L’Eurocalypse…
Le projet européen avance !

De l’intérêt général et des intérêts particuliers

 

I – La conception française

 

Dans la conception française, l’intérêt général ne résulte pas de la somme des intérêts particuliers. Au contraire, l’existence et la manifestation des intérêts particuliers ne peuvent que nuire à l’intérêt général qui, dépassant chaque individu, est en quelque sorte l’émanation de la volonté de la collectivité des citoyens en tant que telle.

Je vous l’ai déjà indiqué précédemment.

Car si « la loi est l’expression de la volonté générale » (art. 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 26 août 1789), il ne peut être admis que des groupes d’intérêts puissent tenter d’influencer son auteur, à savoir les parlementaires.

La tradition issue de la période révolutionnaire est dès lors marquée par la défiance, la suspicion envers toute tentative de manifestation d’appartenance à un groupe d’intérêts particulier.

Les corporations de métiers sont interdites comme les syndicats ouvriers (loi le Chapelier, 1791). Et il faut attendre 1901 pour qu’une loi sur la liberté d’association soit votée.

Il n’est en effet que tardivement admis que l’État puisse être concurrencé dans sa mission de détermination et de poursuite de l’intérêt général.

Si l’action des lobbies est avérée en France, elle n’a donc aucun caractère officiel.

Cependant, l’évolution récente liée à la montée des réflexes communautaristes tend à infléchir cette conception.

En droit français, l'intérêt général est, avec le service public, l'une des notions-clés du droit public, Il s’agit l'intérêt général est « ce qui est pour le bien public », autrement dit, pour tout le monde sans distinction.

L’idée d’intérêt général apparaît au XVIIIème siècle, se substituant à celle de « bien commun ».

Sans sens précis elle désigne à la fois le lieu géométrique des intérêts des individus qui composent la Nation et en même temps un intérêt « propre à la collectivité » qui transcende celui de ses membres.

Plus tard, la jurisprudence du Conseil d'État s’oriente vers la seconde définition mais subit alors une double critique marxiste (ce serait l'intérêt de la classe dominante) et libérale (elle aboutirait à la négation de l’individu).

Rappelons qu’aucun des textes de l'ensemble constitutionnel français ne fait mention de « l’intérêt général », au contraire des constitutions espagnole et portugaise qui donnent à la fois un sens et un domaine d’application précis à cette notion.

D’où son caractère flou en droit positif, qui reste d’autant plus problématique qu’il n’a pas freiné son utilisation et que cette notion d’intérêt général imprègne le droit public au point d’être presque le fondement de son existence.

Ce caractère flou s'explique toutefois par le caractère abstrait de la notion, qui repose sur une conception bien définie d'un intérêt d'une collectivité elle-même abstraite.

Pour prendre l'exemple de la « Gauloisie supérieure », le Conseil d'État comme le Conseil constitutionnel se réfèrent couramment à « l’intérêt général » dans leurs arrêts et en ont fait un des fondements de la limitation des libertés publiques. Du fait même de l’imprécision de ce concept le juge administratif a toutefois été amené à la réinterpréter systématiquement ce qui a pu entraîner certaines dérives dues à une sur-utilisation de la notion.

Tous les régimes particuliers qu’a créés le droit Public trouvent leur raison d’être dans l’existence d’un objectif « d’intérêt général » qui justifie seul qu’ils bénéficient d’un régime exorbitant du droit privé.

C’est pourquoi le Conseil d’État a défini la plupart des notions clés du droit public en référence à « l’intérêt général » et notamment celles de service public (SP), du travail public (TP), de l’ordre public, du domaine public qui n’existent que par référence à la notion première « d’intérêt général ».

Ainsi la notion de service public se définit matériellement comme une activité « d’intérêt général » gérée par une personne publique ou sous son contrôle étroit (CE Chambre syndicale du commerce de Nevers 30 mai 1930).

L’évolution de la notion de service public n’a été possible que parce que celle « d’intérêt général » s’est elle aussi étendue avec le temps.

De nouvelles activités n’ont en effet cessé de s’ajouter aux objectifs de la collectivité.

Ainsi a-t-on pu assister à la reconnaissance d’un intérêt général social (TC 1955, Naliato), ou d’un intérêt général économique.

À travers la notion de service public la notion de domaine public, est elle aussi marquée par « l’intérêt général » puisque les jurisprudences civile et administrative l’ont définie comme l’ensemble des biens qui sont affectés actuellement aux usagers du service public ou qui sont aménagés pour l’exploitation d’un service public.

La notion d’ouvrage public se définit quant à elle en référence à l’idée « d’intérêt général » puisque la jurisprudence les définit comme un bien immobilier par nature ou par destination « appartenant à une personne publique et affecté soit à l’usage du public, soit à un service public, ou à un but d’utilité générale » (CE 1965, Arbez-Gindre).

C’est « l’intérêt général » qui fonde le régime spécifique dont bénéficient les ouvrages publics celui de l’intangibilité, dont l’adage, « Ouvrage public mal construit ne se détruit point », (CE 1853, Robin de la Grimaudière).

La quatrième notion qui se définit en relation à « l’intérêt général » est celle de travaux publics.

Le TP est exécuté « pour le compte d’une personne publique et dans un but d’utilité générale » (CE 10 juin 1921 Commune de Montségur) ou «effectué par une personne publique ou sous sa direction dans le cadre d’une mission de Service Public » (TC 28 mars 1955 Effimieff).

Par ailleurs, « l’intérêt général » n’est pas seulement utilisé par le Conseil d'État mais apparaît bien souvent comme le fondement d’un texte législatif ou réglementaire.

« L'intérêt général » justifie alors toute une série de moyens d’action de l’administration. Par ailleurs, il peut arriver d’avoir recours à des notions voisines telles que « l’utilité publique » en matière d’expropriation.

Cette « utilité publique » se traduit par un intérêt propre pour la collectivité.

On peut noter aussi que les moyens d’actions propres à l’administration et son régime de responsabilité, exorbitants du Droit commun, sont subordonnés en générale à l’existence d’un motif « d’intérêt général »

C’est donc l’existence d’un objectif « d’intérêt général » qui fonde l’existence des régimes spécifiques du droit public. Mais c’est également « l’intérêt général qui fonde l’existence des moyens d’actions exorbitants du droit privé utilisés par l’administration.

Par exemple, un acte unilatéral public est ainsi imprégné de « l’intérêt général », car l’administration ne peut recourir à l’exercice de prérogatives de puissance publique que dans un but « d’intérêt général ».

L’acte administratif pris dans un objectif étranger à tout intérêt public constitue d’ailleurs le cas type de détournement de pouvoir (CE Pariset 26 nov. 1875).

En fait par un renversement singulier l’existence même d’un acte administratif fait présumer celle de « l’intérêt général » qui sous-tend nécessairement son existence (CE Blanchard et Darchy 27 mai 1949).

De même les contrats administratifs font eux aussi l’objet de diverses prérogatives exorbitantes de droit commun (modification unilatérale, fait du prince, etc.…).

Qui ne sont rien d’autre que l’émanation de « l’intérêt général » et ne se justifient que par lui.

On peut aussi rapprocher le régime exorbitant du droit commun de la responsabilité administrative qui a été fondé par l’arrêt Blanco (CE 3 février 1873), a comme fondement « l’intérêt général » qui seul justifie que le recours à la faute lourde soit nécessaire pour engager la responsabilité de l’administration.

C’est encore la notion « d’intérêt général » qui sert au Conseil d'État pour écarter la responsabilité du fait d’une loi estiment que toute loi intervenue dans un « intérêt général » et prééminent exclut implicitement la volonté de réparer les dommages nés d’une loi (CE 14 Janv. 1938 Compagnie générale de Grande pêche).

Le recours à la notion « d’intérêt général » permet également de justifier la dérogation à certains textes ou principes généraux. Le plus souvent, l’intérêt général menace les libertés individuelles. C’est le rôle du juge que de les concilier.

Par exemple, l’atteinte aux libertés est le plus souvent motivée par le juge par la notion « ’ordre public » qui est une composante de « l’intérêt général ». Tout motif d’ordre public est à même de justifier une atteinte illicite à un droit ou à une liberté.

Pour le Conseil constitutionnel, « l’ordre public » est un objectif de valeur constitutionnelle au nom duquel le législateur peut être fondé à restreindre certaines libertés. Mais ce dernier préfère bien souvent invoquer directement « l’intérêt général ».

Quant au Conseil d'État, la notion « d’ordre public » est au centre de la théorie de la police administrative qu’il a bâtie.

Ce n’est que le seul maintien de « l’ordre public » qui justifie qu’une autorité de police porte atteinte à un droit ou une liberté.

L’arrêt du Conseil d'État du 24 Janvier 1975 Ministre de l'information c/ Société Rome Paris films prévoit clairement un régime de conciliation entre l’intérêt général (ici l’ordre Public) et les libertés publiques mettant en place un régime plus ou moins identique à celle du bilan coût avantage des expropriations et étendant en quelque sorte le principe de proportionnalité.

C’est « l’intérêt général » qui justifie par ailleurs de toutes les atteintes portées au droit de propriété. « L’intérêt général » est constamment rappelé pour les servitudes, la préemption, et l’expropriation.

Le respect du bilan coût avantages exigé par le CE (CE 1971 Ville Nouvelle Est et CE Ass. 1972 Ste Marie de l’Assomption), en est la marque.

Ici, dans ce domaine, les atteintes sont fondées sur « l’intérêt général » et plus précisément sur l’arbitrage entre les divers intérêts en présence lors d’une expropriation.

C’est toujours au seul nom de « l’intérêt général » que sont justifiées les atteintes portée au du principe d’égalité. Les jurisprudences administrative et constitutionnelle ont autorisé que dans des situations différentes soient prises des règles de portée différente quand bien même cela porterait atteinte au principe d’égalité qu’à la seule condition que ces discriminations soient justifiées par « l’intérêt général » (CE Syndicat de la raffinerie du souffre française 29 juin 1951 et plus récemment CE, Sect., 1997, Commune de Nanterre et de Gennevilliers).

Mais on retrouve ces fondements jusque dans la QPC nouvellement formulée par le CC. Nous y reviendrons pour quelque cas particuliers.

Vous l’aurez compris, « l’intérêt général » et donc en « Gauloisie administrative », à la fois un principe philosophico-historique et une construction juridique « régalienne » où le tri n'est pas toujours très facile entre les notions liées à celles « d'intérêt général » : statut de service public, exercé par le secteur public mais aussi par le secteur privé, droit public, utilité publique (pour certaines associations, certaines activités, certains projets d'aménagement...), etc.

Le juge administratif y joue un rôle éminent de garant de « l’intérêt général » et accompagne les évolutions de la notion d’intérêt général.

Mais pas seulement : Face à cette importance de « l’intérêt général » qui fonde par exemple des atteintes aux libertés, le juge administratif est souvent amené à vérifier l’effectivité de son existence dans le cadre du contrôle qu’il exerce sur les actes de l’administration.

Ce contrôle est d’autant plus délicat que la notion « d’intérêt général » n’est définie nulle part, alors que les intérêts particuliers et les libertés publiques qui sont bridées en son nom sont eux évidents et clairement visibles.

Dès lors il est pour le moins complexe de constater l’existence de cet « intérêt général » sur lequel il se fonde pourtant souvent.

D’où l’intervention de plus en plus fréquente qui délimite la part de chacun : Il est alors facile pour le juge de l’appliquer.

Le juge se contente de vérifier que l’administration s’est conformée à l’objectif « d’intérêt général » qui lui était assigné. Mais, dans bon nombre de cas, il n’existe aucun critère clairement offert au juge pour vérifier si « l’intérêt général » existe et le juge est conduit à « susciter » lui-même le critère. La notion reste donc très selon chaque espèce et les définitions que le juge peut en donner sont nécessairement contingentes.

En 15 ans seuls 60 arrêts ont eu recours explicitement à la notion « d’intérêt général ». Le juge ne s’y réfère généralement explicitement que lorsque qu’il oppose « l’intérêt général » à des intérêts de particuliers qui sont en conflit, en servant en quelque sorte comme d’un argument massue.

C’est ainsi qu’il existe plusieurs outils de préservation de l'intérêt général :

– Pour l'exploitation des carrières, le code minier : Il est possible de définir des zones où peut être autorisée l'exploitation des ressources minérales des carrières en l'absence de l'accord du propriétaire du sol, une disposition prévue à l'article 109 du code minier d'où la dénomination habituelle de « zone 109 ».

Ceci ne dispense pas cependant un carrier d'obtenir les autorisations prévues par d'autres réglementations, particulièrement en ce qui concerne les installations classées pour la protection de l'environnement.

– Les projets d'intérêt généraux (PIG) : Le Projet d'Intérêt Général est défini par l'article R 121-3 du code de l'urbanisme. Les Plans d'Occupation des Sols et les Schémas Directeurs (aujourd'hui PLU et SCOT) sont, depuis la loi du 7 janvier 1983, élaborés à l'initiative et sous la responsabilité des communes ou de leurs groupements.

– Le Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) et le Schéma d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE).

Ces deux outils ont été introduits par la loi sur l'eau du 3 janvier 1992. Ils constituent de nouveaux outils de gestion décentralisés des milieux aquatiques et des usages, et sont définis au titre 1er (de la police et de la gestion de l'eau) de la loi sur l'eau (article 3 et 5).

Ce ne sont que des exemples qui me viennent en tête. Mais on pourrait y ajouter toutes les lois relatives au PAF, au Code routier, des transports, Hadopi et Cie, celle sur les fichiers informatiques et la CNIL, la Halde, les procédures, pénales et civiles, sensées garantir les droits individuels tout en renforçant « l’intérêt général ».

Mais il faut reconnaître que le flou autour de la notion d’intérêt général a fini par lui être nuisible, souvent vue que comme simple renouveau de la raison d'État étant donné qu'elle sert à brider les droits et libertés et qu’elle est mal définie.

D’autant que les entités susceptibles de définir « l’intérêt général » se sont multipliées avec la décentralisation, la déconcentration, et le développement d’autorités administratives indépendantes : il y a risque « d’intérêts généraux » contradictoires (les fameux conflits d’intérêts de « Martin », même s’il n’aborde pas le sujet), ce qui serait d'ailleurs une négation de « l'intérêt général », unique par essence.

La situation n'est d’ailleurs pas nouvelle, puisqu'il y a toujours eu des conceptions souvent opposées entre différents organes de l'État (environnement contre équipement, finances contre autre ministère, etc.), entre lesquels les rapports de force d'influence ou les circonstances faisaient l'arbitrage.

La concertation entre les différentes personnes publiques ou la contractualisation de leurs rapports (cf. plans État-Régions) sont une idée mise en avant. L’État redeviendrait par ce biais l’unique formulateur de « l’intérêt général ». Mais en réalité « l’intérêt général » deviendrait le fruit de négociations la simple conjugaison des intérêts des Personnes Publiques en présence.

L’essor des procédures consultatives (Loi du 6 fev. 1992 sur le référendum local) mais là aussi vision algébrique utilitariste plus que volontariste de l’intérêt général peuvent prendre le pas.

D’autant que ne sont pas à négliger les pratiques extérieures…

 

II – La conception anglo-saxonne

L’intérêt général et les intérêts particuliers ne s’y opposent pas réellement.

En réalité, dans cette conception, l’intérêt général est formé de l’ensemble des intérêts particuliers.

On en trouve les origines intellectuelles chez plusieurs auteurs.

Sa première expression date de 1776, année où est publié le grand ouvrage d’Adam Smith, « Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations ».

Il considère que le moteur essentiel de toute action individuelle réside dans la volonté d’améliorer son sort. Smith fait valoir que, si chaque individu recherche son propre bénéfice, ce faisant, il agit pourtant à son insu pour le bien de l’ensemble de la société.

En effet, les hommes étant dépendants les uns des autres en raison de la variété de leurs capacités, chacun est dès lors utile à tous. Dans cette conception, l’intérêt général n’est recherché qu’inconsciemment, toujours par le biais de la recherche de l’intérêt particulier.

Comme l’écrit Adam Smith, en parlant des échanges économiques entre les individus : « Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme, et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage ».

Cette conception a joué un grand rôle dans les pays anglo-saxons, et tout particulièrement aux Etats-Unis d’Amérique et a eu des conséquences très concrètes dans la politique des États concernés.

Ainsi aux USA, les lobbies occupent une place centrale dans la vie publique.

On considère comme normal que les représentants des grands intérêts puissent faire entendre leur voix dans le débat public et, plus particulièrement, qu’ils tentent d’influencer le vote des parlementaires.

C’est pourquoi les différents lobbies sont inscrits auprès des deux chambres du Congrès et peuvent ainsi agir au vu et su de tous.

Il s’agit d’une conséquence directe de la conception de « l’intérêt général » comme somme des intérêts particuliers. Il n’est pas grave qu’un groupe d’intérêts tente de rallier le vote des parlementaires, dès lors qu’un groupe d’intérêts défendant des positions contraires va lui aussi agir auprès des parlementaires.

« L’intérêt général » serait alors la somme algébrique des intérêts concurrents entre eux !

Un peu la démarche « avantages/inconvénients » proposée par le CE dans différentes espèces.

Nous savons la limite de cette conception réside, notamment dans les différences de moyens d’actions dont disposent les groupes d’intérêts. Le poids du lobby du pétrole, qui réunit certaines des entreprises les plus riches du pays, n’est pas le même que celui des défenseurs de l’environnement.

De même, celui de l’industrie des armes n’est pas compatible avec les abolitionnistes.

Les lobbies du tabac, de l’industrie pharmaceutique, aéronautique, automobile, « juif », etc. conduisent et déterminent pourtant une grande part de la conduite des « affaires d’État »…

Et il faut signaler que l’Europe communautaire met plus volontiers en œuvre la conception anglo-saxonne que la conception française.

En effet, les lobbies sont officiellement reconnus et inscrits auprès des institutions communautaires qui exercent le pouvoir législatif (adoption des lois et contrôle du pouvoir exécutif).

En « Gaulosie des lumières », le Parlement accepte dans certains domaines, le rôle de ces groupes d’intérêts qui peuvent être particulièrement important (ex : politique de la concurrence, directives sur la sécurité alimentaire).

En Europe, ce sont alors des cabinets spécialisés, composés de juristes et d’économistes, qui tentent d’influencer le cours des politiques communes de l’Union européenne.

Car « l'intérêt général » est cité dans plusieurs articles du traité CE :

– Article 16 : principes généraux, introduit par le traité d'Amsterdam en 1997 ;

– Article 86 : sur les entreprises publiques et les entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs ;

Le paragraphe 2 précise ainsi que : « Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté. »

– Article 90 : pour vérifier si l’existence d’un service public d’où se dégagera un « Monopole Public » dérogeant aux règles de concurrence, la Communauté européenne vérifie qu’il y a existence d’un « intérêt général ».

– « L'intérêt général » est également mentionné dans l'article 36 de la charte des droits fondamentaux : « L'Union reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique général tel qu'il est prévu par les législations et pratiques nationales, conformément au traité instituant la Communauté européenne, afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union ».

D’où le rapprochement de la notion « d’intérêt général » et d’une conciliation avec le marché qui a une influence sur le droit français (ex : La scission RFF/SNCF).

Notons qu’après une période très dure la CJCE a assoupli sa jurisprudence concernant « l’intérêt général ». Elle l’admet aujourd'hui plus facilement :

– CJCE Commune d'Almalo 27 avril 1994 : « les restrictions à la concurrence sont nécessaires à cette entreprise pour assumer sa mission d’intérêt général » ;

– Les 4 arrêts CJCE du 23 oct. 1997 sur EDF/ GDF indiquent bien un raisonnement en deux temps.

1) Violation du droit de la concurrence communautaire ;

2) Justifié par l’intérêt général.

Aujourd’hui la jurisprudence de la CJCE définit assez largement les domaines pouvant relever de « l’intérêt général » (protection sociale, ordre social politique culturel etc.).

La CJCE a si bien admis la notion qu’a dégagée l’idée d’un « intérêt général » de la communauté distinct de celui des États membres.

Le Conseil d'État a également évolué sous influence CJCE et tente aujourd’hui de concilier « l’intérêt général » avec d’autres notions plutôt que de les opposer ce qui entraîne le renouveau de la notion.

Nous le vivons tous les jours par petites touches insensibles (par exemple la réforme toujours reportée de nos procédures pénales).

C’est ce qui fait une grande partie du sel de l’évolution de nos sociétés.

Et je ne désespère pas qu’un jour cette notion soit d’une application facile et aisée, simple et claire, que la frontière entre intérêts particuliers et « intérêt général » soit circonscrite aux seuls domaines régaliens de la « puissance publique » et pas forcément à la défense de statuts d’agents ou de castes qui n’en sont seulement que les dépositaires.

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Source : http://infreequentable.over-blog.com/article-petit-rappel-58331715.html

 

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