Comment l’Islam avait vaincu le terrorisme (I)
Comment l’Islam avait vaincu le terrorisme (III)

Comment l’Islam avait vaincu le terrorisme (II)

 

PARTIE II

 

Comment nous avons remis en selle le terrorisme en Arabie

 

L’empire britannique, qui souhaitait voir le départ du « vieil homme malade de l’Europe » de la péninsule arabique, repris la stratégie que Bonaparte avait esquissé avec Lascaris. On connaît les exploits du colonel Lawrence qui n’est pas un loup aussi solitaire qu’entend nous le faire croire le fameux film de David Lean.

Chassé par la lignée vassale des Al-Rachid alliée aux Turcs, Le prince de la dynastie wahhabite de Riyad, Abdelaziz ben Abderrahman ben Fayçal Al-Saoud avait grandi en exil à la cour du Koweït. Âgé seulement de 22 ans il se proclama roi du Nedjd et Imam des Wahhabites en 1904. Il reprit Riyad puis tout le Nedjd entre 1902 et 1912.

On se souvient de la scène du film de David Lean, Lawrence d’Arabie où l’on voit les cavaliers arabes conquérir par une charge de cavalerie éclair le port d’Aqaba en venant de la terre alors que les canons turc sont tournés vers la mer. Or, ces fougueux cavaliers bédouins ne sont pas saoudiens. Connus en Occident sous le nom incongru de “légion arabe”, ce sont des hachémites commandés par Fayçal ibn Hussein, un des fils d’Hussein ibn Ali, chérif de La Mecque.

Ils représentent donc l’orthodoxie sunnite et non pas l’hérésie wahhabite. Le projet d’Hussein était de créer un royaume arabe unifié qui engloberait le Hedjaz, la Jordanie, l’Irak et le Syrie. Lawrence s’opposa à ce projet au motif que la couronne britannique avait besoin de morceler le Moyen-Orient pour mieux régner sur la région et protéger la route des Indes.

L’Occident réactiva une fois de plus la fitna, mais cette fois-ci entre Arabes, et remit en selle Al-Saoud à qui on promit toute la péninsule arabique. Il chassa définitivement les chérifiens de la Mecque avec la bénédiction des Britanniques. En 1920, Damas ayant été reprise aux hachémites par une colonne française et la Grande-Bretagne ayant reçu un mandat de la SDN pour administrer l’Irak, il ne resta plus pour Hussein que le lot de consolation de la Jordanie.

En 1925, les insatiables compagnons d’Abdelaziz Ibn Saoud, ayant désormais les mains libres, se livrèrent à de nouvelles destructions dans les villes saintes. À La Mecque, ils démolirent les tombes de la famille du prophète Mahomet ; à Médine ils poursuivent la profanation des mausolées des premiers chefs chiites (ces ravages sont commémorés annuellement encore aujourd’hui par les chiites, qui, contrairement à nos professeurs d’histoire des civilisations, n’ont pas la mémoire courte).

Ibn Saoud se fera couronner roi d’Arabie à La Mecque en 1926 après avoir envahi le royaume du Hedjaz fondé par les hachémites en 1918 et avant d’établir celui du Nedjd en mai 1927, qu’il réunit le  22 septembre 1932 pour créer le troisième Royaume d’Arabie saoudite.

Mais ce qui va assurer un pouvoir définitif à la théocratie saoudienne c’est l’alliance avec la plus grande puissance de la civilisation occidentale, l’Amérique. Les gisements pétrolifère d’Arabie ont commencé à être exploités partir de mars 1938 et la Seconde Guerre mondiale ne tardera pas à faire comprendre à nos stratèges qu’une guerre moderne ne se gagne pas sans le contrôle des puits de pétrole.

Acte fondateur de l’alliance entre le puritanisme américain et l’intégrisme saoudien, le pacte, « pétrole contre protection » signé le 14 février 1945 sur le porte-avion Quincy entre Roosevelt et Ibn Séoud garantit la stabilité et la protection militaire à la monarchie saoudienne en échange d’un approvisionnement en pétrole de l’Amérique à travers le monopole de la société Aramco (Arabian American Oil Company).

Ce pacte était valable pour soixante ans. Il a été renouvelé en 2005. La manne pétrolière permet aux Saouds de financer la propagande en faveur du wahhabisme, sous ses différentes formes dites aujourd’hui “salafistes” pour ne pas nommer la maison-mère (de même qu’on appelle nazis, les nationaux-socialistes pour garder immaculé le mot socialistes). Le but avoué des Saouds est d’imposer le wahhabisme d’abord à l’ensemble des nations musulmanes et ensuite au monde entier.

De nombreux musulmans sont ébranlés par le flots d’images déversé par les sites internet et les télévisions wahhabites et ne font plus la différence entre le bon grain ou l’ivraie, entre l’hérésie et l’orthodoxie. Les mosquées se multiplient alors qu’un musulman orthodoxe n’a pas besoin de mosquée, ni d’autre médiation entre Dieu et lui. La prière musulmane se pratique avec sincérité et surtout sans ostentation.

Le seul pacte du Quincy ruine les élucubrations du professeur Huntington car il s’agit bien non pas d’un choc de civilisation mais d’une alliance de civilisation entre une puissance occidentale et une puissance orientale qui donne le ton de la géopolitique au Proche-Orient. Tant que la France reste dans l’orbe de cette alliance au Levant, elle ne peut prétendre sérieusement conduire une « guerre ».

On ne fait pas la guerre à des groupes armés mais à des États-nations. Nous ferons grâce au lecteur d’un rappel des conditions du développement du terrorisme « islamiste » dans les années 80 pour l’instrumentaliser contre le communisme soviétique. Ces faits sont connus. L’intégrisme n’est donc pas un phénomène interne à l’islam mais suscité de l’extérieur par des puissances étrangères à l’islam orthodoxe. Le fait que le wahhabisme soit devenu aujourd’hui un golem incontrôlable ne dispense pas la France du devoir de sanctionner ses créateurs saoudiens et américains.

 

Ce que la France pourrait faire pour tenter de faire reculer le terrorisme

Pour peu que la France, zombifiée par le messianisme américain et le wahhabisme saoudien, sorte de son amnésie neurasthénique, il lui reste suffisamment de souveraineté pour commencer à combattre le terrorisme qu’elle a laissé complaisamment se développer sur son sol pour ne pas fâcher ses puissants alliés et même si ce n’est peut-être qu’un dernier baroud d’honneur avant la vassalisation totale.

L’ex-Président de la république Nicolas Sarkozy en sortant de sa rencontre avec le Président Hollande à l’Élysée a parlé « d’infléchissement » à donner à notre politique extérieure. Chacun en convient. Les Français doivent cependant se souvenir que la connivence de Monsieur Sarkozy à l’égard de certains pays du Golfe, qui alimentent le terrorisme ne l’autorise plus à donner des leçons. Rappelons qu’après avoir invité en grande pompe Bachar-el-Assad et Kadhafi en France, il s’est acharné à devancer les désirs des néo-conservateurs américains les plus faucons en nous poussant à abandonner la Tunisie et l’Égypte, en déstabilisant la Syrie et en abattant comme un malfrat le seul dirigeant qui, en dépit de ses disparités tribales, avait réussi à donner un semblant de souveraineté à l’État lybien au point qu’il eut des velléités fatales de briser le monopole du dollar pour vendre sa production pétrolière en euro.

Nicolas Sarkozy est le principal responsable de l’ouverture des flux migratoires contre lesquels il éructe aujourd’hui. N’oublions pas nous plus qu’il s’était autorisé à dégarnir nos troupes au Mali afin de fournir une garde personnelle à l’émir d’Abu-Dhabi. Il est loin d’être certain que Nicolas Sarkozy ait eu la lucidité de François Hollande et de son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian qui nous a permis de réagir à la tentative des groupes terroristes de forcer le verrou du fleuve Niger par la magistrale opération Serval. N’oublions jamais, quelles que soient nos opinions politiques, que ce brillant et héroïque succès de nos troupes au sol est à porter à son crédit. François Hollande a donc objectivement plus de titre que Nicolas Sarkozy, qui a bradé les intérêts de la France, pour conduire nos armées lors du prochain quinquennat.

Plutôt que gesticuler en truffant tous les discours officiels de ce pétard mouillé qu’est devenu le mot « guerre » voici, pays par pays, les mesures d’urgence que notre diplomatie peut prendre pour enfin commencer à combattre le terrorisme au lieu de continuer à le nourrir :

Arabie Saoudite et Qatar

La première démarche consiste à nommer l’ennemi. Puisque notre Président de la république affirme qu’on nous mène une guerre et que c’est donc par des actes de guerre que nous devons riposter, cet ennemi ne peut être l’État islamique, qui désigne une organisation terroriste et non un État. Nos véritables ennemis c’est d’abord l’Arabie Saoudite et ensuite le Qatar, qui s’il n’utilise pas les mêmes canaux que la maison-mère et préfère s’appuyer sur les frères musulmans se fonde sur le même substrat hérétique que l’Arabie saoudite pour semer la terreur.

Il serait bien évidemment absurde de faire « la guerre » à ces deux pétromonarchies et « frapper » Ryad ou Doha ni de nous ingérer dans leurs affaires intérieures (il n’est pas question, dans l’immédiat, de demander la réciprocité en matière religieuse et d’exiger que les religions juives et chrétienne puissent être pratiquées aussi librement en Arabie saoudite que l’islam est pratiqué librement chez nous ; nous n’avons pas de légitimité non plus pour demander le retour de la garde de lieux saints de l’islam aux dynasties chérifiennes : c’est aux pays musulmans de s’unir pour l’exiger).

Nous sommes libres en revanche de lancer à ces deux pays un ultimatum qui pourrait avoir cette tournure : « Dans un délai d’un mois l’Arabie Saoudite et le Qatar doivent cesser leur soutien aux groupes wahhabites et à leurs diverses déclinaisons d’obédience salafistes et frères musulmans qui opèrent contre des États légitimes tant en Orient qu’en Occident et frappent régulièrement le sanctuaire national français. Au bout de trente jours si le soutien persiste la France mettra suspendra ses relations diplomatiques avec ces deux États, mettra un terme aux privilèges et avantages fiscaux consentis à ses deux pays sur son sol et gèlera leurs avoirs. »

Charité bien ordonnée commençant par soi-même, il va sans dire qu’un tel ultimatum exige que nous cessions immédiatement le soutien que nous apportons aux groupes soi-disant rebelles modérés au Levant. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, déclarait naguère que le groupe Al-Nosra, qui n’est autre que la branche d’Al-Qaïda en Syrie, « avait fait de l’excellent travail ». Le Quai d’Orsay non seulement doit faire amende honorable mais doit soulever le problème de la formation de ses cadres qui œuvrent à la ruine de l’influence française au Levant depuis plusieurs décennies.

États-Unis

Contrairement à ce qu’avancent certains géopoliticiens, nous vivons toujours dans le monde d’après 1945. Le monde est toujours dominé par le dollar et par la seule hyperpuissance financiaro-militaire qui l’émet. La géopolitique n’est pas devenue polycentrique du jour au lendemain et la France n’a pas les moyens de figurer dans une autre alliance que l’alliance Atlantique. Il reste qu’il s’agit bien d’une alliance et non d’une vassalité absolue. Ce qui signifie que nous gardons une marge de manœuvre qu’il est grand temps d’utiliser. Nous n’avons pas consulté notre grand frère américain avant de faire parler la foudre au Mali et rien ne nous empêche, dans le même esprit, de rappeler à notre suzerain que nous ne sommes pas liés par les accords du Quincey.

N’étant pas pays producteur de pétrole nous n’avons pas participé à l’opération américano-saoudienne qui a consisté à casser les prix du pétrole en 2014 afin de mettre à genou les économies russes et iranienne. Même si nous avons objectivement intérêt à la baisse des prix du pétrole et que ce frémissement que nous observons sur le front de la « croissance » n’est pas dû à une reprise mais est plutôt imputable à la chute artificielle des prix du pétrole, nous refusons que cette baisse soit le produit d’un bras de fer géopolitique.

Observons que cette guerre économique ne pourra être soutenue indéfiniment. Un récent rapport du FMI prévoit de graves problèmes budgétaires non plus seulement aux États-Unis mais cette fois-ci en Arabie saoudite, pays dont le budget est traditionnellement excédentaire mais qui semble ne plus pouvoir financer la double confrontation qu’il a imprudemment engagé en Syrie et au Yémen.

Dans le même esprit, nous invitons les candidats à l’élection présidentielle américaine à mesurer les dégâts que cette guerre du pétrole ont provoqué en Amérique même. En effet, le seul secteur qui avait enregistré une croissance exponentielle ces dernières années, le secteur du gaz et du pétrole de schiste, a été ruiné par la guerre du pétrole qui ne permet plus aux entreprises de dégager une marge suffisante pour obtenir les crédits d’investissement nécessaires à l’exploitation de pointe de cette source d’énergie.

La Turquie 

Erdogan a pu se targuer de vouloir conduire une politique néo-ottomane mais son attitude à l’égard de la Syrie et des Kurdes montre qu’il mélange un populisme anatolien aux pire relents du jacobinisme kémaliste. Erdogan ne sera néo-ottoman que s’il prend ses distances avec l’ennemi traditionnel wahhabite de l’islam ottoman et que s’il se rapproche de l’Irak et de l’Iran afin de permettre la constitution d’un Kurdistan libre. L’Empire ottoman n’avait rayonné dans la longue durée que parce que son centralisme était tempéré.

Erdogan bénéficie de fonds structurels européens qu’il a utilisés pour épurer l’armée et l’appareil d’État kémaliste au motif spécieux qu’il fallait créer les conditions d’une adhésion de la Turquie en Europe. Mais son véritable objectif est l’islamisation de la société et du pourtour méditerranéen. N’oublions pas que la Turquie est la seule puissance régionale au Levant à avoir condamné l’intervention française au Mali. Erdogan doit cesser de pratiquer un double jeu avec l’Europe. Ce qui signifie, entre autres, qu’il doit cesser de fermer les yeux sur le transit sur son sol des combattants venus d’Europe pour la Syrie, faute de quoi la France serait bien inspirée de lui lancer un ultimatum similaire à celui que nous suggérons en direction de l’Arabie saoudite et du Qatar.

Comme l’ont démontré les attaques du début de l’année contre la livre turque, l’économie turque ne va pas aussi bien que le proclame l’AKP, le parti d’Erdogan qui vient de remporter les élections législatives en s’appuyant sur une propagande belliciste. La croissance qui était de 8% est aujourd’hui tombée à 3%. La Turquie a donc tout à gagner à rendre plus transparente ses relations avec l’Union européenne plutôt que de caresser un rêve néo-ottomans que ses nouvelles élites issues des plateaux d’Anatolie au lieu de l’Asie mineure sont trop intégristes pour être en mesure de réaliser.

Cet article est l’adaptation d’une chronique datant de 1997, intitulée, « Le poids des photos, le choc des civilisations » et publié dans notre recueil de chroniques des années 90 Tout est culture en octobre 2015 aux éditons Les Belles Lettres.

  • Cet article est l’adaptation d’une chronique datant de 1997, intitulée, « Le poids des photos, le choc des civilisations » et publié dans notre recueil de chroniques des années 90 Tout est cultureen octobre 2015 aux éditons Les Belles Lettres.

Source :

tp://www.contrepoints.org/wp-content/uploads/2014/07/Islam-credits-zbigphotpgraphy-licence-creative-commons.jpg

 

PARTIE I : Le wahhabisme, pseudo-salafisme, qui arme le terrorisme dit islamiste, est une hérésie.

PARTIE II : Comment nous avons remis en selle le terrorisme en Arabie

PARTIE III : Les mesures d’urgence que notre diplomatie peut prendre pour commencer à combattre le terrorisme au lieu de continuer à le nourrir 

 

Commentaires

Flux Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.

I-Cube

OK !
Nous avions bien lu la même chose.

Bien à vous !

I-Cube

JEAN-CHARLES DUBOC

Tout à fait !...
Même lecture d’un article très riche et bien argumenté.

Cela permet aussi de définir notre part de responsabilité.

Personnellement, j’ajouterais la guerre du Golfe de 1990 et la façon dont la coalition a pillé le Koweït puis l’Irak.
Où est le plan Marshall qui aurait dû être mis en place ?...

Triste…
Et l’addition risque d’être lourde…

L'utilisation des commentaires est désactivée pour cette note.