamais. Jürgen Todenhöfer, auteur allemand et ancienne figure politique qui s’est rendu dans les territoires contrôlés par l’EI en décembre 2014, a déclaré avoir vu affluer, en deux jours seulement, 100 combattants au poste de recrutement installé sur la frontière turque.

Tous considèrent le califat comme le seul gouvernement légitime des musulmans : C’est la logique des textes coraniques.

Le principal objectif politique est que l’EI reflète la loi de Dieu, la charia.

 

Avant le califat, « environ 85 % de la charia n’était pas appliquée. Ces lois étaient en suspens jusqu’à ce que nous ayons un khilafa (un califat), et c’est maintenant le cas ».

Depuis, sur son territoire, elles sont passées à 100 %.

Sans califat, par exemple, il n’y a pas d’obligation d’amputer les mains des voleurs pris en flagrant délit.

Avec l’établissement d’un califat, cette loi ainsi que toute une jurisprudence reprennent soudain vie et vigueur absolue.

Et en théorie, tous les musulmans sont obligés d’émigrer vers  le territoire où le calife applique ces lois.

 

Pour les « salafistes », la charia est mal comprise en raison de son application incomplète par des régimes comme l’Arabie Saoudite, qui décapite les meurtriers et ampute les mains des voleurs.

« Le problème c’est que des pays comme l’Arabie Saoudite appliquent uniquement le code pénal et ne mettent pas en œuvre la justice socio-économique de la charia. Et ils ne font qu’engendrer de la haine pour la loi islamique » en prétendent-ils !

Cet ensemble de mesures inclut la gratuité pour tous du logement, de la nourriture et des vêtements, même si tout le monde a bien sûr le droit de travailler pour s’enrichir.

 

L’EI applique peut-être des sanctions médiévales contre les crimes moraux, mais son programme d’aides sociales est, du moins à certains égards, suffisamment progressiste pour plaire à des commentateurs de la gauche occidentale.

Les soins de santé y sont gratuits.

Fournir des aides sociales n’est pas un choix politique, mais une obligation en vertu de la loi de Dieu.

Ceci expliquant cela.

 

On aura noté également que les pétromonarchies Wahhabites, dont est issu le « salafisme », font des donations somptueuses à leurs œuvres et fondations sociales partout autour du monde, à l’adresse de tous les musulmans.

On dit ici qu’il s’agit de financer des mosquées, et pas seulement.

C’est un devoir coranique, pas plus, pas moins !

Mais nous reviendrons sur ce point : Le Wahhabisme n’est pas le « salafisme » comme certains veulent en faire assimilation.

 

Par ailleurs, tous les musulmans s’accordent à reconnaître que Dieu est le seul à savoir de quoi sera fait l’avenir. Ils s’entendent aussi à dire qu’il nous en a offert un aperçu dans le Coran et les récits du Prophète.

L’EI s’écarte cependant de presque tous les autres mouvements djihadistes actuels car il pense être le personnage central des textes sacrés.

 

Oussama Ben Laden mentionnait rarement l’apocalypse et, quand c’était le cas, il semblait partir du principe qu’il serait mort depuis longtemps quand le glorieux châtiment divin se produirait enfin. « Ben Laden et Al-Zawahiri sont issus de familles sunnites appartenant à l’élite, qui méprisent ces spéculations et les voient comme une préoccupation des masses », affirme Will McCants, qui travaille pour la Brookings Institution et a écrit un livre sur la pensée apocalyptique de l’EI.

Or, pendant les dernières années de l’occupation américaine en Irak, les fondateurs directs de l’EI voyaient, au contraire, de nombreux signes de la fin des temps. Ils s’attendaient à l’arrivée sous un an du Mahdi, la figure messianique destinée à conduire les musulmans vers la victoire avant la fin du monde.

On y revient donc toujours et encore…

 

Pour certains croyants – ceux qui rêvent de batailles épiques entre le bien et le mal – les visions de massacres apocalyptiques répondent à un profond besoin psychologique.

Parmi les sympathisants de l’EI, certains aspects apocalyptiques n’ont pourtant pas encore le statut de doctrine.

D’autres éléments viennent de sources sunnites traditionnelles et apparaissent partout dans la propagande de l’EI.

Il s’agit notamment de la croyance qu’il n’y aura que 12 califes légitimes (Abou Bakr Al-Baghdadi étant le huitième), que les armées de Rome se rassembleront pour affronter les armées de l’islam dans le nord de la Syrie et que la grande bataille finale de l’islam contre un antimessie se déroulera à Jérusalem après une dernière période de conquête islamique.

 

L’EI accorde ainsi une importance cruciale à la ville syrienne de Dabiq, près d’Alep.

Il a nommé son magazine de propagande d’après elle et il a organisé de folles célébrations après avoir conquis (non sans mal) les plaines de Dabiq, qui sont inutiles d’un point de vue stratégique.

C’est ici, aurait déclaré le Prophète, que les armées de Rome installeront leur camp. Les armées de l’islam les y affronteront et Dabiq sera pour Rome l’équivalent de Waterloo.

 

Les propagandistes de l’EI se pâment à cette idée et sous-entendent constamment que cet événement se produira sous peu.

Le magazine de l’EI cite Abou Moussab Al-Zarqaoui, qui aurait déclaré : « L’étincelle a été allumée ici, en Irak, et sa chaleur continuera de s’intensifier jusqu’à brûler les armées des croisés à Dabiq. »

Maintenant qu’il s’est emparé de Dabiq, l’EI y attend l’arrivée d’une armée ennemie, dont la défaite déclenchera le compte à rebours précédant l’apocalypse.

« Nous enterrons le premier croisé américain à Dabiq et nous attendons avec impatience l’arrivée du reste de vos armées », a proclamé un bourreau masqué dans une vidéo de novembre 2014 montrant la tête tranchée de Peter Kassig, travailleur humanitaire qui était retenu en otage depuis 2013.

 

Après la bataille de Dabiq, le califat s’agrandira et ses armées pilleront Istanbul.

Certains pensent qu’il se lancera ensuite à la conquête de la Terre entière, même si pour d’autres il ne dépassera jamais le Bosphore.

Dajjal, un antimessie de la littérature musulmane apocalyptique, arrivera de la région du Khorasan, à l’est de l’Iran, et tuera un grand nombre des combattants du califat jusqu’à ce qu’il n’en reste que 5.000, piégés à Jérusalem.

Alors que Dajjal se préparera à les éliminer, Jésus – le deuxième Prophète le plus vénéré dans l’islam – reviendra sur Terre, transpercera Dajjal d’une lance et conduira les musulmans jusqu’à la victoire.

Ainsi, selon cette théorie, même les revers essuyés par l’EI n’ont pas d’importance.

Dieu a de toute façon ordonné d’avance la quasi-destruction de son peuple.

 

Désormais, l’EI doit mener une politique étrangère agressive maintenant qu’il est a fondé le califat.

Il a déjà entrepris le « djihad offensif », conformément à la charia, soit l’expansion par la force dans des pays qui ne sont pas gouvernés par des musulmans.

« Jusqu’à présent, nous ne faisions que nous défendre », déclare Anjem Choudary. Sans califat, le « djihad offensif » est un concept inapplicable.

En revanche, faire la guerre pour agrandir le califat est un devoir crucial du calife.

 

La loi islamique n’autorise que des traités de paix temporaires ne durant qu’une décennie.

De la même manière, accepter des frontières est anathème, comme l’a déclaré le Prophète et comme le répètent les vidéos de propagande de l’EI.

Si le calife consent à une paix à plus long terme ou à une frontière permanente, il sera dans l’erreur.

Les traités de paix temporaires sont renouvelables, mais ils ne peuvent s’appliquer à tous les ennemis en même temps : Le calife doit mener le djihad au moins une fois par an.

 

Il faut insister sur le fait que l’EI pourrait être paralysé par son radicalisme. Le système international moderne, né de la paix de Westphalie, en 1648, repose sur la disposition de chaque État à reconnaître des frontières, même à contrecœur.

D’autres organisations islamistes, comme les Frères musulmans et le Hamas, ont succombé aux flatteries de la démocratie et à la perspective d’une invitation au sein de la communauté des nations.

Pour l’EI, ce n’est pas envisageable : Ce serait une apostasie !

 

Il faudra s’y faire…

 

À suivre.

 

I3

Source : http://flibustier20260.blogspot.fr/2015/11/le-califat-de-lei-23.html

 


Le Califat de l’EI (1/3).

 

Un projet politique basé exclusivement sur le Coran

 

En 2012, je commençais l’écriture d’une fiction en vue de la mettre en ligne l’été suivant sur le précédent blog : « Parcours Olympiques ».

Le scénario imaginé prévoyait une attaque terroriste nucléaire sur Londres à l’occasion de la cérémonie d’ouverture des JO de la fin juillet.

Naturellement et comme d’habitude, les événements de l’année alors en cours, me donnaient quantité de « matière » à traiter.

 

C’est ainsi que je mis en scène, dès le post du 4 août 2013 une séquence que vous pourrez retrouver ici [Cliquez ->], où le pape d’alors, « JP II » a un dialogue avec son successeur, pas encore « B 16 ».

Je n’avais évidemment pas imaginé que ces informations séculaires relatives aux apocalypses vues par les différentes religions « révélées et monothéistes » auraient pu servir à un projet politique qui ensanglanterait les trottoirs de ma capitale à moi-même, celle de mon pays, celui que j’aime tant, les 7 & 9 janvier et 13 novembre 2015 !

Et pourtant, qu’on en juge :

 

« Les Israélites attendent le retour du prophète Élie. Prophète du IXème siècle avant notre ère, qui réalise de nombreux prodiges avant de s'envoler aux cieux dans un tourbillon.

Il est aussi, selon les prophètes bibliques, l'annonciateur du Messie à la fin des temps qui précède l’arrivée du Messie, l’envoyé qui restaurera Israël et restituera la Terre promise au peuple élu.

« D'après le Livre de Malachie, Élie reviendra avant le jugement dernier : « Voici, je vous enverrai Élie, le prophète, avant que le jour de l'Éternel arrive. » La tradition juive attend donc le retour d'Élie.

Je vous rappelle également le Livre de Malachie 3:23 : « Voici, je vous enverrai Élie, le prophète, avant que le jour de l'Éternel arrive, ce jour grand et redoutable » ! »

Il lui remémore qu’Élie, alors qu'il est en compagnie d'Élisée, est enlevé au ciel dans un tourbillon. Après sa disparition, Élisée lui succédera.

« Selon la sainte Évangile de Jean, on rapporte que les pharisiens demandent à Jean le Baptiste ceci : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n'es pas le Christ ni Élie, ni le prophète ? ». »

Les deux hommes savent que les évangiles soulèvent la difficile question de l'identité Jean le Baptiste/Élie.

Affirmée par Jésus : « Et lui, si vous voulez bien le comprendre, il est cet Élie qui doit venir», cette identité est déniée par Jean le Baptiste lui-même : « Qu'es-tu donc ? Lui demandèrent-ils. Es-tu Élie ? Il dit : Je ne le suis pas. ».

« Pour nous chrétiens, Jean le Baptiste désigne Jésus comme le messie et lui fait offrande de ses disciples. »

 

La fin des temps était proche et Jésus, fils du Créateur de l’univers, s’incarne en homme pour répandre la bonne nouvelle, celle que tous les hommes, et pas seulement ceux du peuple élu, sont appelés au royaume des cieux !

C’est le fondement de l’universalisme de la Parole du Christ.

 

« Chez les musulmans, ils attendent l'avènement du Mahdi, annoncé par le même prophète et comme dans nos traditions apocalyptiques issues notamment des évangélistes Jean mais aussi de Matthieu, le retour du Christ est précédée de celle de l’Antéchrist.

Elle apparaît dans les épîtres de Jean – d'abord essentiellement sous une forme plurielle – mais puise ses origines dans la notion d'antimessie déjà présente dans le judaïsme. »

Encore que, on peut lister divers signes qui précéderont ces temps :

L'esclave enfantera sa maîtresse ;

Les bergers construiront des gratte-ciel (hadith n° 102 du sahih muslim) ;

Les distances seront courtes ;

Les hommes iront sur des selles qui ne sont pas des selles ;

Les responsabilités seront accordées aux incompétents ;

La sexualité sortira du cercle de la famille ;

L'usure se propagera ;

Les croyants boiront de l'alcool ;

Les hommes s'habilleront avec de la soie ;

Les langages odieux – orduriers – seront répandus ;

Les liens familiaux seront rompus ;

Les séismes seront fréquents ;

L'acharnement des nations à l'encontre des musulmans sera constant ;

Les objets et les animaux parleront ;

Les imbéciles prendront la parole en public.

 

« Et c’est bien tout ce qu’on peut dire de notre monde très contemporain, finalement. Quoiqu’on puisse poursuivre et citer le développement du commerce, la coloration des cheveux pour apparaître jeune, le non-respect des commandements religieux, l’avarice. Les hommes obéiront aux femmes et désobéiront à leur mère. L'homme éloignera son père et favorisera son ami, le commandement des nations sera le fait des plus vils, les forces de police seront démultipliées, la corruption sera omniprésente, le sang humain sera déconsidéré, et la femme partagera avec l'homme le travail et le commerce.

Une description parfaite de nos sociétés contemporaines qui date pourtant de plusieurs siècles… »

 

« Mon cher Joseph, vous me faites penser à la prophétie de Jean de Jérusalem, écrite il y a bientôt dix siècles ! ».

Ne serait-ce pas un canular monté de toute pièce par des ex-agents du KGB ou d’une autre secte ?

« Pas du tout. Je vous ferai porter l’unique des trois manuscrits originels encore en notre possession, dans les archives de la cité vaticane… Un second est sous la garde de l’Ordre de Malte. Quant au troisième, on en avait justement perdu la trace…

Il a pu être retrouvé, traduit et diffusé par ceux que vous dites. »

 

Joseph Ratzinger poursuit : « Il ne s’agit-là que des signes mineurs signalé par le Coran de la venue de la fin des temps, très Saint-Père. »

Ah oui, les « signes majeurs » : L’agression de Gog et Magog ravageant une bonne partie du Proche-Orient. Il s’agit du mythe biblique, qui se voit aussi repris dans le Coran.

Les hadiths en donnent des descriptions de parfaits sauvages, à mi-chemin entre humains et animaux.

« Le soleil se lèvera de l'ouest. La Bête arrivera : Et quand la Parole tombera sur eux, nous leur ferons sortir de terre une bête qui leur parlera ».

 

Abdullah ibn 'Amr aura rapporté que : « Je me suis engagé à mémoriser un hadith du messager de Dieu et je ne l'ai pas oublié après l'avoir entendu dire : "Le premier signe(annonciateur de l'apparition du Dajjal – l'Antéchrist) sera l'apparition du soleil à l'Ouest, et dans la matinée l'apparition de la Bête Ad Dābba, parfois dénommée comme l’espionne. Et lorsque le premier des deux (signes) arrivera, le second le suivra immédiatement après", rapporte par Muslim (n° 7025).

« Ad Dābba » sera en mesure de parler et marquera les visages des gens, mettant sur le front des croyants une lumière qui illuminera leurs visages, et mettant sur le nez des non-croyants une marque qui assombrira leurs visages. » »

 

Enfin la fumée (ou le Doukhane) : « Après la mort d'Issa qui régnera de longues années sur la Terre après avoir vaincu le faux messie, un gaz (ou fumée) envahira l'intégralité de la surface de la planète et emportera dans la mort sans les faire souffrir les derniers croyants. Seuls les gens n'ayant pas la moindre particule de foi en Dieu dans leur cœur ne seront épargnés. Ils vivront alors la fin des hommes, survivant nus, se dévorant entre eux, se comportant comme des bêtes, copulant en pleine rue sans distinguer leur mère de leur sœur ou de leur fils. L'air sera irrespirable et la planète inhabitable et hostile. »

Les experts du GIEC ne disent pas autre chose…

 

Et toujours de mémoire, il poursuit : « Viendra alors le temps du son de cor qui aplatira les montagnes et froissera la Terre. Alors sera venue l'heure du jugement dernier, où toutes les créatures d'Allah seront jugées et destinées au Paradis infini ou à l'enfer éternel. »

« Vous me faites frémir, Cardinal. A-t-on une description de leur antéchrist ? » demande le Saint-Père pensant à toutes ces horreurs que prédisent justement les experts du GIEC, de façon très actuelle…

Oui : « L'Antéchrist est borgne de l'œil droit, aux cheveux crépu et présentera aux gens un Paradis et un Enfer : Son Enfer sera un Paradis et son Paradis un Enfer ».»

 

Une fois le croyant convaincu de la portée et de la signification des textes sacrés de l’Islam, faisant les mêmes constats que nous-mêmes sur nous-mêmes que nous pouvons faire, il n’est dès lors pas bien difficile de faire des rapprochements significatifs : Oui, pour l’esprit sommaire et embrigadé, la fin des temps approche, le règne d’Allah va arriver incessamment sous peu sur la terre entière et il convient de le précipiter !

 

Car qu’est-ce que l’État islamique (EI, Daech en arabe) ?

D’où vient cette organisation et quelles sont ses intentions ?

La simplicité de ces questions peut être trompeuse, et rares sont les dirigeants occidentaux qui connaissent les réponses.

En décembre 2014, alors que mes « posts » avaient 16 mois, le New York Times publiait encore des remarques confidentielles du général Michael K. Nagata, commandant des opérations spéciales pour les États-Unis au Moyen-Orient, qui admettait être encore très loin de comprendre l’attrait exercé par l’État islamique.

« Nous ne comprenons pas cette idéologie. »

Elle est pourtant si simple que j’ai pu, à partir d’elle, mettre en scène « Ahmed-le-Diabolique » qui ira convoyer une charge nucléaire artisanale jusqu’au-dessus de la Manche en juillet 2012, après mille tribulations où il croise notamment Mohamed Merah qu’il va transformer en « plastron » pour brouiller sa piste.

Souvenez-vous, Montauban déjà, puis de Toulouse comme autant de faux-nez de son djihad à lui…

À lire et relire ici et les 3 chapitres suivants.

 

Daech c’est l’organisation qui s’est emparée de Mossoul, en Irak, en juin 2014 et règne déjà sur une zone plus vaste que le Royaume-Uni. À sa tête depuis mai 2010, Abou Bakr Al-Baghdadi, qui est monté le 5 juillet 2014 à la chaire de la Grande Mosquée Al-Nour, à Mossoul, en se présentant comme le premier « vrai » calife depuis des générations.

Il s’en est suivi un afflux mondial de djihadistes, d’une rapidité et dans des proportions sans précédent.

Et pour cause, sachant ce que nous venons de dire !

 

Et nos lacunes sur le Califat sont d’une certaine façon compréhensibles : L’organisation a fondé un royaume isolé et peu de gens en sont revenus. Abou Bakr Al-Baghdadi ne s’est exprimé qu’une seule fois devant une caméra.

Mais son discours ainsi que d’innombrables vidéos et brochures de propagande de l’EI sont accessibles sur Internet et les sympathisants du califat se sont donnés beaucoup de mal pour faire connaître leur projet.

Nous avons mal compris la nature de l’EI pour deux raisons.

Tout d’abord, nous avons tendance à appliquer la logique d’Al-Qaïda, dont je me suis inspiré pour le roman de l’été 2013 (« Parcours Olympiques ») à une organisation qui l’a clairement éclipsé.

Al-Qaïda avait et a toujours un projet millénariste, se fondant sur une lecture authentique du Coran et de quelques autres textes, comme la Prophétie de Jean de Jérusalem (dont vous trouverez reprise -> ici et les deux chapitres suivants) datant de 1099, qui donne la même description de notre monde contemporain de « l’an mil qui vient après l’an mil ».

Et le troisième millénaire a commencé par le 11 septembre 2001 et ses attentats monstrueux : Pas que l’effet du simple hasard, n’est-ce pas !

 

Mais le djihadisme a évolué depuis l’âge d’or d’Al-Qaida (de 1998 à 2003) et nombreux sont les djihadistes qui méprisent les priorités et les dirigeants actuels de l’organisation.

Oussama Ben Laden considérait d’ailleurs le terrorisme comme un prologue au califat, qu’il ne pensait pas connaître de son vivant.

Alors que son organisation était informelle, constituée d’un réseau diffus de cellules autonomes, le Califat, au contraire, a besoin d’un territoire pour asseoir sa légitimité, ainsi que d’une structure hiérarchisée pour y régner.

Désormais, il bat monnaie, lève l'impôt, s'appuie sur une administration et applique sa loi et celle de ses ministères exactement comme n’importe quel autre pays, sur son territoire, à l’image même du Vatican, autre théocratie-vivante du monde moderne.

Sauf que le Vatican use de l’Euro, récolte le denier de Saint-Pierre, mais bat des médailles commémoratives et émet ses timbres-postaux.

 

En second lieu, nous avons été induits en erreur à cause d’une campagne bien intentionnée mais de mauvaise foi visant à nier la nature religieuse médiévale du Califat.

Et le leader d’Al-Qaïda était un produit du monde laïc moderne, musulman sunnite, mais laïc.

Ben Laden a organisé la terreur sous la forme d’une entreprise comptant des franchises toujours actives.

Il exigeait des concessions politiques précises, comme le retrait des troupes américaines d’Arabie Saoudite arrivées avec l’opération « Bouclier du désert » en 1990 et les prémisses de la première guerre d’Irak, à l’appel justement de la monarchie saoudienne, qui aurait trahi les « lieux-saints » dont il était citoyen.

Souvenons-nous que le dernier jour de sa vie, Mohamed Atta, l’un des responsables des attentats du 11 septembre 2001, a fait des courses à Walmart et dîné à Pizza Hut… Pas du tout à prier ou en méditation dans une mosquée, ni même à se shooter au captagon.

 

Il serait même logique de reprendre ces observations – les djihadistes sont issus du monde laïc moderne, avec des préoccupations politiques de leur temps, mais déguisés avec des habits religieux – pour l’appliquer à l’EI.

Or, pas seulement et beaucoup de ses actions paraissent insensées si on ne les envisage pas à la lumière d’une détermination sincère à faire revenir la civilisation à un régime juridique du VIIème siècle et à la Charia d’origine, et à faire advenir, à terme, l’apocalypse, le moment de révélation divine portée par l’Islam.

C’est le seul lien rationnel possible pour expliquer ces actions et les événements générés depuis.

 

La vérité est que l’EI est islamique. Très islamique. Totalement islamique. D’un Islam originel.

Et jusqu’à l’hérésie en disent mes potes musulmans (moi qui, en bon papiste-natif, pensais que l’hérésie n’était que Cathare ou Huguenote…).

Certes, le mouvement a attiré des psychopathes et des gens en quête d’aventures, souvent issus des populations défavorisées du Moyen-Orient et d’Europe. Mais la religion que prêchent les plus fervents partisans de l’EI est issue d’interprétations cohérentes et même très instruites de l’islam vivant.

 

Presque chaque grande décision ou loi proclamée par le Califat obéit à ce qu’il appelle la « méthodologie prophétique » qui implique de suivre la prophétie et l’exemple de Mahomet à la lettre.

Les musulmans peuvent rejeter l’EI, comme le fait l’écrasante majorité d’entre eux, qui sont eux-mêmes menacés par le Califat jusque dans leur propre vie et qualité de musulman : C’est un ennemi, comme on va le voir.

Et prétendre que ce n’est pas une organisation religieuse millénariste dont la théologie doit être comprise pour être combattue a déjà conduit les États-Unis et l’occident à sous-estimer l’organisation et à soutenir des plans mal pensés pour la contrer.

Alors, nous devrions apprendre à mieux connaître la généalogie intellectuelle de l’EI si nous voulons réagir non pas de façon à le rendre plus fort, mais plutôt de façon à faire qu’il s’immole lui-même dans un excès de zèle.

 

Notez que je ne suis pas bien sûr d’être le mieux placé pour le dire, mais je vais quand même tenter de vous éclairer, au moins un petit peu, pour avoir eu un peu d’avance.

Nous allons donc y revenir, plusieurs jours, par petite touche, pour être le plus clair possible, afin de mieux comprendre…

À demain !

I3

 

Source :

http://flibustier20260.blogspot.fr/2015/11/le-califat-de-lei-13.html

 


Comment l’Islam avait vaincu le terrorisme (III)

 

PARTIE III 

 

Les mesures d’urgence que notre diplomatie peut prendre pour commencer à combattre le terrorisme au lieu de continuer à le nourrir 

 

L’Iran

Dans l’hérésie wahhabite, les chiites ne sont pas considérés comme des musulmans. Nous n’avons pas oublié que l’Iran, pour punir notre soutien à l’Irak contre laquelle elle a mené une guerre impitoyable de 1980 à 1988, a déclenché une vague d’attentats en 1988 à Paris (attentats du Claridge et de la rue de Rennes). L’Iran a donc pratiqué le terrorisme contre nous. Mais ce pays, héritier de la civilisation perse dans laquelle l’islam des Abbassides a su habilement se fondre, n’est pas en soi un État fondé sur la terreur contrairement à l’Arabie saoudite.

La situation a bien changé aujourd’hui car le pays légal irakien est à dominante chiite et l’Iran n’est plus acculée à recourir au terrorisme comme dans les années 80.

L’accord de Vienne sur le nucléaire iranien est une chance unique qu’il faut saisir pour prendre l’État islamique en tenaille entre la coalition qui doit se constituer à l’Ouest autour de la Syrie, comprenant les milices chiites du Hezbollah, et l’armée irakienne soutenue par les milices chiites à l’Est.

Charge à la communauté internationale de veiller à ce que une fois la victoire remportée, les droits des tribus sunnites de l’Est irakien qui se sont ralliées à l’État islamique en réaction à l’impéritie et au sectarisme du Premier ministre irakien Nouri Kamal al-Maliki soient respectés et que les Irakiens se mettent d’accord sur une autonomie, voire une sécession qui garantisse à la minorité sunnite de ne plus être opprimée par la majorité chiite, ce que l’Iran est tout à fait prête à comprendre aujourd’hui.

La Syrie

La Syrie historique, Bilad-al-Cham, comprenait la Syrie d’aujourd’hui, l’Irak, la Jordanie, le Liban et la Palestine. La Syrie actuelle est issue des accords Sykes-Picot qui imposèrent le mandat français à ce territoire jusqu’à l’indépendance en 1946.

Nous avons donc en Syrie des responsabilités historiques, que le régime de Damas nous plaise ou non. Dans l’état actuel des choses, tout changement par un renversement au sommet de l’État syrien serait nécessairement une victoire non pour le camp de la démocratie mais pour celui du terrorisme wahhabite.

Les frappes russes contre les positions dites rebelles et qui menacent directement Damas, contrairement aux positions de l’État islamique qui se trouvent dans la profondeur syrienne, n’ont pas permis de desserrer l’étau.

Il est à craindre que tant que ces groupes continueront à être armés puissamment par les Américains au moyen des systèmes d’armes les plus élaborés, le front ne bougera pas. La seule solution militaire est donc de mettre en place une coalition unique incluant le pays agressé, la Syrie et son président légitime. La question de la transition politique ne pourra sérieusement être posée qu’une fois la paix revenue.

Le Liban

Aucun journaliste français n’a fait le rapprochement mais les fusillades de Paris ont été précédées la veille, 12 novembre, de deux attentats-suicides, au mode opératoire comparable à ceux de Paris, qui ont frappé au sud de Beyrouth le quartier chiite de Burj El Barajneh présenté chez nous comme un « fief » du Hezbollah. Ces attentats-suicides revendiqués par l’État islamique ont fait 41 morts et 200 blessés.

Le but des kamikazes était de perturber la reprise des travaux de l’Assemblée nationale, dont la présidence, selon les termes de la Constitution libanaise (imposée par la France au terme de son mandat sur le Liban), est dévolue à un chiite.

Un quartier chiite ? Mais quel est donc le rapport avec la France ? Le Hezbollah, que le quai d’Orsay persiste à présenter comme une organisation terroriste, est aujourd’hui allié aux chrétiens du général Michel Aoun, donc aux « croisés » dans la rhétorique de l’État islamique.

Depuis septembre 2015, l’Arabie saoudite préside la commission des Droits de l’homme de l’ONU. Les saoudiens utilisent ce statut par le truchement de leurs organisations humanitaires pour pénétrer dans les camps de réfugiés et prendre des mesures discriminatoires pour tous ceux qui ne sont pas de leur obédience (on sait que l’aide aux réfugiés est sélective et que les chrétiens et les chiites ne sont pas toujours logés à la même enseigne que les sunnites).

Dans un pays, qui accueille près de deux millions de réfugiés syriens sur 6 millions d’habitants, l’Arabie saoudite entend transformer les camps, en instruments de déstabilisation du Liban afin qu’il bascule dans la nouvelle « fitna » qui sévit actuellement au Proche-Orient.

La France, membre du Conseil de sécurité doit se souvenir de ses devoirs à l’égard du Liban et s’élever à l’ONU contre ces pratiques.

Israël

On sait ce que notre hostilité à l’égard de la Syrie et de l’Iran fut le lot ces dernières années d’une complaisance à l’égard de la politique de M. Netanyahou qui prétend défendre les intérêts israéliens en attisant les foyers de discorde entre musulmans selon le principe divide ut imperare à la mode chez les néo-conservateurs américains. Il convient que la France profite des velléités de rapprochement entre la Russie et Israël sur la question syrienne pour adopter une politique plus équilibrée.

L’Algérie 

Les Français se souviennent-ils que les massacres de chrétiens perpétrés dans les années 1860 à Damas  ne furent pas seulement arrêtés par l’envoi de troupes françaises dans ce que Napoléon III qualifiera lui-même de « guerre humanitaire » (sans doute la première du genre) mais aussi et surtout grâce à médiation du héros absolu du nationalisme algérien, l’émir Abd el-Kader ?

Cet exemple, parmi d’autres, doit nous rappeler que les Franco-Algériens ne représentent pas pour la plupart une menace mais au contraire une force. Si dans ce combat contre le terrorisme nous devons faire toute la place aux nombreux Franco-Algériens qui résident sur notre territoire c’est parce qu’ils ont une expérience irremplaçable de la guerre civile, qui se déroula en Algérie dans les années 90 et fit 200 000 morts.

Cette guerre contre le FIS et son bras armé, le GIA, n’a pas été gagnée par l’armée algérienne mais par des milices de patriotes qui furent alors armées par le gouvernement.

Le réseau Kelkal qui commit des attentats commandités par le GIA sur notre sol est une exception. La grande majorité des Franco-Algériens, qui ont connu la guerre civile en Algérie, sont loin d’avoir exporter le terrorisme chez nous et en sont au contraire les plus farouches contempteurs, en connaissance de cause. Les terroristes se recrutent essentiellement chez les Français d’origine algérienne nés sur notre sol.

Gageons que si nous ne gagnons pas la guerre en Syrie et en Irak et que la guerre civile éclate en France, le concours des Franco-Algériens patriotes sera décisif.

Le Maroc

En matière de lutte contre l’intégrisme, nous oublions trop souvent que nous avons un partenaire fidèle avec le royaume chérifien.

Le Maroc est un pays berbère qui a conquis l’Espagne comme nous le rappelle le rocher de Gibraltar qui vient de l’arabe djebel Tariq, « la montagne de Tariq », du chef berbère Tariq ibn Ziyad qui franchit le détroit à la tête des premières troupes musulmanes. Le Maroc est un royaume ancestral qui ne fut jamais soumis par les Ottomans.

L’isolement diplomatique et les critiques que lui valent dans le Golfe sa proximité avec l’Occident et sa tolérance religieuse, qui en fait le pays oriental où les juifs sont le plus en sûreté, l’a conduit récemment comme pour faire amende honorable à se laisser entraîner dans la coalition « arabe » contre le Yémen.

C’est un signe de fragilité et notre responsabilité est de conforter le Maroc dans ses options occidentalistes en ne nous contentant pas de l’utiliser comme base arrière pour nos centres d’appel ou nos retraités.

Il convient également que nos imams y soient formés. Nous ne pouvons faire confiance à cette institution archaïque qu’est le CFCM (conseil français du culte musulman), inspirée par le consistoire que Bonaparte avait conçu pour contrôler la communauté juive, et qui est scandaleusement dominé par l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), émanation des frères musulmans.

La Tunisie

La Tunisie que nous avons déstabilisée au moment des « printemps arabes » reste le pays le plus proche de nos convictions sur la laïcité. Il doit donc demeurer un partenaire privilégié. L’urgence est la défense de son flanc sud incontrôlable depuis la chute de Kadhafi et que le renforcement de notre coopération avec le Tchad doit contribuer à sécuriser.

Le Tchad

Le Tchad est le seul pays d’Afrique subsaharienne qui depuis la chute de Khadafi ait conservé des capacités opérationnelles, qui lui permettent d’être à nos côtés dans le combat contre les bandes wahhabites qui opèrent du Sinaï à la Mauritanie.

C’est largement grâce à l’efficacité de l’armée tchadienne et à nos bases en territoire tchadien que nous avons pu prolonger les opérations Épervier et Serval en opération Barkhane qui vise à lutter contre les groupes armés wahhabites dans toute la bande saharienne. Ce dispositif doit être renforcé par la communauté internationale car nous ne disposons pour l’instant que de 3000 hommes dans cette zone livrée à toutes les turbulences.

Voilà peut-être un terrain où l’aide européenne que notre Président de la république vient de solliciter dans son discours du 16 novembre devant le Congrès serait la bienvenue. Cette aide sera vraisemblablement financière mais on pourrait aussi imaginer aussi que pour tenter de contrôler les immenses zone saharienne et sahélienne, qui est la clé des flux migratoires en Europe, que des troupes anglaises, italiennes, voire allemandes se déploient pour prêter main forte aux armées tchadienne et française.

Libye

La presse française s’est bien gardée de commenter la surprenante décision du Conseil suprême des tribus de Libye qui, le 14 septembre 2015, a désigné Seif al-Islam Kadhafi comme son représentant légal. Oui, vous avez bien lu. Un des fils du colonel, lynché avec notre complicité, est désormais le seul représentant crédible de la Libye réelle.

Cette nouvelle est insupportable pour nos oligarchies car elle rappelle que la Libye ne saurait retrouver une stabilité que si la communauté internationale reconnaît sa diversité tribale incarnée dans la longue durée par ses deux pôles, la Cyrénaïque à l’Est et la Tripolitaine à l’Ouest.

Seif al-Islam est actuellement « détenu » par les milices de Zenten qui contrairement à ce qu’affirment nos journalistes hébétés par le chaos lybien ne sont pas composées d’Arabes mais de Berbères. Comme le précise l’africaniste Bernard Lugan, Zenten est « un nom berbère puisqu’il s’agit de la déformation de Z’nata ou Zénète, l’une des principales composantes du peuple amazigh. Cette « tribu » berbère arabophone occupe une partie du djebel (Adrar en berbère) Nefusa, autour de la ville de Zenten. »

Seif al-Islam, le fils que le colonel Kadhafi avait choisi pour lui succéder y est traité avec tous les égards dû au rang qu’occupait son père.

Le samedi 14 novembre 2015, l’Amérique a bombardé pour la première fois l’État islamique en Libye, lequel est essentiellement implanté à Syrte en Tripolitaine, qui fut le foyer de la colonisation grecque dans l’Antiquité.

Ce bombardement aveugle en violation des lois internationales et aussi inutile que les mêmes frappes de l’Amérique en Syrie et témoigne d’un souverain mépris pour les réalités lybiennes. Si l’on veut espérer un jour mettre un terme au chaos lybien, il ne faut pas raisonner en fonction des groupes terroristes qui se sont infiltrés dans ce pays mais des alliances ou confédérations de tribus appelées çoff en arabe dialectal lybien.

Nous devons nous souvenir que le colonel Kadhafi a tenu son pouvoir de l’équilibre qu’il avait su instaurer entre les trois grands çoff libyens, à savoir, comme le précise Bernard Lugan, qui vient de publier une Histoire de la Libye, « la confédération Sa’adi de Cyrénaïque, la confédération Saff al-Bahar  du nord de la Tripolitaine et la confédération Awlad Sulayman de Tripolitaine orientale et du Fezzan à laquelle appartiennent les Kadhafda, sa tribu. De plus, à travers sa personne, étaient associées par le sang la confédération Sa’adi et celle des Awlad Sulayman car il avait épousé une Firkèche, un sous clan de la tribu royale des Barassa. Son fils Seif al-Islam se rattachant donc à la fois aux Awlad Sulayman par son père et aux Sa’adi par sa mère, il peut donc, à travers sa personne, reconstituer l’ordre institutionnel libyen démantelé par la guerre franco-otanienne.

Aujourd’hui, les alliances tribales constituées par le colonel Kadhafi ont explosé ; là est l’explication principale de la situation chaotique que connaît le pays. En conséquence de quoi, soit l’anarchie actuelle perdure et les islamistes prendront le pouvoir en Libye, soit les trois confédérations renouent des liens entre elles. Or, c’est ce qu’elles viennent de faire en tentant de faire comprendre à la « communauté internationale » que la solution passe par les tribus… Certes, mais la Turquie et le Qatar veulent la constitution d’un État islamique et la justice internationale a émis un mandat d’arrêt contre Seif al-Islam… »

La France, qui compte parmi ses libérateurs la colonne Leclerc partie du Fezzan, doit mettre entre parenthèse sa vision jacobine de la reconstruction de la Libye si elle veut s’appuyer à nouveau sur ce pays pour combattre le terrorisme, au sol, dans le Sahara.

L’Égypte

L’Égypte qui nous doit le canal de Suez, semble vouloir renouer avec une amitié traditionnelle avec la France dont Méhémet-Ali fut un des plus ardents promoteurs. Même si notre presse semblait avoir plus de tendresse pour la rhétorique démocratique des frères musulmans, il n’en est pas moins vrai que l’Égypte a toujours été dirigée depuis la régence mamelouk par des militaires.

La France au lieu de s’occuper, une fois encore de la forme du régime de cet allié objectif dans la « guerre » qu’elle affirme vouloir mener contre le terrorisme a tout à gagner à aider l’Égypte d’Al-Sissi, d’abord à reprendre le contrôle de Sinaï et, ensuite à prendre toute la part qui lui revient dans la coalition anti-terroriste en Syrie (Souvenons-nous que l’Égypte et la Syrie n’ont formé qu’un seul pays entre 1958 et 1961 sous le nom de République arabe unie).

Le Mali 

La lutte contre le wahhabisme au Mali ne sera efficace dans la durée que si le gouvernement malien accepte de dialoguer avec le MNLA (Mouvement National pour la Libération de l’Azawad) qui réclame légitimement à l’indépendance de l’Azawad, zone majoritairement Touareg du Nord-Mali.

Les tribus Touaregs, alliées de la France depuis le XIXe siècle et qui furent les auxiliaires fidèles de l’homme du désert qu’était Mouammar Khadafi, avaient libéré le Nord-Mali au début de l’année 2012 et proclamé son indépendance à Kidal le 6 avril 2012 avant d’être débordées par des groupes terroristes venus d’Algérie, achetés et supérieurement armés par les puissances étrangères que l’on sait.

La France ne gardera le contrôle sur cette zone que si elle impose au gouvernement malien une solution politique qui cesse d’exclure nos alliés touaregs dans la région.

Le président François Hollande a prononcé un discours ce lundi 16 novembre sur les mesure à prendre pour contrer le terrorisme. Nous nous garderons de les commenter car quelle que soient l’ampleur des énièmes dispositions proposées, il tombe sous le sens que s’obstiner à écoper la voie d’eau ouverte par le terrorisme en gesticulant à contretemps sans fermer le robinet qui l’alimente sera un nouveau coup d’épée dans l’eau. L’histoire et la géopolitique que nos classes politiques et médiatiques s’acharnent à proscrire au motif qu’elles ne sont pas philanthropiques doivent reprendre leur place dans l’art du gouvernement sans quoi au lieu de faire reculer le terrorisme nos pseudo-élites continueront à nourrir son cercle vicieux.

Cet article est l’adaptation d’une chronique datant de 1997, intitulée, « Le poids des photos, le choc des civilisations » et publié dans notre recueil de chroniques des années 90 Tout est culture en octobre 2015 aux éditons Les Belles Lettres.

Source :

http://www.contrepoints.org/wp-content/uploads/2014/07/Islam-credits-zbigphotpgraphy-licence-creative-commons.jpg

 

PARTIE I : Le wahhabisme, pseudo-salafisme, qui arme le terrorisme dit islamiste, est une hérésie.

PARTIE II : Comment nous avons remis en selle le terrorisme en Arabie

PARTIE III : Les mesures d’urgence que notre diplomatie peut prendre pour commencer à combattre le terrorisme au lieu de continuer à le nourrir 

 

 


Comment l’Islam avait vaincu le terrorisme (II)

 

PARTIE II

 

Comment nous avons remis en selle le terrorisme en Arabie

 

L’empire britannique, qui souhaitait voir le départ du « vieil homme malade de l’Europe » de la péninsule arabique, repris la stratégie que Bonaparte avait esquissé avec Lascaris. On connaît les exploits du colonel Lawrence qui n’est pas un loup aussi solitaire qu’entend nous le faire croire le fameux film de David Lean.

Chassé par la lignée vassale des Al-Rachid alliée aux Turcs, Le prince de la dynastie wahhabite de Riyad, Abdelaziz ben Abderrahman ben Fayçal Al-Saoud avait grandi en exil à la cour du Koweït. Âgé seulement de 22 ans il se proclama roi du Nedjd et Imam des Wahhabites en 1904. Il reprit Riyad puis tout le Nedjd entre 1902 et 1912.

On se souvient de la scène du film de David Lean, Lawrence d’Arabie où l’on voit les cavaliers arabes conquérir par une charge de cavalerie éclair le port d’Aqaba en venant de la terre alors que les canons turc sont tournés vers la mer. Or, ces fougueux cavaliers bédouins ne sont pas saoudiens. Connus en Occident sous le nom incongru de “légion arabe”, ce sont des hachémites commandés par Fayçal ibn Hussein, un des fils d’Hussein ibn Ali, chérif de La Mecque.

Ils représentent donc l’orthodoxie sunnite et non pas l’hérésie wahhabite. Le projet d’Hussein était de créer un royaume arabe unifié qui engloberait le Hedjaz, la Jordanie, l’Irak et le Syrie. Lawrence s’opposa à ce projet au motif que la couronne britannique avait besoin de morceler le Moyen-Orient pour mieux régner sur la région et protéger la route des Indes.

L’Occident réactiva une fois de plus la fitna, mais cette fois-ci entre Arabes, et remit en selle Al-Saoud à qui on promit toute la péninsule arabique. Il chassa définitivement les chérifiens de la Mecque avec la bénédiction des Britanniques. En 1920, Damas ayant été reprise aux hachémites par une colonne française et la Grande-Bretagne ayant reçu un mandat de la SDN pour administrer l’Irak, il ne resta plus pour Hussein que le lot de consolation de la Jordanie.

En 1925, les insatiables compagnons d’Abdelaziz Ibn Saoud, ayant désormais les mains libres, se livrèrent à de nouvelles destructions dans les villes saintes. À La Mecque, ils démolirent les tombes de la famille du prophète Mahomet ; à Médine ils poursuivent la profanation des mausolées des premiers chefs chiites (ces ravages sont commémorés annuellement encore aujourd’hui par les chiites, qui, contrairement à nos professeurs d’histoire des civilisations, n’ont pas la mémoire courte).

Ibn Saoud se fera couronner roi d’Arabie à La Mecque en 1926 après avoir envahi le royaume du Hedjaz fondé par les hachémites en 1918 et avant d’établir celui du Nedjd en mai 1927, qu’il réunit le  22 septembre 1932 pour créer le troisième Royaume d’Arabie saoudite.

Mais ce qui va assurer un pouvoir définitif à la théocratie saoudienne c’est l’alliance avec la plus grande puissance de la civilisation occidentale, l’Amérique. Les gisements pétrolifère d’Arabie ont commencé à être exploités partir de mars 1938 et la Seconde Guerre mondiale ne tardera pas à faire comprendre à nos stratèges qu’une guerre moderne ne se gagne pas sans le contrôle des puits de pétrole.

Acte fondateur de l’alliance entre le puritanisme américain et l’intégrisme saoudien, le pacte, « pétrole contre protection » signé le 14 février 1945 sur le porte-avion Quincy entre Roosevelt et Ibn Séoud garantit la stabilité et la protection militaire à la monarchie saoudienne en échange d’un approvisionnement en pétrole de l’Amérique à travers le monopole de la société Aramco (Arabian American Oil Company).

Ce pacte était valable pour soixante ans. Il a été renouvelé en 2005. La manne pétrolière permet aux Saouds de financer la propagande en faveur du wahhabisme, sous ses différentes formes dites aujourd’hui “salafistes” pour ne pas nommer la maison-mère (de même qu’on appelle nazis, les nationaux-socialistes pour garder immaculé le mot socialistes). Le but avoué des Saouds est d’imposer le wahhabisme d’abord à l’ensemble des nations musulmanes et ensuite au monde entier.

De nombreux musulmans sont ébranlés par le flots d’images déversé par les sites internet et les télévisions wahhabites et ne font plus la différence entre le bon grain ou l’ivraie, entre l’hérésie et l’orthodoxie. Les mosquées se multiplient alors qu’un musulman orthodoxe n’a pas besoin de mosquée, ni d’autre médiation entre Dieu et lui. La prière musulmane se pratique avec sincérité et surtout sans ostentation.

Le seul pacte du Quincy ruine les élucubrations du professeur Huntington car il s’agit bien non pas d’un choc de civilisation mais d’une alliance de civilisation entre une puissance occidentale et une puissance orientale qui donne le ton de la géopolitique au Proche-Orient. Tant que la France reste dans l’orbe de cette alliance au Levant, elle ne peut prétendre sérieusement conduire une « guerre ».

On ne fait pas la guerre à des groupes armés mais à des États-nations. Nous ferons grâce au lecteur d’un rappel des conditions du développement du terrorisme « islamiste » dans les années 80 pour l’instrumentaliser contre le communisme soviétique. Ces faits sont connus. L’intégrisme n’est donc pas un phénomène interne à l’islam mais suscité de l’extérieur par des puissances étrangères à l’islam orthodoxe. Le fait que le wahhabisme soit devenu aujourd’hui un golem incontrôlable ne dispense pas la France du devoir de sanctionner ses créateurs saoudiens et américains.

 

Ce que la France pourrait faire pour tenter de faire reculer le terrorisme

Pour peu que la France, zombifiée par le messianisme américain et le wahhabisme saoudien, sorte de son amnésie neurasthénique, il lui reste suffisamment de souveraineté pour commencer à combattre le terrorisme qu’elle a laissé complaisamment se développer sur son sol pour ne pas fâcher ses puissants alliés et même si ce n’est peut-être qu’un dernier baroud d’honneur avant la vassalisation totale.

L’ex-Président de la république Nicolas Sarkozy en sortant de sa rencontre avec le Président Hollande à l’Élysée a parlé « d’infléchissement » à donner à notre politique extérieure. Chacun en convient. Les Français doivent cependant se souvenir que la connivence de Monsieur Sarkozy à l’égard de certains pays du Golfe, qui alimentent le terrorisme ne l’autorise plus à donner des leçons. Rappelons qu’après avoir invité en grande pompe Bachar-el-Assad et Kadhafi en France, il s’est acharné à devancer les désirs des néo-conservateurs américains les plus faucons en nous poussant à abandonner la Tunisie et l’Égypte, en déstabilisant la Syrie et en abattant comme un malfrat le seul dirigeant qui, en dépit de ses disparités tribales, avait réussi à donner un semblant de souveraineté à l’État lybien au point qu’il eut des velléités fatales de briser le monopole du dollar pour vendre sa production pétrolière en euro.

Nicolas Sarkozy est le principal responsable de l’ouverture des flux migratoires contre lesquels il éructe aujourd’hui. N’oublions pas nous plus qu’il s’était autorisé à dégarnir nos troupes au Mali afin de fournir une garde personnelle à l’émir d’Abu-Dhabi. Il est loin d’être certain que Nicolas Sarkozy ait eu la lucidité de François Hollande et de son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian qui nous a permis de réagir à la tentative des groupes terroristes de forcer le verrou du fleuve Niger par la magistrale opération Serval. N’oublions jamais, quelles que soient nos opinions politiques, que ce brillant et héroïque succès de nos troupes au sol est à porter à son crédit. François Hollande a donc objectivement plus de titre que Nicolas Sarkozy, qui a bradé les intérêts de la France, pour conduire nos armées lors du prochain quinquennat.

Plutôt que gesticuler en truffant tous les discours officiels de ce pétard mouillé qu’est devenu le mot « guerre » voici, pays par pays, les mesures d’urgence que notre diplomatie peut prendre pour enfin commencer à combattre le terrorisme au lieu de continuer à le nourrir :

Arabie Saoudite et Qatar

La première démarche consiste à nommer l’ennemi. Puisque notre Président de la république affirme qu’on nous mène une guerre et que c’est donc par des actes de guerre que nous devons riposter, cet ennemi ne peut être l’État islamique, qui désigne une organisation terroriste et non un État. Nos véritables ennemis c’est d’abord l’Arabie Saoudite et ensuite le Qatar, qui s’il n’utilise pas les mêmes canaux que la maison-mère et préfère s’appuyer sur les frères musulmans se fonde sur le même substrat hérétique que l’Arabie saoudite pour semer la terreur.

Il serait bien évidemment absurde de faire « la guerre » à ces deux pétromonarchies et « frapper » Ryad ou Doha ni de nous ingérer dans leurs affaires intérieures (il n’est pas question, dans l’immédiat, de demander la réciprocité en matière religieuse et d’exiger que les religions juives et chrétienne puissent être pratiquées aussi librement en Arabie saoudite que l’islam est pratiqué librement chez nous ; nous n’avons pas de légitimité non plus pour demander le retour de la garde de lieux saints de l’islam aux dynasties chérifiennes : c’est aux pays musulmans de s’unir pour l’exiger).

Nous sommes libres en revanche de lancer à ces deux pays un ultimatum qui pourrait avoir cette tournure : « Dans un délai d’un mois l’Arabie Saoudite et le Qatar doivent cesser leur soutien aux groupes wahhabites et à leurs diverses déclinaisons d’obédience salafistes et frères musulmans qui opèrent contre des États légitimes tant en Orient qu’en Occident et frappent régulièrement le sanctuaire national français. Au bout de trente jours si le soutien persiste la France mettra suspendra ses relations diplomatiques avec ces deux États, mettra un terme aux privilèges et avantages fiscaux consentis à ses deux pays sur son sol et gèlera leurs avoirs. »

Charité bien ordonnée commençant par soi-même, il va sans dire qu’un tel ultimatum exige que nous cessions immédiatement le soutien que nous apportons aux groupes soi-disant rebelles modérés au Levant. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait naguère que le groupe Al-Nosra, qui n’est autre que la branche d’Al-Qaïda en Syrie, « avait fait de l’excellent travail ». Le Quai d’Orsay non seulement doit faire amende honorable mais doit soulever le problème de la formation de ses cadres qui œuvrent à la ruine de l’influence française au Levant depuis plusieurs décennies.

États-Unis

Contrairement à ce qu’avancent certains géopoliticiens, nous vivons toujours dans le monde d’après 1945. Le monde est toujours dominé par le dollar et par la seule hyperpuissance financiaro-militaire qui l’émet. La géopolitique n’est pas devenue polycentrique du jour au lendemain et la France n’a pas les moyens de figurer dans une autre alliance que l’alliance Atlantique. Il reste qu’il s’agit bien d’une alliance et non d’une vassalité absolue. Ce qui signifie que nous gardons une marge de manœuvre qu’il est grand temps d’utiliser. Nous n’avons pas consulté notre grand frère américain avant de faire parler la foudre au Mali et rien ne nous empêche, dans le même esprit, de rappeler à notre suzerain que nous ne sommes pas liés par les accords du Quincey.

N’étant pas pays producteur de pétrole nous n’avons pas participé à l’opération américano-saoudienne qui a consisté à casser les prix du pétrole en 2014 afin de mettre à genou les économies russes et iranienne. Même si nous avons objectivement intérêt à la baisse des prix du pétrole et que ce frémissement que nous observons sur le front de la « croissance » n’est pas dû à une reprise mais est plutôt imputable à la chute artificielle des prix du pétrole, nous refusons que cette baisse soit le produit d’un bras de fer géopolitique.

Observons que cette guerre économique ne pourra être soutenue indéfiniment. Un récent rapport du FMI prévoit de graves problèmes budgétaires non plus seulement aux États-Unis mais cette fois-ci en Arabie saoudite, pays dont le budget est traditionnellement excédentaire mais qui semble ne plus pouvoir financer la double confrontation qu’il a imprudemment engagé en Syrie et au Yémen.

Dans le même esprit, nous invitons les candidats à l’élection présidentielle américaine à mesurer les dégâts que cette guerre du pétrole ont provoqué en Amérique même. En effet, le seul secteur qui avait enregistré une croissance exponentielle ces dernières années, le secteur du gaz et du pétrole de schiste, a été ruiné par la guerre du pétrole qui ne permet plus aux entreprises de dégager une marge suffisante pour obtenir les crédits d’investissement nécessaires à l’exploitation de pointe de cette source d’énergie.

La Turquie 

Erdogan a pu se targuer de vouloir conduire une politique néo-ottomane mais son attitude à l’égard de la Syrie et des Kurdes montre qu’il mélange un populisme anatolien aux pire relents du jacobinisme kémaliste. Erdogan ne sera néo-ottoman que s’il prend ses distances avec l’ennemi traditionnel wahhabite de l’islam ottoman et que s’il se rapproche de l’Irak et de l’Iran afin de permettre la constitution d’un Kurdistan libre. L’Empire ottoman n’avait rayonné dans la longue durée que parce que son centralisme était tempéré.

Erdogan bénéficie de fonds structurels européens qu’il a utilisés pour épurer l’armée et l’appareil d’État kémaliste au motif spécieux qu’il fallait créer les conditions d’une adhésion de la Turquie en Europe. Mais son véritable objectif est l’islamisation de la société et du pourtour méditerranéen. N’oublions pas que la Turquie est la seule puissance régionale au Levant à avoir condamné l’intervention française au Mali. Erdogan doit cesser de pratiquer un double jeu avec l’Europe. Ce qui signifie, entre autres, qu’il doit cesser de fermer les yeux sur le transit sur son sol des combattants venus d’Europe pour la Syrie, faute de quoi la France serait bien inspirée de lui lancer un ultimatum similaire à celui que nous suggérons en direction de l’Arabie saoudite et du Qatar.

Comme l’ont démontré les attaques du début de l’année contre la livre turque, l’économie turque ne va pas aussi bien que le proclame l’AKP, le parti d’Erdogan qui vient de remporter les élections législatives en s’appuyant sur une propagande belliciste. La croissance qui était de 8% est aujourd’hui tombée à 3%. La Turquie a donc tout à gagner à rendre plus transparente ses relations avec l’Union européenne plutôt que de caresser un rêve néo-ottomans que ses nouvelles élites issues des plateaux d’Anatolie au lieu de l’Asie mineure sont trop intégristes pour être en mesure de réaliser.

Cet article est l’adaptation d’une chronique datant de 1997, intitulée, « Le poids des photos, le choc des civilisations » et publié dans notre recueil de chroniques des années 90 Tout est culture en octobre 2015 aux éditons Les Belles Lettres.

  • Cet article est l’adaptation d’une chronique datant de 1997, intitulée, « Le poids des photos, le choc des civilisations » et publié dans notre recueil de chroniques des années 90 Tout est cultureen octobre 2015 aux éditons Les Belles Lettres.

Source :

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PARTIE I : Le wahhabisme, pseudo-salafisme, qui arme le terrorisme dit islamiste, est une hérésie.

PARTIE II : Comment nous avons remis en selle le terrorisme en Arabie

PARTIE III : Les mesures d’urgence que notre diplomatie peut prendre pour commencer à combattre le terrorisme au lieu de continuer à le nourrir 

 


Comment l’Islam avait vaincu le terrorisme (I)

 

PARTIE I 

 

Le wahhabisme, pseudo-salafisme, qui arme le terrorisme dit islamiste, est une hérésie.

 

C’est une affaire entendue. Les auteurs des attentats du 13 novembre sont des musulmans qui se seraient « radicalisés ».

Autrement dit le wahhabisme, qui est la doctrine qui historiquement inspire les « terroristes » (les frères musulmans n’en sont qu’une branche et le salafisme un euphémisme) devient dans la description qu’en donnent les politiques et leurs chroniqueurs journalistes un mouvement de retour aux fondements de l’islam. Nos compatriotes mitrailleurs du 13 novembre ne pécheraient finalement que parce qu’ils sont plus musulmans que les autres.

Le discours historique, un discours historique débarrassé de toute ingérence étatique, n’a jamais été aussi nécessaire. L’historien honnête est devenu persona non grata dans nos universités et a fortiori dans les rédactions. Il a été remplacé par des enseignants amnésiques qui à force de présenter l’islam comme le problème – même s’ils évitent de le stigmatiser pour ne pas être taxés d’islamophobie – rendent inconcevable cette vérité historique qu’il ait pu être la solution.

Or, n’importe quel croyant, qu’il soit sunnite ou chiite, sait que le wahhabisme, pseudo-salafisme, qui arme le terrorisme dit islamiste, est une hérésie. Il n’y a rien de traditionnel, de fondamentaliste dans cette doctrine moderniste professée par Mohammad ibn Abd al-Wahhâb (1703-1792) qui apparaît tardivement au XVIIIe siècle, époque de toutes les nouveautés en Orient comme en Occident.

Les musulmans qui possèdent quelques rudiments d’histoire de leur religion (ils sont, hélas, encore moins nombreux que les chrétiens savent d’où vient la leur) connaissent ce fragment d’Al-Bukhâri qui prédit que « du Nedjd se lèvera la corne de Satan ». Mohammad Al-Bukhârî est l’auteur du Sahih al-Bukhari, « l’authentique d’Al-Bukhârî » (recueil de 7275 hadiths considérés comme les plus authentiques par les musulmans orthodoxes).

On doit notamment le néologisme de wahhabisme (wahabiyya en arabe) à Souleyman ibn Abd al-Wahhâb, c’est-à-dire au propre frère de Mohammad ibn Abd al-Wahhâb, qui n’avait pas inventé ce terme pour soutenir la doctrine de son frère mais pour la dénoncer dans un livre intitulé Les foudres divines réfutant le wahhabisme (Al-sawaiq al-ila-hiyya fi al-radd ala al-wahabiyya).

Ajoutons que le frère comme le père de Mohammad était tous les deux des oulémas respectés de l’école hanbalite, la plus austère des quatre écoles juridiques de l’islamisme, ce qui signifie que même les musulmans les plus rigoristes rejettent le wahhabisme que l’on peut donc considérer comme une hérésie schismatique. Certains savants musulmans vont jusqu’à désigner Abd al-Wahhâb sous le terme dedajjâl, « l’imposteur » qui est dans les hadiths l’équivalent de l’antéchrist dans l’eschatologie chrétienne.

Le mot wahhabisme apparaît en Occident dès 1803 sous la plume du consul de Russie à Istanbul, Andreï Iakovlévitch Italinski lorsque les Saoudiens après avoir pris Taïf seront aux portes de La Mecque.

L’essor inouï du wahhabisme repose sur l’alliance entre le théologique et le politique qui est encore aujourd’hui la grande force – la manne pétrolière n’étant qu’un moyen – de l’État terroriste saoudien qui est l’ennemi que nous ne voulons pas nommer pour ne pas avoir à faire la guerre à nos nouveaux amis terroristes au Levant après avoir trahi nos alliés historiques libanais, syrien, irakien et iranien.

En plein siècle des Lumières, après ses études à La Mecque et un voyage en Irak et en Iran, Mohammad Ibn Abd Al-Wahhâb était rentré à son village d’Uyayna, oasis du Nedj à une trentaine de kilomètres au nord-ouest de Riyad. Nul n’est prophète en son pays et après avoir infligé à ses concitoyens ses prêches puritains, il fut chassé de son village natal. Il se rendit dans l’oasis d’Ad-Diriyah, à une demie-journée de marche vers le sud.

Là, l’émir local, Mohammad Ibn Saoud, écouta son discours délirant sans se préoccuper s’il était conforme à l’islamisme puisqu’Abd Al-Wahhâb ne cesse dans son Kitab at tawhid de citer les hadiths sans que le rapport avec ce qu’il affirme soit toujours convaincant.

En 1744 (deux ans après la représentation à la Comédie française de la pièce de Voltaire Le Fanatisme ou Mahomet !), il conclut avec lui un pacte qu’il scelle en lui donnant sa fille en mariage. La famille Saoud devient le bras armé de la réforme islamiste. L’alliance « du sabre et du goupillon » bédouin permet d’unifier les tribus arabes et Mohammed Ibn Saoud devient l’imam du premier État saoudien et promet de transmettre cette fonction de l’imanat à ses descendants.

Le grand paradoxe de l’hérésie wahhabite est que c’est en détournant la pierre de touche de l’islamisme, le tahwid, l’unicité divine qu’elle s’attaque à la civilisation islamique. Elle n’en leurre que plus aisément les savants Cosinus, tels le professeur Huntington qui croient pouvoir parler des civilisations sans pensée théologique, réduisant les religions à des faits culturels à la manière de Weber.

Comme la plupart des fausses doctrines, la schizophrénie wahhabite repose sur une poétique. La figure privilégiée de cette poétique est la métonymie puisque Mohammad ibn Abd al-Wahhâb voit lechirk1 partout. Il a raison au nom de la tradition de stigmatiser les faux dieux (tâghoût) et de suivre le Coran qui commande « Adorez Dieu et ne lui donnez quelque associé que ce soit » (4 :36) mais sa doctrine devient hérétique dès lors qu’elle assimile au chirk des pratiques validées par cette même tradition. En effet pour Abd al-Wahhâb « Adresser un vœu à quelqu’un d’autre que Dieu est […] une forme de chirk2 […] ; « ne travailler pour la vie présente est une forme de chirk3 […] Il est chirk de chercher refuge auprès de quelqu’un d’autre que Dieu4 ».

Le wahhabisme condamne « L’exagération donnée aux tombes des saints fait de ceux-ci des idoles adorées à la place de Dieu5 » En vertu de quoi, le wahhabisme prohibe le tawassoul, qui consiste à demander l’intercession d’un prophète ou d’un saint auprès de Dieu.

C’est l’assimilation métonymique au chirk du culte des saints qui va inspirer le vandalisme anti-civilisationnel des hordes wahhabites. La doctrine, on le voit, n’a rien de fondamentaliste puisqu’elle avance en détruisant les fondements.

En matière de manipulation, le wahhabisme défie toute concurrence car il ne pratique pas par retouche de l’islam mais par sa destruction pure et simple en commençant par tous les vestiges de la civilisation islamique. On sait qu’Ibrahim-Abraham renversa les idoles de pierre mais il s’agissait bien d’idoles païennes alors que le wahhabisme transfère cette rage à l’héritage islamique.

La principale raison pour laquelle les Saouds ne sauraient être instrumentalisés par la théorie du choc des civilisations, chère autant à Manuel Valls qu’à Nicolas Sarkozy, est qu’ils ne doivent leur rayonnement politique qu’aux interventions de l’Occident.

Avant les Américains et les Britanniques, les Saouds profitèrent d’abord de l’expédition d’Égypte. Comme le note Benoit-Méchin dans sa biographie d’Ibn-Séoud, l’essor des Saouds « avait été grandement facilité par la présence des troupes françaises au Caire, de 1798 à 1801. Durant ce temps, les Turcs, paralysés, n’avaient pas osé réagir et même après l’évacuation de l’Égypte, ils étaient restés sur le qui-vive, redoutant un nouveau débarquement des généraux napoléoniens6. » 

Benoist-Méchin reste étonnamment muet sur les attentats wahhabites à l’égard de la civilisation islamique et sur leurs motivations religieuses. Il eût pourtant été utile de se pencher entre les singulières affinités qui se sont nouées entre le dernier représentant du jacobinisme profanateur d’édifices religieux — mais qui au moins ne se disait pas chrétien quand la dynastie wahhabite se prétend musulmane — et le premier représentant du vandalisme anti-islamique.

Les Français d’aujourd’hui ne connaissent que Lawrence (dont Malraux citait sans cesse des paroles qu’il prétendait avoir recueilli de sa bouche alors qu’il ne s’étaient jamais rencontrés) mais ils ignorent qu’il eut un précurseur en la personne de Jules Lascaris de Vintimille aussi baroque que le palais qui porte le nom de sa famille à Nice. « Né en Piémont, d’une de ces familles grecques venues en Italie après la conquête de Constantinople, M. de Lascaris était chevalier de Malte lorsque Napoléon vint conquérir cette île. M. de Lascaris, très jeune alors, le suivit en Égypte, s’attacha à sa fortune, fut fasciné par son génie7. » 

Lascaris devint un agent secret de Napoléon dont la mission commença en 1799 avec l’expédition d’Égypte. Ils se faisait passer pour un bédouin et vécu pendant des années comme tel recueillant des renseignements pour Bonaparte avec le même projet que celui de Lawrence plus tard d’unifier les tribus arabes contre les ottomans.

Ce dessein correspondait parfaitement à celui des Saouds dont il finit par gagner la confiance. Le secrétaire arabe de Lascaris, Fathallah Al-Sayegh, écrira des notes que Lamartine récupéra et fit traduire lors de son voyage en Orient.

On sait que pour Lamartine Bonaparte « était l’homme de l’Orient et non l’homme de l’Europe8».D’après Lamartine, Lascaris jugeait « que le plus grand œuvre à accomplir par son héros n’était peut-être pas la restauration du pouvoir en Europe, œuvre que la réaction des esprits rendait nécessaire, et par conséquent facile ; il pressentait que l’Asie offrait un plus vaste champ à l’ambition régénératrice d’un héros ; que là il y avait à conquérir, à fonder, à rénover par masses cent fois plus gigantesques ; que le despotisme, court en Europe, serait long et éternel en Asie ; que le grand homme qui y apporterait l’organisation et l’unité ferait bien plus qu’Alexandre, bien plus que Bonaparte n’a pu faire en France. Il paraît que le jeune guerrier d’Italie, dont l’imagination était lumineuse comme l’Orient, vague comme le désert, grande comme le monde, eut à ce sujet des conversations confidentielles avec M. de Lascaris, et lança un éclair de sa pensée vers cet horizon que lui ouvrait sa destinée9. »

Les wahhabites ont profité de ce rêve de l’aigle pour faire irruption sur la scène de l’histoire non pour organiser et construire mais pour dévaster et razzier. Le déchaînement de l’hérésie wahhabite a commencé par le pillage et de la profanation de Kerbala, ville sainte du chiisme, en 1801 mais preuve que le wahhabisme ne s’inscrit pas dans les clivages traditionnels de la fitna, ils commirent les mêmes exactions à La Mecque et à Médine de 1803 à 1806 alors que le soleil d’Austerlitz se levait sur « l’homme de l’Orient » qui avait choisi de faire couronner empereur en Occident plutôt qu’en Mésopotamie.

À Médine, les vestiges civilisationnels de l’islamisme ont été systématiquement détruits. Les armées wahhabites ont rasé le Baqi cimetière qui contenait les restes des salafs10 de l’islam, preuve que le soi-disant fondamentalisme wahhabisme s’attache à détruire les fondements de l’islamisme plutôt qu’à les restaurer. Les mosquées ont également été visées et, sacrilège des sacrilèges, la tombe du prophète Mahomet elle-même a failli être démolie.

Les Saouds ne sont à la Mecque que depuis 1750. Avant, les territoires sacrés étaient sous l’autorité religieuse de la descendance du Prophète et sous l’autorité politique et administrative de la Sublime porte. On pratiquait alors librement les mawâlîd (célébration de la naissance du Prophète) dans la mosquée sacrée et on visitait sans restriction le tombeau du Prophète.

 L’héritier des Saouds fracassa lui-même les statues érigées dans la grande mosquée de La Mecque par les chérifs, descendants du prophète, qui gardaient traditionnellement les lieux saint. Ils furent traités d’idolâtres et plusieurs dizaines de corps de métiers furent interdits car considérés comme chirk.

Dès l’origine le but de guerre du wahhabisme, que l’Université et la presse assimilent à « l’islamisme » ou « l’islam radical », est la destruction de la civilisation islamique. Cette destruction n’est pas une métaphore. Elle est physique. Il vise à effacer toute trace qui permettrait aux archéologues de recueillir des données scientifiques sur le véritable islamisme des origines.

À ceux qui douteraient de l’ampleur de la guerre menée par les wahhabites contre la civilisation islamique voici l’inventaire non pas des monuments historique entretenus par les actuels gardiens des lieux saints mais des destructions réalisées par la secte depuis l’alliance d’Abd-al-Wahhâb avec la dynastie saoudienne à côté desquels l’acharnement de l’État islamique sur les idoles païennes de Palmyre fait figure d’aimable apéritif.

Les mosquées

La mosquée de la tombe de Hamza ibn Abd al-Muttalib, l’oncle du Prophète ; la mosquée de Fatima Zahra, la fille du Prophète ; la mosquée d’al-Manaratain ; la mosquée et la tombe d’Ali al-Ouraydhi ibn Ja’far as-Sadiq ; quatre mosquées de la Bataille du Fossé à Médine ; la mosquée d’Abou Rashid ; la mosquée Salman al-Farsi à Médine ; la mosquée Raj’at ash- Shams, à Médine.

Les tombeaux et cimetières 

Jannat al-Baqi à Médine qui aurait été entièrement rasé ; Jannat al Mu’alla, l’ancien cimetière de La Mecque ; tombeau de Hamida al-Barbariyya, la mère de l’imam Musa al-Kazim ; tombeau d’Amina bint Wahb, la mère de Mahomet, qui fut détruit et brûlé en 1998 ; tombeau des Banu Hashim à La Mecque ; tombeaux de Hamza et d’autres martyrs de la bataille d’Uhud ; tombeau d’Ève à Djeddah, scellée avec du béton en 1975 ; la tombe de Abdullah ibn Abd al-Muttalib, le père de Mahomet, à Médine.

Les sites religieux historiques

Un bâtiment a été construit au xxième siècle sur la maison où serait né Mahomet en 570 ; Après sa redécouverte pendant les travaux d’extension de La Mecque en 1989, la maison de Khadija, première femme de Mahomet a subi le même sort ; la maison de Mahomet à Médine où il vécut après son départ de la Mecque ; la première école islamique (Dar al-Arqam) où Mahomet enseigna sa religion, a disparu aujourd’hui sous l’extension de la mosquée Masjid Alharam de La Mecque.

En 1994 le mufti Abdelaziz ibn Baz, plus haute autorité religieuse du régime wahhabite, lance une fatwa stipulant qu’il « n’est pas permis de glorifier les bâtiments et les sites historiques ». De tels rites sont considérés comme chirk parce que, comme le prétend Abd al-Wahhâb, ils conduisent au polythéisme. Entre cinq cents et six cents mausolées et d’autres monuments de l’islam des origines ont été démolis.

Il a été estimé que 95 % des bâtiments datant de plus de mille ans ont été rasés durant les vingt dernières années.

En 1994 le mufti  Abdelaziz ben Baz, plus haute autorité religieuse du régime wahhabite, lance une fatwa stipulant qu’« il n’est pas permis de glorifier les bâtiments et les sites historiques ». De telles rites sont chirk comme le prétend Abd-al-Wahhâb et conduisent au polythéisme.

Entre 500 et 600 mausolées et d’autres structures de l’islam des origines ont été démolis. Il a été estimé que 95 % des bâtiments datant de plus de 1000 ans ont été rasés durant les 20 dernières années.

Terminons sur l’histoire de l’expansionnisme wahhabite.

Sachant que la “résignation”, voire plutôt la “soumission” que l’on attribue péjorativement aux musulmans est purement spirituelle, l’oumma11 n’était pas disposée à laisser l’hérésie se propager.

Dès le milieu du XVIIIe siècle à la Mecque, les muftis des quatre écoles de droit sunnites avaient composé une réfutation contre « l’égaré qui égare » intitulée le livre de la prévention de l’égarement et de la répression de l’ignorance. Le chiisme se joignit au mouvement et pas seulement en Perse puisque les chiites zaïdites au Yémen et jafarites en Irak dénoncèrent également l’hérésie.

L’enlisement de Napoléon en Russie face au général hiver en 1812 allait mettre un terme à l’inaction des Ottomans face aux wahhabites. Assuré de la débâcle des Français en Russie, qui écartait la perspective d’une invasion française par le nord, le sultan Mahmud II ordonna au Khédive (vice-roi) d’Égypte Méhémet-Ali d’envoyer une armée en Arabie pour écraser la sédition saoudienne.

Face à l’obscurantisme saoudien, Méhémet-Ali va tirer les leçons de l’expédition d’Égypte de Bonaparte, non pas pour sombrer dans un folklore identitaire passéiste mais, au contraire, pour ouvrir l’Égypte à l’influence française. Le projet du canal de Suez, entre autres, a été conçu sous son règne.

Ce dernier nomma son fils Ahmed Toussoune Pacha âgé de 17 ans seulement, comme général commandant la première campagne militaire, qui embarqua ses troupes à Suez pour s’emparer du port de Yanbo sur la rive orientale de la mer Rouge. « Séoud réagit avec vigueur et obligea son adversaire à s’enfermer dans Yenbo. Méhémet-Ali monta alors une seconde expédition et prit lui-même la direction des opérations. Cette campagne n’eut guère plus de succès que la précédente12. »

Alors que Méhémet-Ali était sur le point de renoncer, le troisième imam Saoud ben Abdelaziz ben Mohammed fut tué accidentellement sous les murs de Taïf, ville que les Wahhabites avait ravagée, avec une cruauté et une impiété inouïe, et qu’ils défendirent bec et ongle contre les Ottomans.

Séoud laissait douze fils inaptes au gouvernement et le « pouvoir passa aux mains de son oncle Abdallah, personnage falot et pusillanime, bien incapable de gouverner l’Arabie dans des circonstances aussi critiques. Méhémet-Ali reprit l’offensive et ne tarda pas à marquer des points sur son adversaire. Après une série de combats meurtriers, il délivra Taïf et vainquit les Wahabbites à Koulakh, près de Gonfodah (10 janvier 1815). » Mais ce ne fut pas le Waterloo des Saouds car Abdallah ne respecta pas les clauses draconiennes du traité conclu avec Toussoune Pacha.

Une troisième expédition égyptienne fut donc envoyée en Arabie en 1816, commandée par Ibrahim Pacha, autre fils du Khédive. Après dix-huit mois de campagne, l’armée égyptienne soumis le Nedjd détruisit la capitale Dariya le 3 septembre 1818. Elle captura l’imam Soulaymân petit-fils de Mohammed ben Abdelwahhab, qui fut fusillé, et Abdallah ibn Saoud, qui fut envoyé au sultan Mahmoud II. Ce dernier le fit décapiter et exposa son corps sur la place publique à Constantinople.

L’empire ottoman retrouvait la tutelle des villes saintes dont les monuments furent reconstruits. L’oumma avait donc réussit à terrasser la barbarie wahhabite à une époque où personne n’imaginait qu’il puisse menacer une autre civilisation que la civilisation islamique.

L’imam Tourki ben Abdallah Al Saoud réussit à créer en 1824 le deuxième État wahhabite avec Riyad pour capitale. La famille rivale des Al-Rachid profita des luttes fratricides au sein du clan Al-Saoud pour mettre fin à ce deuxième État et s’emparer du pouvoir à Riyad avec l’aide des Turcs en 1892.

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PARTIE I : Le wahhabisme, pseudo-salafisme, qui arme le terrorisme dit islamiste, est une hérésie.

PARTIE II : Comment nous avons remis en selle le terrorisme en Arabie

PARTIE III : Les mesures d’urgence que notre diplomatie peut prendre pour commencer à combattre le terrorisme au lieu de continuer à le nourrir